Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
B

Berthelot (Marcelin), (suite)

Son œuvre, consacrée principalement à la synthèse organique et à la thermochimie, excède la chimie ; ses intérêts portent également Marcelin Berthelot vers l'archéologie et la politique. Mais, au-delà de cet éclectisme apparent, Berthelot fait du scientisme sa religion : ainsi considère-t-il que le bonheur et le bien-être s'acquièrent par « la connaissance exacte des faits, par la conformité de nos actes avec les lois constatées des choses ». Aussi son œuvre publique s'attache-t-elle à favoriser l'enseignement et la recherche - inspecteur général de l'enseignement supérieur en 1876, il crée par exemple les maîtrises de conférence. Parfois, cependant, sa méfiance à l'égard des prétentions de la « science spéculative » l'entraîne à commettre des erreurs, notamment lorsqu'il refuse la théorie atomique (1877), qu'il finira par adopter.

Berthier (Louis Alexandre),

maréchal de France, prince de Neufchâtel et de Wagram (Versailles 1753 - Bamberg, Allemagne, 1815).

Berthier entre dans l'armée à 11 ans. Après avoir intégré le corps royal d'état-major, il combat en Amérique. Lieutenant-colonel lorsque la Révolution éclate, il est nommé major général de la Garde nationale à Versailles. Peu attaché aux idées révolutionnaires, il protège la famille royale, ce qui le rend suspect. Suspendu en septembre 1792, il sert en Vendée de mai à juillet 1793. Après une seconde destitution, il est nommé à l'état-major de l'armée des Alpes et d'Italie en 1795. Son destin est alors lié à celui de Bonaparte, qui remarque ses qualités lors des campagnes d'Italie et d'Égypte, puis en fait son ministre de la Guerre de 1799 à 1807. Mais c'est surtout en tant que chef d'état-major de la Grande Armée qu'il s'illustre, assurant notamment une transmission très efficace des informations et des ordres. Sa fidélité à l'Empereur lui vaut tous les honneurs : élevé à la dignité de maréchal d'Empire en 1804, puis à celle de major-général de la Grande Armée en 1805, il est fait prince de Neufchâtel en 1806 et prince de Wagram en 1809. Cependant, lorsque Napoléon Ier abdique en 1814, Berthier se rallie immédiatement à Louis XVIII. Retenu au château de sa famille à Bamberg par les coalisés, qui craignent de le voir rejoindre l'Empereur pendant les Cent-Jours, il y meurt, dans d'obscures circonstances.

Berthollet (Claude Louis),

chimiste (Talloires 1748 - Arcueil 1822).

Issu d'une famille de la noblesse de robe savoyarde, Berthollet étudie la médecine à Turin, avant de monter à Paris en 1772. Il s'intéresse alors à la chimie, se rallie aux vues radicalement nouvelles de Lavoisier en 1785, et œuvre avec lui, en compagnie de Fourcroy et de Guyton de Morveau, à la publication de la Méthode de nomenclature chimique (1787), qui jette les bases de la chimie moderne. Soucieux de trouver des applications pratiques à ses travaux, il invente un procédé de blanchiment du textile, à base d'hypochlorite de potassium, plus connu sous le nom d'« eau de Javel ». Personnalité scientifique en vue, il participe activement à l'effort révolutionnaire : membre de nombreuses commissions, il rédige, en 1793, avec Monge et Vandermonde, des ouvrages destinés aux industries militaires ; il enseigne la fabrication des poudres à l'École des armes, puis la chimie à l'École normale et à Polytechnique. Nommé à l'Institut dès 1795, il suit Bonaparte en Italie et en Égypte. Sénateur en 1799, comte en 1808, il se tourne de nouveau vers la recherche. Il publie un Essai de statique chimique (1803) dans lequel il s'efforce d'élaborer un système théorique. Quelques années après, il fonde avec Laplace la Société d'Arcueil, en vue d'aider les jeunes savants : très active jusqu'en 1813, celle-ci disparaît à sa mort. « Chimiste le plus connu du public », selon Cuvier, Berthollet est une figure emblématique de la génération des scientifiques qui ont investi le pouvoir politique lors de la Révolution.

Bertin (Henri Léonard Jean-Baptiste),

comte de Bourdeille, magistrat et homme politique (Périgueux 1720 - Aix-la-Chapelle 1792).

Issu d'une famille de la noblesse de robe du Périgord, Bertin est reçu avocat au parlement de Bordeaux en 1749, avant d'occuper de grandes charges dans la magistrature. Conseiller, puis maître des requêtes en 1745, il préside le Grand Conseil en 1749. D'abord intendant du Roussillon puis de Lyon, de 1754 à 1757, Bertin développe le tissu économique et industriel de la région lyonnaise. Il est ensuite nommé lieutenant général de police, puis, en 1759, devient contrôleur général des finances. Il pourvoit notamment aux dépenses de la guerre de Sept Ans.

Bertin compte parmi les hommes politiques qui ont favorisé le développement de l'appareil administratif, le rôle de la finance et la mainmise de l'État sur les corps représentatifs. Il est aussi l'un des promoteurs de l'expérience libérale. Membre de l'élite de la « secte » des physiocrates, il autorise, en 1760, la libre circulation des grains. Il contribue aussi à la fondation de deux écoles vétérinaires, à Lyon en 1762 et à Alfort en 1766. Résignant sa charge au contrôle général en 1763, il exerce cependant une influence jusqu'en 1780, car il conserve un secrétariat d'État très actif. Les compétences de Bertin s'étendent à la plupart des activités économiques du royaume et au dépôt des Archives, qu'il crée en 1774. Necker ayant mis fin à sa carrière, il se retire près de Paris.

Bertin l'Aîné (Louis François, Bertin, dit),

journaliste politique (Paris 1766 - id. 1841).

Fils du secrétaire du duc de Choiseul, le royaliste Louis François Bertin fut considéré par ses contemporains comme une référence en matière de journalisme politique. Dès le début de la Révolution, il collabore à divers journaux, puis entre en 1795 à l'Éclair, feuille de la réaction royaliste interdite après le coup de force des directeurs républicains du 18 fructidor an V (4 septembre 1797). Proscrit, Bertin se cache jusqu'au coup d'État de Bonaparte (18 brumaire an VIII, 9 novembre 1799), après lequel il fonde le Journal des débats, qui se distingue par des attaques allusives contre le Premier consul. Emprisonné en 1800 au Temple puis exilé en Italie, Bertin reprend, en 1804, la direction de sa feuille censurée, devenue Journal de l'Empire, jusqu'à sa confiscation par l'État en 1811. Il retrouve en 1814 sa position, et le journal peut paraître sous son ancien titre grâce au retour des Bourbons. Sous la Restauration, le Journal des débats est un défenseur du régime jusqu'à la disgrâce, en 1823, de Chateaubriand, collaborateur, protecteur et ami de Bertin depuis leur rencontre à Rome en 1803. Après la révolution de Juillet, il est l'organe de la haute bourgeoisie constitutionnelle et soutient la dynastie des Orléans.