Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
S

sucre. (suite)

De la cour à la ville.

• L'usage du sucre s'est banalisé progressivement. En 1574, à Venise, Henri III est accueilli dans un décor en sucre massif, depuis les couverts jusqu'aux fresques. En 1789, à Paris, la consommation annuelle par habitant est de 500 grammes. Si le sucre est un peu plus coûteux que les œufs, il l'est beaucoup moins que la viande. Il est un indice de la civilisation des mœurs : d'abord lié à un art de vivre aristocratique, il devient une habitude de sociabilité urbaine. Au XVIe siècle, le Grand Confiturier de Nostradamus témoigne de la vogue des confitures. Le sucre est l'ingrédient essentiel du développement des pâtisseries, des glaces d'origine italienne et des limonades. Au XVIIIe siècle, il est le complément du café et du cacao, et accompagne l'essor des cafés. Le petit-déjeuner à base de café au lait sucré, cher à Jean-Jacques Rousseau, fait son apparition. Si le goût de la douceur a aujourd'hui triomphé, la consommation annuelle de 30 à 35 kilos de sucre par Français semble atteindre un palier de saturation. Depuis plusieurs années, elle a même eu tendance à baisser fortement.

Suessions,

peuple gaulois qui occupait le sud de l'actuel département de l'Aisne et qui a laissé son nom à la ville de Soissons.

Les Suessions sont l'un des peuples belges les plus puissants au moment de la guerre des Gaules. Il semble que leur territoire ait été anciennement plus grand encore et qu'ils aient même dominé une partie de la Grande-Bretagne. L'un de leurs rois, Deiviciacos, dont le nom est également connu par des monnaies suessiones, est qualifié par César de « plus puissant chef de la Gaule entière ». Lors de la coalition belge qui se forme en 57 avant J.-C. contre les armées romaines, les Suessions peuvent fournir 50 000 guerriers, soit un sixième du total de l'armée belge. C'est contre leur capitale, Noviodunum, que se dirige immédiatement César après avoir vaincu la coalition belge sur les bords de l'Aisne. La ville se rend sans combat, et il semble qu'on puisse l'identifier à l'oppidum de Villeneuve-Saint-Germain, à l'est de Soissons, où toute une agglomération fortifiée gauloise, à l'urbanisme strict et à l'économie développée, a été retrouvée et partiellement fouillée. Les Suessions - décrits comme « frères de race » des Rèmes, « vivant sous les mêmes lois, ayant même chef de guerre, même magistrat » - passeront après leur défaite sous le contrôle politique de ces derniers, restés fidèles à Rome. La ville même de Soissons, Augusta Suessonum, sera fondée de toutes pièces au début de la période romaine ; elle comptait un théâtre, de nombreux monuments et de riches demeures décorées de peintures murales.

Suez (canal de),

canal situé en Égypte, mettant en relation la Méditerranée et la mer Rouge, réalisé de 1859 à 1869 sous la direction de Ferdinand de Lesseps.

Dans l'Antiquité existait un système de canaux reliant le Nil à la mer Rouge, qui fut abandonné après la conquête arabe. L'idée d'unir directement les deux mers - sans passer par le Nil - renaît à la faveur de l'expédition de Bonaparte en Égypte (1798), mais l'ingénieur français Le Père conclut alors à l'impossibilité de percer un canal dans l'isthme de Suez. Sous la monarchie de Juillet, Prosper Enfantin et les milieux saint-simoniens se remettent à l'étude et parviennent à gagner au projet un jeune diplomate français, Ferdinand de Lesseps. Les ingénieurs Paulin Talabot et Linant de Bellefonds démontrent que la construction d'un canal entre les deux mers est techniquement possible.

Lesseps bénéficie du soutien de son ami Saïd Pacha, qui devient khédive (vice-roi d'Égypte) en 1854. Le 30 novembre de la même année, il obtient une concession lui donnant le pouvoir de constituer une compagnie pour percer le canal : en 1858 est fondée la Compagnie universelle du canal maritime de Suez. D'emblée, elle marque la suprématie française sur l'entreprise : elle est de droit français et 51 % du capital initial est français. Les travaux débutent en 1859. L'inauguration de l'ouvrage par l'impératrice Eugénie réunit, le 17 novembre 1869, tout ce que l'Europe compte de célébrités. La compagnie, qui obtient une concession de quatre-vingt-dix-neuf ans à compter de ce jour d'ouverture, est financée grâce aux actions achetées surtout par de petits souscripteurs français mais aussi par le khédive Ismaïl Pacha, au pouvoir en Égypte depuis 1863. Long de 162 kilomètres, large de 40 à 85 mètres, le canal relie le bras occidental de la mer Rouge (Suez) à la Méditerranée (Port-Saïd).

Symbole de la présence française en Méditerranée orientale, le projet s'est d'abord heurté à l'opposition du gouvernement britannique, qui a tenté de faire arrêter les travaux (1862) en intervenant auprès du sultan de Constantinople, suzerain de l'Égypte. Mais le canal facilite à tel point la route des Indes que la reine Victoria, en personne, se félicite de l'entreprise. En rachetant les actions d'Ismaïl (1875), les Britanniques réussissent même à devenir les principaux actionnaires de la compagnie : dès lors, malgré la présence à sa tête d'un administrateur français et son statut international - reconnu par la convention de Constantinople (1888) -, le canal de Suez sanctionne, dans les faits, la prédominance des Britanniques en Égypte, pays placé sous leur protectorat en 1914.

L'annonce de la nationalisation de la Compagnie du canal par le président égyptien Nasser, en juillet 1956, provoque l'envoi de parachutistes français et britanniques à Port-Saïd en novembre - signe d'une conjonction d'intérêts, mais qui est rendue vaine par les ultimatums de l'URSS et des États-Unis. En 1956, le canal achemine plus de 13 % du commerce mondial ; cependant, il a cessé de représenter pour l'imaginaire européen ce « lit nuptial de l'Occident et de l'Orient » cher à Prosper Enfantin.

Suez (expédition de),

expédition militaire lancée en octobre et novembre 1956 par des forces israéliennes, puis britanniques et françaises, dans la zone du canal de Suez.

Le 26 juillet précédent, le colonel Nasser, homme fort de l'Égypte depuis 1954, a annoncé lors d'un discours à Alexandrie sa décision de nationaliser la Compagnie du canal de Suez, exploitée jusqu'alors par les Français et les Britanniques. Les conséquences financières de ce coup de force sont loin d'être dramatiques, une indemnisation ayant été prévue pour les actionnaires. En revanche, la crainte que Nasser, dans le contexte de la guerre d'Algérie, fasse des émules au sein du monde arabe pousse Londres et Paris à intervenir.