Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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domestiques, (suite)

Le serviteur modèle, totalement dévoué à son maître, lui donne à la fois son corps et son temps. Son être même est nié : portant livrée, il reçoit parfois un prénom autre que le sien. Il ne dispose guère de la possibilité de mener une vie conjugale. Les bonnes engrossées - il n'est pas rare qu'elles le soient par le maître - recourent souvent à l'infanticide. Elles risquent également un renvoi, qui les met dans une situation misérable si elles sont privées du certificat de bonne conduite : elles ne peuvent plus alors être employées et sont souvent vouées à la mendicité ou à la prostitution. La Révolution ne change en rien la condition des serviteurs, qui sont exclus du droit de vote par les Constitutions de 1791 et 1793.

Des conditions de vie inégales.

• Issus des classes populaires, les domestiques vivent en permanence au contact des groupes sociaux les plus aisés. Ils s'élèvent par l'instruction, à laquelle ils ont accès, et par le mode de vie, auquel ils participent indirectement, allant jusqu'au mimétisme du langage et des opinions politiques de leur maître. Indispensables au prestige de ce dernier, ils n'en sont pas moins l'objet d'un certain mépris. Ils sont au cœur de la famille sans lui appartenir vraiment, connaissent presque tout de son intimité, mais sont censés n'en rien voir, et ne doivent rien en dire. Parfois souffre-douleur de leur maître, ils sont aussi leur faire-valoir : celui-ci assume son devoir de bon chrétien en assurant leur instruction religieuse, et en surveillant leurs mœurs. Ainsi, les œuvres catholiques prennent-elles quelques initiatives paternalistes en leur faveur dès les années 1820.

Les conditions de vie varient avec le rang social du maître. Mais les tâches ménagères impliquent de toute façon une peine quotidienne. Astreintes à monter l'eau, le bois, puis le charbon, aux étages, à cirer les parquets, à entretenir le linge et à faire la cuisine, les bonnes à tout faire voient leur santé se dégrader rapidement. Elles vivent dans des chambres exiguës, mal isolées contre le froid, la chaleur ou les bruits ; parfois même, elles ne sont pas à l'abri des regards indiscrets. Les gages varient selon les catégories : en 1910, un maître d'hôtel parisien peut gagner 500 francs par an, tandis qu'une bonne à tout faire reçoit entre 30 et 60 francs. Mais les bonnes ou les femmes de chambre les mieux placées parviennent à épargner le montant d'une dot qui leur permet un mariage au-dessus de leur condition. En outre, des serviteurs fidèles reçoivent étrennes et gratifications, qui arrondissent leurs gages. Ainsi, l'état de domestique a pu être le moyen d'une modeste promotion sociale. Il n'en est pas moins en contradiction avec une société qui se veut démocratique : les plaintes des maîtresses de maison à propos de la difficulté de se faire servir annoncent, à partir de 1880, la crise de la domesticité, qui se traduit par l'inflation des offres d'emploi et l'augmentation des gages, le développement timide du syndicalisme des gens de maison, et l'apparition tardive d'une législation protectrice. Toutefois, la disparition de ce groupe social ne s'amorce qu'à partir de 1920-1930.

Si les Figaro de théâtre ont nourri l'imaginaire des maîtres, mais le Journal d'une femme de chambre, dans lequel Octave Mirbeau laisse la parole à Célestine, a mis en lumière les difficultés de la condition ancillaire.

dominicains ou frères prêcheurs,

religieux appartenant à l'ordre fondé à Toulouse en avril 1215 par le chanoine castillan Dominique de Caleruega (1170-1221), futur saint Dominique.

La volonté de retrouver la vie apostolique décrite dans les Actes des Apôtres et d'offrir, par la parole et par l'exemple, un modèle de vie chrétienne à l'ensemble des laïcs, en particulier à ceux qui se laissaient alors tenter par l'hérésie cathare, est à l'origine de la fondation du nouvel ordre. En 1216 et 1217, les dominicains reçoivent l'approbation du pape Honorius III, adoptent la règle de saint Augustin et prennent le nom de Frères prêcheurs, qui souligne l'importance qu'ils accordent à la prédication. Comme les autres ordres mendiants (franciscains, carmes, augustins), ils sont profondément attachés à la pauvreté et à l'action pastorale, jusque-là essentiellement dévolue au clergé séculier. En 1217, à Toulouse, Dominique envoie ses premiers disciples prêcher de par le monde. L'essor du nouvel ordre est très rapide, en particulier en France et en Italie. Dès 1218, un couvent est fondé à Paris, rue Saint-Jacques. À la fin du XIIIe siècle, les provinces de France, de Toulouse et de Provence comptent une centaine de couvents. Les dominicains s'installent presque toujours dans les villes, où se trouvent à la fois les ressources nécessaires à leur mode de vie mendiant et les nombreuses populations urbaines dont il s'agit d'encadrer la piété. Dans ce contexte, la formation intellectuelle des frères prêcheurs prend de plus en plus d'importance. Les grandes écoles conventuelles de Bologne, d'Oxford et surtout de Paris assurent le prestige de l'ordre, que vient consacrer le rayonnement européen de grands universitaires, tels Albert le Grand (1193 ou 1206-1280) et Thomas d'Aquin (1225-1274). L'organisation, l'efficacité de l'ordre et sa docilité absolue envers la papauté expliquent que lui soient confiés les tribunaux de l'Inquisition, comme dans le royaume de France dès 1233. Jusqu'à la Réforme catholique, les dominicains et les autres ordres mendiants dominent ainsi la vie religieuse urbaine. Après la période révolutionnaire (toutes les congrégations religieuses ont été supprimées en avril 1792), la restauration de l'ordre en France est l'œuvre du Père Lacordaire (1802-1861). L'activité missionnaire, l'encadrement d'associations de jeunesse et l'essor des recherches théologiques (le néo thomisme) et exégétiques (l'école biblique de Jérusalem) contribuent au nouveau rayonnement de l'ordre. Dans les années 1950-1960, les dominicains se distinguent de nouveau par leur engagement dans le mouvement des prêtres-ouvriers et par l'influence de leurs théologiens au concile de Vatican II.