Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
G

Gide (André) (suite)

Déjà engagé dans le combat anticolonial avec son Voyage au Congo (1927) et son Retour du Tchad (1928), Gide devient dans les années trente un célèbre compagnon de route du Parti communiste, honorant de sa présence le comité Amsterdam-Pleyel (1933) ou le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (1934). Pourtant, fin 1936, il publie, malgré de nombreuses injonctions au silence, une plaquette, vendue à 146 000 exemplaires, qui provoque de violentes polémiques. Son Retour de l'URSS exprime un fort désappointement face à la réalité de la Russie stalinienne, l'effondrement d'un espoir immense, déraisonnable : « Qui dira ce que l'URSS a été pour nous ? Plus qu'une patrie d'élection : un exemple, un guide. »

À la différence de Malraux, l'antistalinisme fut chez lui plus fort que l'antifascisme, et l'exigence de la vérité, plus impérative qu'une prétendue efficacité politique.

L'œuvre de sa vie, consacrée par le prix Nobel en 1947, fut peut-être son Journal, fidèlement tenu depuis 1889, prolifique témoignage d'une existence déchirée entre l'élan vital de l'être, la règle morale et les tabous sociaux, mais avant tout vouée à la passion artistique.

Giraud (Henri Honoré),

général, chef de la IXe armée en 1940 (Paris 1879 - Dijon 1949).

Fait prisonnier lors de l'offensive allemande de mai 1940, il est interné à la forteresse de Koenigstein, jusqu'à sa fameuse évasion d'avril 1942. Militaire réactionnaire mais résolument patriote, il refuse la politique de collaboration, et est approché par les conjurés algérois qui, en liaison avec les Américains, préparent la prise du pouvoir en Afrique du Nord. Giraud accepte de se porter à leur tête, à condition d'obtenir le commandement des forces alliées. Mais le contexte politique engendré en Algérie par le débarquement allié de novembre 1942 ne lui est guère favorable, et il doit s'effacer devant l'amiral François Darlan, ancien dauphin du maréchal Pétain, que lui préfèrent les Américains.

Après l'assassinat de Darlan (le 24 décembre), les Américains font de Giraud le commandant en chef civil et militaire de l'Afrique française. Il proclame alors son ralliement aux Alliés, mais maintient en place les hommes et la législation de Vichy. Il s'oppose au général de Gaulle sur la question du gouvernement provisoire, et prétend ne vouloir s'occuper que du réarmement. Toutefois, ses options politiques choquent l'opinion américaine (Roosevelt, par l'intermédiaire de Jean Monnet, lui impose un virage démocratique en mars 1943), et Giraud néglige la force politique de la Résistance intérieure et du gaullisme. Au terme de discussions difficiles, le Comité français de libération nationale (CFLN), qui voit le jour en juin 1943, est coprésidé par de Gaulle et Giraud. De Gaulle s'impose alors rapidement : Giraud se consacre aux affaires militaires, dirigeant la libération de la Corse (septembre-octobre), puis abandonne la coprésidence en novembre, avant de renoncer à toute fonction en avril 1944.

girondins,

appellation, datant du XIXe siècle, qui désigne, sous la Révolution, un groupe, mal défini, de révolutionnaires jacobins.

Ce groupe accède un moment au pouvoir, avant d'être opposé aux montagnards, qui en emprisonnent ou en font exécuter les membres. C'est Lamartine qui, dans sa célèbre Histoire des Girondins, popularise, à la veille de la révolution de 1848, l'idée que des hommes ont incarné une révolution modérée, idéaliste, au point d'en être les victimes consentantes. Il n'imagine pas alors qu'en rassemblant différents courants sous une dénomination vague, empruntée aux années de la Révolution, il crée un de ces objets allégoriques dont l'historiographie consacrée à la Révolution française sera friande.

Une dénomination tardive.

• On cherche pourtant en vain des « girondins » dans les débats du XVIIIe siècle. Les patriotes, puis les jacobins, hostiles aux contre-révolutionnaires et aux feuillants, se classent en montagnards, en représentants de la Plaine ou du Marais, et en buzotins, brissotins ou rolandistes. Ces trois derniers groupes (ceux que l'on qualifiera de « girondins »), coteries formées autour d'un homme - ou d'une femme tenant salon -, sont une nébuleuse plutôt qu'un parti. Ils contrôlent la Convention entre 1792 et le début de 1794 grâce à l'habileté et au prestige de leurs meneurs et grâce à des alliances avec les députés qui craignent les sans-culottes, suspectés de vouloir « l'anarchie ». Cette nébuleuse n'a pas d'unité, même au plus fort des luttes politiques : lorsque les montagnards (aidés des sans-culottes) s'emparent du pouvoir les 31 mai et 2 juin 1793 et emprisonnent 22 députés ; lorsqu'ils traquent, ensuite, leurs opposants, baptisés « fédéralistes » ; lorsqu'ils font exécuter 46 députés, dénommés « factieux », en octobre 1793. Il a fallu la relecture des événements par les historiens du XIXe siècle pour donner une cohérence à ce courant proscrit, en dressant face à la Montagne un autre bloc, la Gironde.

Une réalité, pourtant.

• Sans entrer dans les fausses querelles, il est néanmoins possible de repérer une sensibilité révolutionnaire, opposée à la Contre-Révolution et à la monarchie autant qu'aux exigences politiques et sociales des sans-culottes, et qui veut établir un régime favorisant les « classes mitoyennes » patriotes et soucieuses de la liberté économique. Ce courant, qui se distingue par une sociabilité de salons intellectuels et mondains, est animé par des personnalités plus ou moins rivales (Brissot, Vergniaud, Guadet, Roland...). Il promeut l'essor révolutionnaire en essayant de limiter les excès et les violences populaires jusqu'en 1792. Mais il cumule les contradictions : en lançant la France dans la guerre en avril 1792, il donne le beau rôle aux plus ambitieux de ses membres - qui accentuent les divergences internes - et aux volontaires, dont il ne sait pas canaliser l'élan patriotique populaire, qui charrie les massacres de septembre 1792.

Les girondins (adoptons le terme, même s'il est alors anachronique) font preuve d'indécision quant au sort à réserver au roi Louis XVI déchu. Cette attitude, mais aussi leurs attaques inabouties contre les révolutionnaires extrémistes - tels Marat ou Hébert - et, enfin, les discours enflammés de Vergniaud contre Paris, dénoncé comme un repaire d'« anarchistes », et l'appel aux « départements » supposés « sains » permettent aux montagnards de les présenter, au cours du printemps 1793, comme des modérés suspects, puis comme des contre-révolutionnaires masqués, qu'il convient d'éradiquer (lors de l'insurrection des 31 mai et 2 juin notamment).