Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Benoît d'Aniane (Witiza, saint),

moine réformateur (vers 750 - Inden, près d'Aix-la-Chapelle, 821).

Sa vie est connue par le récit de son hagiographe Ardon. D'origine wisigothique, il est le fils du comte de Maguelonne, qui favorisa l'établissement de la monarchie franque en Septimanie lors de sa conquête par Pépin en 759. Witiza bénéficie ainsi d'une éducation au palais, mais en 774, au cours de la campagne lombarde de Charlemagne, il décide de se consacrer à Dieu. Pétri d'un idéal ascétique, il expérimente, d'abord sans succès, la règle de saint Benoît de Nursie à l'abbaye de Saint-Seine, qu'il quitte en 779 pour fonder, sur sa terre natale, une nouvelle expérience monastique. Après plusieurs tentatives communautaires que leur sévérité fait échouer, il se rapproche de la règle cassinienne et en fait la base d'une fondation sur les bords de l'Anian, vers 782. S'appuyant sur cet établissement, Benoît réforme nombre d'abbayes par l'introduction de la nouvelle vie régulière, puis rédige un commentaire de la règle cassinienne (la Concordia regularum) étoffé de références aux règles alors pratiquées dans le monde franc. Louis le Pieux donne à l'activité de Benoît une nouvelle ampleur : ayant fait construire pour lui, non loin d'Aix, le monastère d'Inden (Cornelimünster), il le nomme supérieur de tous les moines du royaume et le charge de diffuser la réforme. Benoît prépare alors un code général d'observances réglementant les usages monastiques selon la règle bénédictine, qui est promulgué par l'assemblée des abbés de l'Empire réunis à Aix en juillet 817. Ce capitulaire monastique marque l'apogée de l'œuvre réformatrice et centralisatrice de Benoît d'Aniane jusqu'au renouveau de Cluny au Xe siècle.

Béranger (Pierre-Jean de),

poète et chansonnier (Paris 1780 - id. 1857).

 Marqué par l'épopée des soldats de l'an II, admirateur de Bonaparte mais rétif au despotisme impérial, il écrit satires, odes et comédies avant de connaître la gloire en 1813 avec une chanson, le Roi d'Yvetot. L'éloge d'un monarque « se levant tard, se couchant tôt / dormant fort bien sans gloire », qui « n'agrandit point ses États / fut un voisin commode, / et, modèle des potentats, / prit le plaisir pour code » est une charge contre les tendances belliqueuses et autoritaires de l'Empire. Béranger devient alors le chansonnier par excellence, et dit avoir épousé la chanson « avec l'intention de la rendre digne d'être présentée dans les salons de notre aristocratie, sans la faire renoncer pourtant à ses anciennes connaissances, car il fallait qu'elle restât fille du peuple ». Opposé à la Restauration, il met son immense popularité au service des libéraux : il imagine une « sainte alliance barbaresque » qui interdit Voltaire ; il dénonce les jésuites et contribue à écrire la légende napoléonienne. Cela lui vaut des procès en 1821 et 1828, mais la prison sert sa popularité. Guizot et l'association « Aide-toi, le ciel t'aidera » couvrent ainsi par souscription une amende de 10 000 francs qu'il devait acquitter, et 100 000 exemplaires d'un de ses recueils s'arrachent avant saisie au début de 1830. Bien que la révolution de Juillet réponde à ses vœux, il juge alors qu'on « rebadigeonne / un trône noirci » et se tient éloigné de Louis-Philippe, « planche pour passer le ruisseau » vers la République. En 1848, il s'inquiète pourtant : « Nous avions un escalier à descendre, et voilà qu'on nous fait sauter un étage. » Élu à la Constituante, il en démissionne aussitôt. Ses dernières années sont assombries à la fois par des critiques malveillantes et par des soucis d'argent. Sa gloire reste cependant telle que le Second Empire lui réserve des funérailles officielles pour éviter un cortège populaire incontrôlable.

De Hugo à Nerval, de Chateaubriand à Michelet, les hommages des plus grands écrivains se sont joints à ceux du public populaire. Si les textes de ses chansons n'ont pas toujours supporté l'épreuve du temps, Béranger n'en a pas moins capté avec un art consommé l'esprit d'une époque : incarnant un mélange de libéralisme et de patriotisme, il a su répondre aux aspirations d'une société que le souvenir de l'aventure napoléonienne et la médiocrité des années de Restauration rendaient réceptive à son répertoire.

Berezina (bataille de la),

défaite napoléonienne, les 27 et 28 novembre 1812, lors de la retraite de Russie.

Après avoir évacué Moscou, puis Smolensk, le corps de la Grande Armée est réduit à 49 000 soldats que suivent 40 000 retardataires désarmés. Napoléon est pourchassé par les 30 000 hommes de Wittgenstein et les 80 000 de Koutousov. À l'ouest, Tchitchagov, avec 34 000 soldats, doit lui couper la retraite sur la Berezina ; d'ordinaire gelé à cette période de l'année, le fleuve est en pleine crue, donc infranchissable. Par chance, un gué est découvert. Le 25 novembre 1812, une diversion permet aux sapeurs du général Éblé de construire deux ponts dans d'effroyables conditions. Le lendemain, Oudinot franchit la Berezina, s'établit sur la rive ouest et résiste à Tchitchagov. Le jour même, le pont principal cède. Il est réparé alors que Wittgenstein attaque la rive est. Le 28, les Russes le détruisent à nouveau, mais sont repoussés. Dans la nuit du 28 au 29, presque toutes les troupes françaises ont traversé le fleuve. Mais les retardataires refusent de s'engager de nuit. Lorsque, au matin, Éblé met le feu aux ouvrages, c'est la panique : 30 000 non-combattants périssent noyés ou massacrés. Ajoutés aux 25 000 soldats français morts pour assurer ce passage, c'est un lourd tribut que paie Napoléon. Cet épisode tragique a laissé des traces dans la langue familière, le terme de « Berezina » devenant un synonyme de désastre.

Bergery (Gaston),

homme politique (Paris 1892 - id. 1974).

 Avocat, spécialiste de droit international, partisan d'une politique conciliatrice envers l'Allemagne, il devient chef de cabinet d'Édouard Herriot en 1924, avant de lui reprocher son modérantisme. Député de Mantes en 1928, il incarne l'extrême gauche du radicalisme, défend l'alliance avec la SFIO, est proche des communistes. En 1933, il fonde Front commun, qui séduit un temps Paul Langevin, des socialistes comme Marceau Pivert et Georges Monnet, ou Bernard Lecache, de la Ligue contre l'antisémitisme. Mais il se heurte aux partis de gauche pour lesquels l'antifascisme n'est pas encore une priorité. Et son discours, fondé sur l'ordre et l'autorité supposés aider à combattre le fascisme, l'en rapproche. En 1936, isolé au Parlement alors qu'il se veut l'aiguillon du Front populaire, il crée un petit « parti frontiste », pacifiste et dirigiste. Le frontisme dérive petit à petit vers la droite, prône un anticapitalisme « national », copie le cérémonial totalitaire, approuve les accords de Munich et réclame, au nom de la paix, la limitation du nombre de juifs dans l'appareil d'État. Vichyste avant la lettre, puis conseiller de Pétain et chantre de la Collaboration, Bergery ne peut cependant créer le parti unique dont il rêve et doit se contenter de postes d'ambassadeur, à Moscou puis à Ankara. Sa carrière, faite de demi-échecs, s'arrête avec l'effondrement des fascismes, qu'il a cru combattre avant de subir leur fascination, de les imiter et, pour finir, de les servir. En 1949, il comparaît devant la cour de justice de la Seine, qui l'acquitte.