Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
D

domaine royal,

ensemble des terres et des droits dont le roi est seigneur direct et haut justicier.

Sous les Capétiens, un adage juridique énonce que le roi, afin de subvenir à ses besoins et à ceux de l'État, doit « vivre du sien », c'est-à-dire qu'il doit se contenter des revenus de son domaine. Celui-ci n'est pas d'un seul tenant, il est hétérogène par les types de revenus qu'il procure, car son seigneur est aussi souverain : des lambeaux de droits régaliens se mêlent indistinctement à son patrimoine foncier. Négativement, le domaine royal se différencie de deux autres assises juridiques territoriales : le fief, rattaché indirectement au roi, et le royaume. Si elle fut longue à s'affirmer dans les faits, on peut avancer que la dissociation entre domaine et royaume constituait un préalable juridique nécessaire à l'affirmation de la souveraineté et, en retour, à une définition positive de la notion de domaine royal. Significativement, c'est sous Philippe Auguste que la distinction se met nettement en place : reconnu empereur en son royaume par le pape Innocent III, il lègue à son successeur un domaine multiplié par quatre. En 1328, lorsque s'éteignent les Capétiens directs, celui-ci couvre les deux tiers du royaume. L'adéquation domaine/royaume devient complète au cours du XVIe siècle.

Parallèlement à la construction territoriale s'élabore la théorie juridique : du domaine en tant que fisc du roi, on glisse à la notion de domaine éminent, puis à celle de domaine public, lorsque ces biens sont attribués à la couronne, concept abstrait né au XIIIe siècle. De même que la couronne est inaliénable, de même le domaine relève du triple principe d'inaliénabilité, d'indisponibilité et d'imprescriptibilité. Ces règles commencent cependant d'être violées au moment même où elles sont conçues : en 1316 apparaît le mot apanage, qui désigne des terres appartenant au domaine royal et données par le roi à ses enfants puînés. Leur réagrégation au domaine en cas d'absence d'héritier direct, imposée pour éviter la dislocation de celui-ci, devient difficile à appliquer durant la guerre de Cent Ans. S'agit-il d'une « seconde féodalité » menaçant l'unité du royaume ? Les recherches récentes montrent qu'il y a certes eu un ralentissement de l'unification, dont le domaine est le socle, mais non une mise en cause véritable. En effet, autant qu'un concurrent, l'apanagiste apparaît comme un coadministrateur du royaume, qui participe finalement à la stratégie intégratrice.

L'adéquation domaine/royaume progressant, la part des revenus du domaine (dits ordinaires) pèse de moins en moins dans l'ensemble des revenus royaux, car, à partir du XIVe siècle, le roi peut exiger de plus en plus d'impôts. À l'époque moderne, l'« extraordinaire » (l'impôt) constitue l'essentiel des revenus du domaine, lequel englobe, au plan juridique, l'ensemble des revenus de l'État. C'est la raison pour laquelle les ministres ont oscillé entre le désir d'aliénation du domaine corporel (le « domaine » médiéval) et la fidélité symbolique au vieux principe capétien d'inaliénabilité. Et ce n'est qu'à la veille de la Révolution que l'entourage de Turgot s'attaque de front à ce dogme, de nombreux cahiers de doléances reflétant le même point de vue. La Révolution hérite, au terme de la lente mutation accomplie depuis 987, de la notion de domaine public ou national, demeurée en vigueur jusqu'à nos jours.

Dombasle (Christophe Joseph Alexandre Mathieu de)

officier de carrière, puis savant et agronome (Nancy 1777 - id. 1843).

Contraint de quitter l'armée pour raison de santé, Mathieu de Dombasle se tourne vers la chimie, puis, durant le Blocus continental, fonde une fabrique de sucre de betterave. Mais, la paix ayant permis de rétablir les échanges commerciaux, ses entreprises sont ruinées. Il s'intéresse alors à l'exploitation des terres et au renouveau des méthodes agronomiques, thèmes alors en vogue. Sous l'Empire, l'abbé de Pradt avait publié De l'état de la culture en France, ouvrage inspiré d'Arthur Young et de l'agronomie anglaise, qui incitait les exploitants français à améliorer leurs techniques. Les sociétés d'agriculture s'étaient reconstituées, et le pouvoir encourageait la modernisation des pratiques. Surtout, le renouveau de l'agriculture française est alors favorisé par les initiatives de grands propriétaires, tel Dombasle. En 1822, ce dernier crée à Roville, dans la Meurthe, une ferme-école où il met en œuvre ses idées : il y présente un nouveau modèle de charrue, révèle l'importance du chaulage sur les terres argileuses. Il poursuit en parallèle ses recherches, publiées dans les Annales de Roville, revue savante dont il est le fondateur. En 1826, le gouvernement s'inspire de ses expériences pour créer la ferme-école de Grignon.

Le mérite majeur de Dombasle est d'avoir allié la pratique à la théorie, et permis par l'exemple la diffusion de méthodes nouvelles. Il est considéré, à ce titre, comme le père de l'agronomie française du XIXe siècle.

domestiques,

terme qui qualifie, jusqu'au début du XVIIIe siècle, toutes les personnes appartenant à une maison, avant de s'appliquer aux seuls serviteurs.

Sous l'Ancien Régime, la population ancillaire représente de 5 à 10 % de la population urbaine. En 1846, elle constitue près de 8 % de la population parisienne et est alors féminine à 75 %. Les domestiques, pour la plupart, sont issus du monde rural, mais pas nécessairement de ses couches les plus basses. L'existence de la domesticité revêt une signification sociale fondamentale, marquant la distinction des conditions : les plus prestigieuses maisons, au cours du XIXe siècle, emploient plus de trente domestiques.

Un monde hiérarchisé.

• Le monde ancillaire comprend les domestiques agricoles, les salariés des métiers et les serviteurs privés. Parmi ces derniers, intendants et secrétaires, précepteurs et institutrices, souvent anglais ou allemands à partir de 1850, distinguent l'aristocratie. Puis viennent les maîtres d'hôtel et les cochers, suivis des valets et des femmes de chambre, les bonnes à tout faire occupant le bas de la hiérarchie. Les serviteurs masculins jouissent de plus d'honorabilité : la part qu'ils occupent dans la domesticité d'une maison grandit avec le prestige de celle-ci.