Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

Corday d'Armont (Marie Anne Charlotte), (suite)

Elle arrive dans la capitale le 11 juillet, rédige le 12 une « Adresse aux Français, amis des lois et de la paix », qui appelle au soulèvement contre l'oppression montagnarde, et parvient le 13, sous prétexte de lui faire des révélations sur les affaires de Caen, à s'introduire chez Marat. Ce dernier, souffrant d'une grave maladie de peau, la reçoit dans son bain ; tandis qu'il note ses propos, elle le poignarde. Traduite devant le Tribunal révolutionnaire, elle revendique son acte, avec une sérénité et une détermination qui impressionnent, assurant avoir tué le « monstre » pour faire cesser les troubles et sauver la patrie : sa démarche rejoint la logique sacrificielle de Marat, réclamant sans cesse des têtes pour éviter un carnage. Le 17 juillet 1793, elle monte sur l'échafaud revêtue de la chemise rouge des parricides. Sa douceur et sa fermeté subjuguent le public. Dans la presse modérée, le portrait héroïque de la belle Charlotte s'oppose d'emblée à celui de Marat, dont le corps en putréfaction est resté exposé pendant sept heures lors de la grande pompe funèbre du 16 juillet. Confrontées à un tel contraste, les autorités parisiennes dénoncent, le 21 juillet, « l'éloge imposteur » de l'assassin et favorisent le culte de l'« ami du peuple », préambule à celui des martyrs de la liberté, qui élargit le consensus en faveur des montagnards. Les espoirs de Charlotte Corday se révèlent ainsi un échec, d'autant que c'est avec la mort de Marat que débute le processus qui mettra la Terreur à l'ordre du jour.

cordeliers (Club des),

club révolutionnaire fondé en avril 1790 et bientôt baptisé « Société des amis des droits de l'homme et du citoyen ».

Il tient ses premières séances au couvent des Cordeliers, et se donne pour objectifs la surveillance des autorités constituées, la « défense des victimes de l'oppression » et le « soulagement des infortunés ». Son ambition est de rendre possible un véritable débat public qui inclue tous les citoyens. La cotisation est modique et chacun, homme ou femme, citoyen actif ou passif, peut venir y exercer son esprit de vigilance, réagir à toute action ou proposition qui entrerait en contradiction avec les principes des droits de l'homme et du citoyen. La déclaration en est affichée dans la salle des débats, où l'on vient écouter Danton, Hébert, Vincent, Legendre, Momoro, Marat, Chaumette.

Après la fuite du roi, à la tête du mouvement républicain et démocratique, le club affirme qu'il faut « procéder au remplacement et à l'organisation d'un nouveau pouvoir exécutif », mais la fusillade du Champ-de-Mars du 17 juillet 1791 l'affaiblit. C'est en prenant place dans le réseau des sociétés populaires de province et en se faisant le porte-parole des fédérés du 10 août 1792 que le club redevient un acteur politique de premier plan. À l'hiver 1792-1793, Hébert, rédacteur du Père Duchesne, et Marat, rédacteur de l'Ami du peuple, sont des figures fondamentales du mouvement parisien. Les cordeliers bénéficient alors d'une certaine tranquillité, les jacobins s'opposant plutôt aux enragés. L'insurrection des 31 mai et 2 juin 1793 permet aux cordeliers d'occuper une position centrale dans la Commune de Paris, au ministère de la Guerre, dans les sections et les sociétés populaires. Très vite, le Père Duchesne définit les mots d'ordre du mouvement populaire. Cependant, même s'ils sont favorables à un système de pouvoir exécutif disséminé sous la forme de comités centraux provinciaux, les cordeliers ne soutiennent pas les revendications de démocratie directe des sans-culottes. Et si la mise à l'ordre du jour de la Terreur et la création d'une armée révolutionnaire à la suite des journées des 4 et 5 septembre 1793 peuvent être considérées comme des victoires, ils sont devenus suspects. Vincent, ministre de la Guerre, et Ronsin, général en chef de l'armée révolutionnaire, sont arrêtés en décembre et les comités centraux, dissous. En 1794, le club n'a plus d'ambition nationale. Lorsque Hébert, en ventôse, appelle à l'« insurrection morale », on l'accuse de fomenter une insurrection cordelière. Il est arrêté le 14 mars 1794, exécuté le 24 avec d'autres meneurs (Vincent, Ronsin, Momoro). L'élimination des hébertistes sonne le glas des cordeliers.

corporations,

organisations groupant les artisans par corps de métiers, présentes dans l'ensemble des pays européens à partir du Moyen Âge.

Elles existent en France dès le IXe siècle, et perdurent jusqu'en 1791, année de leur suppression par l'Assemblée constituante. Pourtant, le mot « corporation » n'apparaît dans la langue française qu'au XVIe siècle, et désigne les institutions corporatives anglaises. Ce n'est qu'au XVIIIe siècle que l'on commence à l'appliquer aux corps de métiers français dotés d'un statut juridique. Mais, jusqu'à la disparition de ceux-ci sous la Révolution, sont employés de préférence les termes ou expressions « maîtrises », « jurandes », « art », « corps de métiers » ou, tout simplement, « métiers ».

Un système juridique non unifié.

• Le système des corporations s'inscrit dans le contexte d'une société, féodale ou moderne, qui fait peu de place à l' individu. Celui-ci n'a d'existence qu'au sein de groupes structurés, et est donc représenté par des corps ou communautés, religieuses, d'habitants, ou de métiers. Du point de vue juridique, ces communautés de métiers sont des associations professionnelles pourvues d'un privilège. Certaines sont organisées par le pouvoir royal, par lettres patentes : ce sont les jurandes, ou métiers jurés. D'autres le sont par les autorités urbaines : ce sont les métiers réglés. Des communautés coutumières, enfin, ne sont régies par aucun texte officiel écrit. À Lyon, on compte surtout des métiers réglés, tandis qu'à Paris les 101 communautés recensées par le Livre des métiers, d'Étienne Boileau, rédigé au XIIIe siècle, sont des communautés jurées. À Montauban et à Toulouse, les deux formes d'organisation coexistent. Les corporations ont structuré avant tout les métiers de l'artisanat, même si l'on compte aussi des communautés de marchands, telle la prestigieuse corporation des marchands-merciers parisiens.