Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
J

jansénisme, (suite)

La mentalité de minorité persécutée s'exprime aussi dans l'attente eschatologique, dans le recours au merveilleux et au miracle, considérés comme le jugement de Dieu. Les manifestations les plus célèbres de cette eschatologie sont, à Paris, le miracle de la paroisse Sainte-Marguerite, dont le curé était « appelant », et l'épisode des convulsionnaires du cimetière de Saint-Médard, qui provoque une véritable « épidémie » de convulsions en province. Vers 1749, nombre d'évêques, avant de donner l'absolution, exigent des mourants un billet de confession attestant qu'ils reçoivent la bulle Unigenitus, d'où de nouvelles polémiques. La situation s'apaise pourtant. En 1754, une déclaration royale impose le silence total sur ces controverses ; en 1756, le pape Benoît XIV met fin aux polémiques par un bref pacificateur.

La loi du silence étant relativement respectée en France, dans la seconde moitié du siècle, le mouvement se développe plutôt aux Pays-Bas, où une petite Église schismatique s'est constituée à Utrecht en 1724, et en Toscane, où le grand-duc provoque un synode janséniste en 1786. Les actes de ce synode sont censurés par Pie VI, en 1794, dans la bulle Auctorem fidei. Les idées jansénistes et gallicanes sont désormais bannies du débat catholique. Durant la Révolution, si certains jansénistes sont un temps favorables à la Constitution civile du clergé, qui va dans le sens du richérisme, ils se divisent ensuite.

Au XIXe siècle, le jansénisme ne subsiste que dans un petit groupe de nostalgiques de Port-Royal ou comme mentalité religieuse sévère, hautaine et indépendante de tout pouvoir. Dans la langue elle-même, le mot est devenu synonyme de rigorisme moral, qui n'est pourtant pas l'aspect le plus caractéristique de ce mouvement. Celui-ci, en choisissant Dieu face à tous les autres pouvoirs, est d'abord un pionnier de la liberté absolue de la conscience.

Jaucourt (Louis, chevalier de),

écrivain (Paris 1704 - Compiègne 1780).

Né dans une famille de noblesse protestante qui n'avait pas abjuré mais qui acceptait les formalités catholiques, Jaucourt choisit de faire ses études dans les pays gagnés à la Réforme, effectuant le « grand tour » des universités européennes, en étudiant la théologie, les langues, les mathématiques et la médecine à Genève, Cambridge, et Leyde, où il est reçu docteur en médecine en 1730. En 1734, il publie des Essais de théodicée sur la bonté de Dieu, la liberté de l'homme, dans lesquels il présente la philosophie de Leibniz, et, parallèlement, travaille à la Bibliothèque raisonnée des ouvrages des savants (1728-1740). Mais c'est surtout son amitié avec Diderot, dont il devient l'un des plus féconds collaborateurs, qui détermine ses recherches ultérieures. Il fournit en effet à l'Encyclopédie un grand nombre d'articles, notamment scientifiques et philosophiques. S'il se considérait lui-même comme un ouvrier modeste de la république des lettres, il est loin d'être un simple polygraphe : sensibilisé par ses origines au dogmatisme et à l'intolérance, il s'engage en faveur d'une religion ouverte dans des articles qui ont été souvent censurés.

Jaurès (Jean).

Sa mort tragique, le 31 juillet 1914, à la veille de la Première Guerre mondiale, a hissé Jean Jaurès, né le 3 septembre 1859, au rang de figure nationale, par-delà les clivages politiques.

Nombre de rues, de places ou d'établissements scolaires portent le nom de ce combattant de la paix, défenseur des valeurs d'une République dont il voulait renforcer les armatures sociales. Caricaturé, peint ou statufié, cet athlète de la parole est une référence, un fédérateur mythique de la famille éclatée de la gauche. Rien de surprenant, dès lors, qu'accédant au pouvoir en 1981, François Mitterrand ait symboliquement choisi de se faire consacrer en s'inclinant au Panthéon devant cette mémoire sacrée du « peuple de gauche ».

L'épanouissement d'un jeune intellectuel

Jean Jaurès est né à Castres (Tarn), une ville marquée par la présence des militaires. Sa famille, qui appartient à la petite bourgeoisie urbaine, compte plusieurs officiers de haut rang et son frère cadet, Louis, deviendra amiral. Ses parents, soucieux d'élever leurs enfants dans la religion catholique (c'est à un prêtre qu'est confiée la première éducation de Jaurès), vivent chichement dans une petite ferme de six hectares, la Fédial, où les ont conduits quelques revers de fortune.

Entré au collège en 1868, Jaurès s'y distingue par ses brillants résultats. Remarqué par un inspecteur général, il obtient une bourse d'internat en 1877. Il peut poursuivre ses études dans l'un des collèges les plus réputés de Paris : Sainte-Barbe. Les portes du lycée Louis-le-Grand, tout proche, lui sont ouvertes : il prépare dans cet établissement le concours d'entrée à l'École normale supérieure, auquel il est reçu premier (devant Henri Bergson) en juillet 1878, puis réussit l'agrégation de philosophie en juillet 1881.

De l'automne 1881 à l'automne 1885, Jean Jaurès est professeur de philosophie au lycée d'Albi. À partir de 1883, il obtient, parallèlement, une charge pour un cours de philosophie à l'université de Toulouse. Il semble avoir ainsi décidé de se lancer dans une carrière universitaire : en 1882, il commence une thèse de doctorat, qu'il ne soutiendra en Sorbonne qu'en 1892, les circonstances de la vie l'ayant poussé vers d'autres voies.

Les premiers pas politiques

Durant ses études à l'École normale, Jaurès s'est passionné pour la vie politique et pour la République naissante. Il soutient alors l'œuvre de Léon Gambetta et de Jules Ferry. Fermement républicain, il ignore tout des socialistes. Encouragé par des proches, il accepte d'être candidat sur la liste des républicains du Tarn pour les élections législatives de 1885. Il est élu dès le premier tour, le 4 octobre, obtenant plus de voix que le baron René Reille, grand propriétaire et personnalité influente. Commence dès lors une carrière politique. Cette situation avantageuse, qui fait de lui l'un des hommes d'avenir du parti républicain, lui permet d'épouser, en juin 1886, Louise Bois, fille catholique d'un marchand de fromages en gros.