Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
P

Panthéon, (suite)

Une vocation stabilisée.

• Sous la IIIe République, le statut du monument n'évolue que très lentement. Ce n'est qu'en 1885, à l'occasion des funérailles nationales de Victor Hugo - six ans après la démission de Mac-Mahon et l'élection du premier président de la République républicain -, que le Panthéon est de nouveau désacralisé et consacré au culte des grands hommes. En effet, la crainte était vive, jusqu'alors, de heurter l'opposition cléricale et monarchique qui, comme on pouvait s'y attendre, proteste contre ces funérailles civiles organisées par l'État et contre le changement de statut de l'édifice. L'extrême gauche, quant à elle, condamne la célébration coûteuse du « poète bourgeois ». Cependant, en dépit des protestations, les funérailles de l'écrivain, commencées à l'Arc de triomphe, attirent une foule estimée à plus d'un million de personnes. Après cet événement d'ampleur nationale, le Panthéon demeurera, sans interruption, un symbole républicain, même si son importance connaît, au fil des décennies, de considérables variations.

Jusqu'à la Première Guerre mondiale, le « Temple des grands hommes » est pour le régime son plus prestigieux monument, dont la fonction, comme au temps de la Révolution, est à la fois honorifique, commémorative et pédagogique. Le centenaire de la Révolution est célébré par le transfert des cendres de trois chefs révolutionnaires (Marceau, Lazare Carnot, La Tour d'Auvergne) et du député républicain Baudin. Durant les années qui suivent, le même honneur est rendu à Sadi Carnot, le président de la République assassiné (1894), au chimiste et homme politique Marcelin Berthelot et à sa femme (1907), ainsi qu'à Émile Zola (mort en 1902 et transféré au Panthéon en 1908, lors d'une cérémonie à laquelle assiste Alfred Dreyfus, qui est alors blessé par balle par un journaliste antidreyfusard). Ces dernières funérailles ont tendance à marquer l'appropriation du Panthéon par la gauche. Après la Première Guerre mondiale, la politique commémorative de la République se concentrant sur les soldats tombés au front, le Panthéon est éclipsé par l'Arc de triomphe : aussi, le Soldat inconnu est-il enterré sous l'arc, monument plus consensuel.. Le transfert des cendres du leader socialiste Jean Jaurès, décidé par le Cartel des gauches (novembre 1924), accentue son ancrage idéologique à gauche.

Après la Seconde Guerre mondiale, sous la IVe République, tentative est faite de raviver le culte des grands hommes en y transférant les corps de deux scientifi-ques membres de la Résistance, Paul Langevin et Jean Perrin (novembre 1948), et de deux hommes politiques associés à l'émancipation des peuples colonisés, Victor Schœlcher et Félix Éboué (mai 1949). Cependant, le scepticisme grandissant envers la figure du « grand homme » et le déclin de la ferveur patriotique ont tendance à affaiblir l'éclat symbolique du monument. Charles de Gaulle y fait transférer les cendres de Jean Moulin afin de perpétuer l'image héroïque de la Résistance (décembre 1964) ; mais il s'agit là d'un événement isolé, malgré sa résonance nationale.

L'arrivée au pouvoir de François Mitterrand donne une nouvelle actualité au Panthéon, que le président entend d'emblée intégrer dans sa politique de valorisation de la mémoire nationale. Il visite le monument le jour de son accession au pouvoir (21 mai 1981), puis y fait transférer les cendres du juriste René Cassin (octobre 1987), du diplomate Jean Monnet (novembre 1988) et, lors des célébrations du bicentenaire de la Révolution, celles des « intellectuels révolutionnaires » Condorcet, Monge et l'abbé Grégoire. L'un de ses derniers gestes symboliques, avant la fin de son second septennat, est d'y faire entrer la première femme (du moins la première à recevoir cet honneur pour ses propres mérites) : Marie Curie - et son mari, Pierre Curie (avril 1995). Les derniers transferts en date sont les cendres d'André Malraux, en janvier 1997, et celles d'Alexandre Dumas en novembre 2002, durant le mandat présidentiel de Jacques Chirac.

Il est peu probable, néanmoins, que le Panthéon joue de nouveau le rôle majeur qui fut le sien pendant la IIIe République. Sans doute appartient-il à une époque qui croyait aux grands hommes, au progrès et à l'unité culturelle de la nation, idéaux qui n'exercent plus la même fascination aujourd'hui.

Paoli (Pasquale de' Paoli, dit Pascal),

homme politique, « général de la Nation corse », appelé « le Père de la patrie » (Morosaglia 1725 - Londres 1807).

Rebelle pour les Génois, précurseur de Jefferson pour les Philosophes, admiré de Rousseau, Voltaire, Grimm, nouveau Lycurgue pour Boswell, dangereux ennemi pour Choiseul, qui l'écrasa à Ponte-Novo (1769), figure mythique pour Napoléon, Paoli demeure pour certains Corses le premier des nationalistes car il fut à deux reprises leur principal chef politique (1755-1769 et 1790-1795).

Fils de Giacinto de' Paoli (1690-1768), Pascal Paoli naît pendant la guerre de Quarante Ans (1729-1769), qui oppose l'île à Gênes : son père y combat la République génoise, que Louis XV soutient. En 1739, son père vaincu, il devient officier à Naples. Mais l'assassinat de Gaffori (« général de la Nation ») en 1753 le rappelle au pays. Proclamé général en chef en 1755, il forme un gouvernement, dote la Corse d'une Constitution, crée une université à Corte (1765), un hôtel des monnaies, une marine de guerre. Lorsque la France, forte de 25 millions de sujets, débarque ses troupes face aux 200 000 Corses, Paoli résiste. Vaincu en 1769, il émigre à Londres. C'est la Révolution qui le conduit à Paris, puis en Corse, où il est élu président du conseil départemental et chef de la Garde nationale. Cependant, la politique antireligieuse de la Convention le pousse à faire un jeu proche de celui des contre-révolutionnaires. Destitué en avril 1793, il fait appel aux Anglais et accepte la formation du royaume anglo-corse (1794-1796). Mais, hostile aux royalistes, étrangers à son idéal démocratique, écarté du pouvoir, il regagne Londres. Il lègue ses biens aux écoles insulaires et tente - en vain - de faire rouvrir l'université de Corte. Mort en exil, il a son épitaphe à Westminster.