Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
E

Eugénie (Eugenia Maria de Montijo de Guzmán, comtesse de Teba, dite), (suite)

L'impératrice est-elle influente ?

• Pendant la guerre d'Italie contre l'Autriche (1859), elle assume la régence et prend goût à la politique. Elle est de nouveau régente en 1865, lors du voyage de Napoléon III en Algérie. La maladie de son époux accroît ses ambitions en lui laissant une certaine marge de manœuvre, certes faible. Eugénie intervient en faveur du pouvoir temporel du pape et de la présence française au Mexique ; elle s'allie à Eugène Rouher pour s'élever contre la libéralisation du régime. À la fin de 1869, elle inaugure - seule - le canal de Suez. La guerre contre la Prusse, à laquelle elle s'est montrée favorable, lui permet de redevenir régente, le 27 juillet 1870. À l'annonce des premières défaites, elle remplace, le 9 août, le ministère Ollivier par un cabinet dirigé par le très conservateur comte de Palikao. Cependant, le régime se délite, et, presque abandonnée de tous, elle doit fuir, le 4 septembre. Elle se réfugie en Angleterre, où l'empereur déchu la rejoint : ils séjournent à Camden Place, près de Chislehurst, dans le Kent. C'est là que Louis Napoléon Bonaparte décède, le 9 janvier 1873. Quelques années plus tard, Eugénie est profondément affectée par la mort de son fils, tué le 1er juin 1879, alors qu'il participait à une guerre de la Grande-Bretagne contre les Zoulous. À l'issue de la Première Guerre mondiale, Eugénie sort de sa réserve, pour aider Clemenceau à persuader les Alliés de restituer l'Alsace-Lorraine à la France : elle communique, en effet, une lettre de Guillaume Ier de Prusse datée de 1870 et faisant état des motivations purement militaires de l'annexion de ces territoires.

L'action de l'impératrice Eugénie a été jugée avec sévérité, tant par ses contemporains que par les historiens. Elle a participé amplement de cette « légende noire » qui a longtemps pesé sur le Second Empire. Toutefois, même si les choix politiques d'Eugénie apparaissent assez malheureux, il est peu probable qu'elle ait véritablement orienté la politique de Napoléon III, farouche adepte du gouvernement personnel.

européenne (construction).

Son histoire est surtout celle de l'unité de l'Europe occidentale depuis 1945, et, depuis 1989, celle de l'Europe entière. La construction européenne constitue un formidable défi pour les peuples du Vieux Continent : de son succès ou de son échec dépend la place que l'Europe occupera dans les relations internationales au XXIe siècle.

Bilan des institutions européennes.

• La volonté d'unifier l'Europe ne date pas de 1945. En effet, la Société des nations (SDN), organisation mondiale de sécurité créée en 1920, a pu apparaître comme une organisation européenne en l'absence des États-Unis. Des chefs d'entreprise ont également tenté d'organiser un marché commun européen par le biais d'ententes privées. Coudenhove-Kalergi, fondateur du mouvement Paneuropa, a quant à lui popularisé l'idée d'une confédération de l'Europe continentale.

La question de l'unité est à nouveau posée après la Seconde Guerre mondiale. Les mouvements proeuropéens obtiennent la création, en mai 1949, du Conseil de l'Europe, organisation de coopération intergouvernementale sans pouvoirs, mais dotée d'une Assemblée consultative remuante. La nécessité de relever l'Europe de ses ruines entraîne la fondation, le 16 avril 1948, de l'Organisation européenne de coopération économique (OECE), qui rassemble seize pays d'Europe occidentale. Elle va contribuer, dans un climat de guerre froide, à gérer l'aide dans le cadre du plan Marshall. En outre, elle va régler la question des paiements intereuropéens par l'intermédiaire de l'Union européenne des paiements (UEP), faisant ainsi disparaître nombre d'obstacles aux échanges.

Le 9 mai 1950, la déclaration Schuman en faveur d'une mise en commun du charbon et de l'acier est acceptée par six pays (France, Italie, RFA, Belgique, Luxembourg, Pays-Bas). Naît ainsi la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), dotée d'un exécutif supranational présidé par Jean Monnet - la Haute Autorité -, qui préfigure aux yeux des plus ardents fédéralistes une fédération européenne. Sur le modèle de la CECA, le président du Conseil René Pleven propose, le 25 octobre 1950, de constituer une Armée européenne, qui devient, par le traité de Paris du 27 mai 1952, la Communauté européenne de défense. À cette CED se serait ajoutée une Autorité politique européenne qui aurait coiffé la CECA, la CED et un Marché commun. Mais l'Assemblée nationale française rejette la CED le 30 août 1954, au terme de deux années de débats portant sur le réarmement allemand. Une solution de rechange est néanmoins trouvée : Pierre Mendès France, président du Conseil, et Anthony Eden, Premier ministre britannique, créent en octobre 1954 l'Union de l'Europe occidentale (UEO). Cette organisation de coopération n'est finalement pas devenue le cœur d'une défense européenne, liée à l'OTAN, mais elle a permis à la RFA d'adhérer à l'OTAN.

L'aventure européenne de l'après-guerre est ensuite marquée par une étape essentielle avec la création, le 25 mars 1957 à Rome, de l'Euratom et du Marché commun, ou Communauté économique européenne (CEE). Euratom, organisation destinée à donner à l'Europe les moyens de la puissance atomique civile, sera ignorée par de Gaulle, car elle semble faire obsta-cle aux ambitions militaires de la France dans le domaine nucléaire. En revanche, de Gaulle tente en 1961 de relancer l'Union politique par un plan d'union des États, le plan Fouchet, qui donne à la France un rôle prééminent. Ses partenaires ne croient pas aux garanties de sécurité que seuls les Américains sont en mesure d'offrir. Ce projet échoue donc, et l'Europe politique piétine : en juin 1965, de Gaulle s'oppose au passage au vote à la majorité qualifiée, prévu dans les traités de Rome, une procédure qui aurait supprimé le droit de veto des États. Il s'oppose aussi par deux fois, en 1963 et en 1967, à l'entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun, estimant qu'elle serait le cheval de Troie des États-Unis. Aussi faudra-t-il attendre la présidence de Georges Pompidou pour que la Grande-Bretagne rejoigne l'Europe communautaire, avec le Danemark et l'Irlande, en janvier 1973.