Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
M

Meaux (cercle, cénacle ou groupe de), (suite)

Prélat gallican, proche de la cour et des milieux humanistes, Briçonnet, nommé à Meaux en 1516, entreprend, à partir de 1518, de réformer son diocèse conformément aux aspirations de l' humanisme chrétien. Il s'efforce d'abord de restaurer la discipline au sein du clergé, rappelant les moines au respect de la règle, et les curés à l'obligation de résidence. Mais il s'attache tout particulièrement à la prédication en direction des fidèles. En butte aux résistances du clergé local, il fait appel en 1521 à un groupe de prédicateurs rassemblés autour de Lefèvre d'Étaples (Gérard Roussel, Martial Masurier, François Vatable, Michel d'Arande, Guillaume Farel, Pierre Caroli, Jacques Pauvan), à qui il confie la tâche de « connaître l'Évangile, suivre l'Évangile, et faire connaître partout l'Évangile ». Tandis qu'une trentaine de prédicateurs quadrillent le diocèse, des innovations sont introduites dans la liturgie : le culte des images est épuré, des traductions françaises de la Bible sont mises à la portée des fidèles.

Mais, très rapidement, et malgré la protection de François Ier et surtout de sa sœur, Marguerite d'Angoulême, elle-même acquise aux thèses évangélistes, le groupe de Meaux est la cible des attaques de la Sorbonne et du Parlement, gardiens sourcilleux de la tradition, qui confondent dans la même réprobation « évangélistes » et luthériens. Sans doute les « bibliens » de Meaux ont-ils en commun avec les luthériens l'importance accordée à l'Écriture ou la primauté de la foi sur les œuvres. Mais ils s'en séparent sur deux points cruciaux : l'eucharistie, où ils restent fidèles au dogme catholique de la transsubstantiation ; et l'Église, dont ils ne remettent pas en cause l'organisation.

Les protestations d'orthodoxie de Briçonnet, qui s'était séparé dès 1523 de Guillaume Farel, jugé trop proche des thèses luthériennes, ne désarment pas les milieux conservateurs hostiles. Profitant de la captivité de François Ier, le Parlement engage en 1525 des poursuites contre le groupe de Meaux : les traductions françaises de la Bible, dont les Epistres et Evangiles de Lefèvre, sont interdites. Menacés de « prise de corps », Lefèvre, Caroli et Masurier se réfugient à Strasbourg, tandis que Jacques Pauvan, accusé d'hérésie, finit sur un bûcher.

La dislocation du groupe de Meaux signe l'échec d'une réforme modérée, menée sous l'égide de l'Église gallicane et du pouvoir royal. Sommés de choisir entre la fidélité à l'orthodoxie romaine et la Réforme intégrale, ses membres se partagent : tandis que Briçonnet, Roussel, d'Arande et Masurier restent au sein de l'Église romaine, et que Farel et Caroli passent à la Réforme, Lefèvre, accueilli à Nérac par Marguerite d'Angoulême, persiste dans la voie étroite de l'évangélisme. Cet « éclectisme doctrinal », autant que les rigueurs des théologiens et des juges expliquent l'échec de l'expérience de Meaux, qui ne résiste pas à la radicalisation des positions au milieu des années 1520.

Méline (Jules),

homme politique (Remiremont, Vosges, 1838 - Paris 1925).

Avocat au barreau de Paris, Méline s'illustre d'abord dans les rangs de l'opposition républicaine au Second Empire, et soutient la Commune avant d'en dénoncer les excès. Élu député des Vosges en 1872, il siège jusqu'en 1903 à la Chambre, où il est rapidement considéré comme le républicain spécialiste des affaires agricoles. Lié, par son mariage, aux intérêts du patronat vosgien protectionniste, il défend dès 1880 la fixation de droits de douane « compensateurs » pour favoriser l'industrie textile de l'Est. En 1883-1885, il est ministre de l'Agriculture dans le gouvernement de Jules Ferry (ce portefeuille date de 1881).

En 1896, il s'oppose au projet d'impôt sur le revenu que veut instaurer le cabinet Bourgeois, dont il provoque la chute, et il forme lui-même le cabinet suivant (1896-1898). Méline incarne alors le « progressisme » républicain fait de modération politique et de conservatisme social. Mais il refuse la révision du procès Dreyfus par respect formel de la « chose jugée », et abandonne la présidence du Conseil devant la montée de la gauche parlementaire. Candidat malheureux à l'élection présidentielle contre Loubet en 1899, il poursuit ensuite sa carrière politique au Sénat (1903-1925) - où il créera une commission de l'Agriculture (en 1920) - et retrouve des fonctions gouvernementales comme ministre de l'Agriculture d'octobre 1915 à décembre 1916.

Dans son ouvrage le Salut par la terre et le programme économique de l'avenir (1919), Méline résume ses grandes orientations économiques, caractérisées par une vision globale de l'agriculture intégrée au progrès économique et social. Le protectionnisme agricole, qu'il préconise dès 1884 avec le vote des premiers tarifs pour les céréales, n'est qu'une façon de donner les mêmes avantages aux agriculteurs et aux industriels. Les tarifs douaniers de 1892 adoptés alors que Méline est président de la commission des douanes, établissent une échelle de taxes à l'importation, variables selon la nature et l'origine des produits, et pouvant atteindre jusqu'à 20 % de leur prix. Pour Méline, le protectionnisme, « enraciné dans la démocratie qui cultive la vigne, le blé », et non pas simplement dans le bloc agrarien, n'a de sens que s'il s'accompagne d'une véritable politique de modernisation qui passe par l'essor de l'enseignement et du crédit agricoles. Tout autre que le « médecin Tant pis » de l'agriculture évoqué par Ferry, Méline incarne, comme le rappelle Pierre Barral, cette tradition politique et économique de la modernisation graduelle hostile à tout bouleversement et respectueuse des hiérarchies sociales.

Mélusine,

fée, héroïne du roman en prose composé par Jean d'Arras en 1392-1393 pour le duc Jean de Berry, à partir de récits remontant au XIIe siècle.

L'ensemble de ces récits raconte la même histoire, celle d'un jeune seigneur tombé amoureux d'une belle et riche jeune fille rencontrée au cours d'une chasse, en forêt ou auprès d'une source. La jeune demoiselle consent à l'épouser, à condition qu'il ne cherche pas à la voir nue, un certain jour de la semaine. Fée de la fécondité et de la fertilité, elle apporte la prospérité à son mari : le couple entreprend des défrichements, fonde des châteaux et des villeneuves, conçoit de nombreux enfants... Jusqu'au jour où l'époux enfreint l'interdit et découvre sa femme au bain sous la forme d'une sirène. La fée disparaît alors à jamais.