Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

Chemin des Dames (le),

offensive désastreuse de l'armée française en avril 1917.

Cet échec meurtrier a gardé, paradoxalement, un nom gracieux : en effet, cette route était située entre Laon et Soissons, au bord du plateau de Craonne, empruntée au XVIIIe siècle par les « dames » de la cour de Louis XV.

Le général Robert Nivelle est persuadé qu'il peut réussir là, à grande échelle, ce qui a échoué en 1916 à Verdun et dans la Somme : percer le front ennemi et, surtout, se maintenir dans la brèche et avancer. Les autres généraux, à l'exception de Mangin, sont sceptiques, mais le gouvernement laisse agir celui qui n'avait pas mal réussi à Verdun dans son secteur, faute de mieux. Après une longue préparation de l'artillerie, l'offensive est déclenchée le 16 avril 1917. En un jour, les Français gagnent 500 mètres, au lieu des 10 kilomètres prévus, et cela, au prix de 40 000 hommes mis hors de combat. Dans les semaines qui suivent, le général Nivelle tente des « grignotages » meurtriers sans obtenir plus de succès décisifs. Le 15 mai, il est relevé de son commandement, et remplacé par Pétain. 271 000 hommes sont morts. Les soldats, persuadés d'avoir participé à une « boucherie inutile », sont de plus en plus découragés, comme le montre la Chanson de Craonne - « C'est à Craonne, sur le plateau, / Qu'on doit laisser not' peau » -, probablement composée dans ces semaines : c'est le 17 avril qu'ont commencé les mouvements de désobéissance collective dans les divisions du front de l'Aisne. Les soldats se mutinaient contre un commandement jugé incapable.

chemin de fer.

Le chemin de fer occupe, dans l'histoire de la France, une place originale, en raison, notamment, de sa forte charge symbolique : politique tout autant que sociale et culturelle. Il fut, pour les Français, le moyen de relever le défi de la modernité.

Puis son image se ternit peu à peu, à partir des années 1870, dans la tourmente des affrontements idéologiques et des difficultés financières. Face à l'essor de l'automobile et de l'avion, elle se teinta d'archaïsme, au XXe siècle. L'aventure de l'électrification et du TGV réconcilia le chemin de fer avec la modernité. Mais, aujourd'hui, le déclin de ses parts de trafic remet en cause l'unité même du système.

Une expérience d'économie mixte

Le chemin de fer est, dès ses débuts, soumis à un régime d'économie mixte, différant à la fois de l'étatisme prussien et du libéralisme britannique. 1832 - année des essais de la locomotive à chaudière tubulaire des frères Seguin sur la ligne Lyon-Saint-Étienne et du vote d'un premier crédit pour l'étude d'un système de chemin de fer en France - marque le point de départ de son intrusion dans la société. Après cette date, les concessions de lignes cessent d'être perpétuelles, l'administration affirmant ainsi clairement que le chemin de fer appartient au domaine public. Depuis lors, sous tous les régimes politiques, il constitue un enjeu financier et politique de première importance.

Le système d'exploitation, mis en place à partir de 1838, est parachevé par les conventions de 1859 et de 1883. Il repose alors sur le monopole de six compagnies : des sociétés privées jouissant d'une concession de quatre-vingt-dix-neuf ans et d'une garantie d'intérêt, d'abord partielle, puis générale. Leur formation résulte d'un long processus de négociations, engagé dès les années 1830, entre l'administration des Ponts et Chaussées et les grandes banques d'affaires parisiennes. L'État impose aux compagnies une lourde tutelle qui repose à la fois sur son droit réglementaire souverain et sur les clauses figurant dans les conventions. Cependant, les partisans d'une étatisation complète n'ont jamais cessé de faire entendre leur voix. Ainsi, en 1848, une proposition de rachat est présentée au Parlement, mais les journées de juin mettent un terme à la discussion du projet. Durant les premières années de la IIIe République, des offres similaires sont avancées, mais les conventions de 1883 résultent d'un compromis négocié par les républicains modérés. Elles assurent la poursuite - malgré les difficultés financières de l'État, et sous le contrôle des compagnies - d'un ambitieux programme de construction de lignes nouvelles, voté dès 1878 : le plan Freycinet. La République a également obtenu d'autres satisfactions : le contrôle de fait des tarifs et le renforcement de la tutelle de l'État. Pourtant, les compagnies, bien qu'elles soient de couleur politique très différente, ont toutes mauvaise presse auprès de la majeure partie de l'opinion publique : dès le départ, elles sont considérées comme les instruments de la domination du grand capital et de l'État centralisateur.

En réalité, elles sont soumises à un encadrement financier sévère, car les versements de l'État au titre de la garantie sont remboursables. Les dividendes payés aux actionnaires augmentent considérablement sous le Second Empire, grâce aux énormes gains de productivité réalisés, avant de se stabiliser, dès les années 1870, puis de s'accroître de nouveau, à partir de 1883. Ils sont, si l'on peut dire, « socialisés », en conséquence de l'application des conventions de 1883 : ils permettent la réduction de la durée du travail des agents, le financement de leur retraite et des déficits des lignes non rentables, et, surtout, la baisse des tarifs. Le réseau de l'Ouest, trop endetté auprès de l'État - du fait de la garantie -, est racheté, en 1908, et rattaché au petit réseau d'État créé en 1883 à partir des « dépouilles » de quelques lignes locales fortement déficitaires, dont celle des Charentes. Les autres réseaux parviennent à maintenir leur indépendance en limitant le plus possible leurs investissements. Ainsi, l'exploitation des chemins de fer français a été, selon l'économiste Clément Colson, très « parcimonieuse ». Les cours des actions des compagnies atteignent leur maximum dans les dernières années du siècle, sans pour autant bénéficier de l'embellie boursière des années 1900. En effet, les concessions arrivent bientôt à terme, ce qui rend leur avenir de plus en plus incertain. La crise des chemins de fer est ouverte.