Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Joséphine (Marie Josèphe Rose Tascher de La Pagerie),

impératrice des Français (Trois-Îlets, Martinique, 1763 - Malmaison, Hauts-de-Seine, 1814).

Issue d'une famille de petite noblesse établie en Martinique, elle rejoint la France à 16 ans pour épouser le vicomte Alexandre de Beauharnais, fils d'un ancien gouverneur de l'île, dont elle a bientôt deux enfants, Eugène et Hortense, et dont elle se sépare en 1784. Sous la Terreur, à la suite de l'arrestation de son époux, guillotiné le 23 juillet 1794, elle est incarcérée aux Carmes entre le 21 avril et le 6 août. À sa libération, elle fréquente les salons thermidoriens, dont celui de Mme Tallien, où sa grâce et sa courtoisie séduisent Barras, puis Napoléon Bonaparte, qu'elle épouse civilement le 9 mars 1796. Sur ordre du Directoire, elle rejoint le jeune général en Italie, où elle vole de fête en fête et spécule sur les fournitures militaires, avant de regagner Paris, en 1798. Très mondaine, elle intercède, dès le Consulat, en faveur de certains nobles et participe au ralliement de l'ancienne noblesse à l'Empire. Malgré des tensions avec la famille Bonaparte, elle est couronnée impératrice par Napoléon Ier, le 2 décembre 1804, après un mariage religieux. Cinq ans plus tard, n'ayant pas donné d'héritier à l'Empereur, elle est contrainte d'accepter le divorce, prononcé par un sénatus-consulte le 15 décembre 1809. Elle se retire alors dans sa demeure de Malmaison, conservant son titre d'« Impératrice-Reine couronnée » et dotée d'une rente annuelle de trois millions de francs. Au terme de la campagne de France, le tsar Alexandre la place sous sa protection. Elle meurt le 29 mai 1814, peu après la première abdication de Napoléon.

Jouarre (crypte de),

crypte du monastère de Jouarre, dans la vallée de la Marne, qui constitue l'un des rares vestiges de l'art statuaire mérovingien et témoigne du rôle joué par l'aristocratie dans la christianisation de la société franque. C'est à la suite du passage dans sa famille du moine irlandais Colomban (vers 543-615) qu'un grand de Neustrie, Adon, familier des rois Clotaire II (584-629) et Dagobert Ier (605-639), et frère de l'évê-que de Rouen saint Ouen, fonde le monastère de Jouarre, au début du VIIe siècle. Vers 670, l'évêque de Paris Agilbert, proche parent d'Adon et frère de la première abbesse de Jouarre, Théodechilde, décide d'établir une memoria, c'est-à-dire une nécropole familiale, dans la crypte de l'église funéraire du couvent. Celle-ci abrite bientôt les sarcophages d'Adon, d'Agilbert, des premières abbesses et de plusieurs autres membres de la famille, dont la réputation de sainteté fait peu à peu de la crypte un sanctuaire familial et local.

La crypte de Jouarre témoigne d'abord de la mutation des pratiques funéraires de l'aristocratie franque : l'inhumation isolée - dans les campagnes - est progressivement abandonnée au profit de la sépulture ad sanctos, à l'intérieur ou autour des églises. Ensuite, elle souligne l'influence fondamentale exercée par saint Colomban et le monachisme irlandais sur les élites franques. Enfin, elle rend compte du rôle primordial joué par les grandes familles franques dans la diffusion du christianisme au sein des royaumes de Neustrie et d'Austrasie au VIIe siècle.

Jouffroy d'Abbans (Claude François, marquis de),

ingénieur et inventeur (Roches-sur-Rognon 1751 - Paris 1832).

Membre d'une ancienne famille comtoise, Jouffroy d'Abbans appartient à ces réseaux de sociabilité qui se dessinent parmi les industriels provinciaux. Il entre dans la même loge maçonnique que Joseph d'Auxiron et Charles de Follenay, un ami de son cousin le chanoine Jouffroy d'Uzelles. Fort de ces relations et pouvant se prévaloir de ses essais de navigation à vapeur à Baume-les-Dames en 1778 (machine de Newcomen actionnée par un propulseur à palettes), il va tenter, comme Joseph d'Auxiron (mort en 1778), d'obtenir un privilège exclusif afin de rentabiliser la locomotion à vapeur.

Dès 1781, il constitue une société par actions avec Jean-Baptiste d'Auxiron, frère du précédent. Après la réussite des expériences menées sur la Saône en 1783 avec un bateau à aubes, il entre en relation, l'année suivante, avec Jacques Constantin Périer, introducteur de la machine de Watt en France et rival d'Auxiron. Il découvre ainsi le condenseur séparé mais manque de moyens financiers pour s'associer à Périer, le coût des essais exigés régulièrement par l'Académie des sciences étant très élevé. Ainsi, la nouvelle démonstration de son bateau à aubes qu'on le prie de faire sur la Seine est compromise, de même que l'octroi du privilège exclusif. En 1801, Jouffroy construit un bateau équipé d'une machine à double effet, pour lequel il n'obtiendra un brevet qu'en 1816 et dont il offrira un modèle au Musée de la marine, fondé au Louvre, en 1827.

Jouhaux (Léon),

dirigeant syndical (Paris 1879 - id. 1954).

Né dans une famille ouvrière où les traditions de lutte sociale perdurent depuis plusieurs générations, Léon Jouhaux est contraint d'arrêter ses études à l'âge de 15 ans, et entre à la Manufacture d'allumettes d'Aubervilliers, où il intègre très vite le syndicat CGT. Il y fait une ascension fulgurante : membre du comité national en 1905, il est élu secrétaire de la confédération le 12 juillet 1909. Conciliant la tendance « réformiste » et le courant « révolutionnaire », dont il est issu, il prône l'unité syndicale et l'indépendance du syndicalisme à l'égard des partis politiques. Renonçant à la grève générale le 1er août 1914, Léon Jouhaux participe à l'« union sacrée » aux côtés d'Albert Thomas, mais refuse, à l'automne 1917, le ministère que lui propose Clemenceau. Pendant la Première Guerre mondiale, il se rapproche des principaux dirigeants syndicalistes européens et américains. Ce sont précisément les positions de Jouhaux dans le domaine de la politique internationale qui provoquent l'exclusion des minoritaires (syndicalistes révolutionnaires et bolcheviques) de la CGT en 1921, qui donne naissance à la CGTU. Consulté par les différents gouvernements, le « général » organise, au printemps 1934, les « états généraux du travail », afin de promouvoir le « plan économique et social » de la CGT. En 1936, il prend position en faveur de la réunification du syndicat (congrès de Toulouse) ; il est alors au faîte de sa puissance, refusant toute participation directe au gouvernement du Front populaire. Devant affronter les divisions entre pacifistes et antimunichois (dont il fait partie), affaibli par l'échec de la grève générale du 30 novembre 1938, il ne peut s'opposer à l'exclusion des communistes en 1939. Pendant l'Occupation, Léon Jouhaux refuse de rejoindre Londres et s'attache à la reconstruction du mouvement syndical depuis Sète, où il s'est installé, avant d'être placé en résidence surveillée à Cahors par le gouvernement de Vichy, puis livré aux Allemands et interné à Itter (Tyrol) au printemps 1943. En 1945, avec Benoît Frachon, il reprend la direction de la CGT réunifiée. Mais son aura n'est plus la même. Après les grandes grèves de l'automne 1947, il démissionne du secrétariat général de la CGT. Élu à la tête de la CGT-Force ouvrière (1948-1954), il préside également le Conseil économique, et s'engage dans une action internationale qui lui vaudra le prix Nobel de la paix en 1951.