Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Occupation (suite)

La génération de l'ombre.

• Le personnel politique est, sinon rajeuni (de Gaulle a 54 ans en 1944), du moins profondément renouvelé, à l'exception des communistes. Les grands noms de la IIIe République s'effacent devant les « hommes partis de rien » issus de la Résistance : Soustelle, Defferre, Mitterrand, Chaban-Delmas, Debré, Bourgès-Maunoury, Bidault ou Pleven. D'une façon plus générale, dans la clandestinité ou en exil, un intense effort de réflexion et de proposition nourrit la pensée française. Cet effort fournit l'armature des grandes réformes de la Libération. Planification, nationalisations, Sécurité sociale, mais aussi démocratisation de la culture, réforme du système éducatif, régénération de l'armée, nouveau cadre des relations avec l'empire, réorganisation de la presse, redéfinition des relations entre les États : toutes les promesses, pas toujours tenues (le pouvaient-elles ?), de la Libération sont nées sous l'Occupation.

OCM (Organisation civile et militaire),

mouvement de Résistance de zone nord. L'OCM résulte de la convergence de plusieurs initiatives.

Dès l'été 1940, Jacques Arthuys, un industriel qui a milité au Faisceau de Georges Valois, diffuse des tracts hostiles à l'armistice. Il se lie avec des officiers (les colonels Heurteaux et Touny), eux-mêmes en contact avec diverses amicales d'anciens combattants. À la fin de 1940, ces militaires sont rejoints par des militants de la Confédération des travailleurs intellectuels, tel Maxime Blocq-Mascart. L'OCM mène de front la constitution de réseaux paramilitaires et la diffusion d'une active propagande. Après l'arrestation d'Arthuys (décembre 1941), le colonel Touny prend en charge les affaires militaires tandis que Blocq-Mascart dirige les activités politiques ; sous sa direction, les Cahiers de l'OCM publient, durant l'été 1942, l'une des plus imposantes synthèses intellectuelles de la Résistance. Après avoir tenté, dès1941, d'unifier la Résistance en zone nord, l'OCM est intégrée au Conseil national de la Résistance (CNR) en mai 1943.

Du fait de l'engagement nationaliste de certains de ses dirigeants et de ses appuis dans la haute industrie (auprès de Pierre Lefaucheux, directeur de la Compagnie des fours - et futur patron de Renault -, ou d'André Lepercq, le puissant président du Comité d'organisation des houillères), l'OCM est assimilée à une organisation de droite. Cette appréciation doit être nuancée, comme le montre la forte présence, dans l'entourage de Blocq-Mascart, d'anciens collaborateurs du radical-socialiste Jean Zay.

octobre 1789 (journées des 5 et 6),

journées révolutionnaires marquées par la marche des Parisiennes sur Versailles dans le but de réclamer du pain et d'obtenir la promulgation des décrets des 5 et 11 août 1789 sur l'abolition des privilèges et du régime féodal, et à l'issue desquelles la famille royale est ramenée à Paris.

Les semaines qui suivent la nuit du 4 août 1789 se déroulent dans un contexte économique difficile : partout, les files d'attente s'allongent devant les boulangeries, tandis que les domestiques sont au chômage et que les industries de luxe périclitent. Dans une agitation parisienne quotidienne s'expriment les craintes d'un complot contre les premiers acquis de la Révolution, d'autant plus que, fin septembre, les décrets des 5 et 11 août et la Déclaration des droits de l'homme n'ont pas encore reçu l'approbation de Louis XVI. Le 1er octobre, les officiers du régiment de Flandre, nouvellement arrivé à Versailles, tiennent banquet, foulent aux pieds la cocarde tricolore puis arborent les couleurs de la reine. La presse patriote appelle à la vengeance.

En réponse, mais aussi pour demander du pain, des milliers de Parisiennes se réunissent le 5 octobre à l'Hôtel de Ville : marchandes, lavandières, couturières, poissardes mais aussi bourgeoises, elles forment un cortège qui se dirige sur Versailles. L'Assemblée est envahie, une délégation y exprime la faim qui tenaille le peuple, la crainte des complots et des mauvais conseils donnés au roi. Six femmes sont ensuite députées auprès de Louis XVI, qui promet une distribution de pain dans Paris et la signature des décrets et de la Déclaration des droits.

Si ce mouvement populaire est initialement autonome, le pouvoir municipal parisien s'emploie bientôt à récupérer ce courant qui menace de lui échapper. La Fayette, à la tête de la Garde nationale, se pose finalement en arbitre et incite à demander le retour du roi et de sa famille à Paris. Le 6, les manifestants pénètrent dans le château ; un ouvrier puis des gardes sont tués. Louis XVI accepte alors de revenir dans la capitale. Le cortège qui ramène « le boulanger, la boulangère et le petit mitron » compte 30 000 personnes. La famille royale, bientôt suivie par l'Assemblée, s'installe aux Tuileries, désertées par les rois de France depuis Louis XIV : ce qui a d'abord eu le caractère d'une émeute de la faim s'achève par une victoire politique.

Les journées d'octobre constituent un tournant de la Révolution : désormais le pouvoir royal est soustrait à l'influence de la cour et placé sous la menace de la révolution populaire parisienne.

octobre 1961 (manifestation du 17),

manifestation pacifique d'Algériens, à Paris, en pleine guerre d'Algérie, qui se solde par une répression sanglante.

Le 5 octobre 1961, pour lutter contre le FLN, responsable en trois ans de la mort de 42 policiers, Maurice Papon, préfet de police, demande « de la façon la plus pressante aux travailleurs algériens », alors citoyens français, de ne plus sortir entre 20 heures et 4 heures 30. Le FLN proteste contre ce couvre-feu discriminatoire en organisant des rassemblements, le 17 au soir, sur les Champs-Élysées, les grands boulevards, et dans d'autres lieux parisiens. L'intervention, très violente, de la police entraîne, selon la version officielle, la mort de 2 manifestants (auxquels s'ajouteraient 64 blessés) ; en outre, 11 538 personnes sont arrêtées et quelque 1 500 d'entre elles, contraintes de retourner en Algérie. Mais le journal le Monde révèle que plus de 60 cadavres ont été retrouvés dans la Seine et dans des fourrés, et le FLN avance le chiffre de 200 morts et de 400 disparus. La revue les Temps modernes parle de pogrom ; le député centriste Eugène Claudius-Petit, grand résistant, demande au Parlement si la France va connaître « la honte du croissant jaune après celle de l'étoile jaune » et clame que « la bête hideuse est lâchée ». Pourtant, le silence retombe vite. Ces événements tragiques rencontrent peu d'écho dans la presse et l'opinion. L'opposition de gauche préfère plutôt commémorer la manifestation du métro Charonne du 8 février 1962, avec ses huit victimes - métropolitaines. Même si des témoignages sont constamment restés disponibles, comme celui de Simone de Beauvoir à la fin de la Force des choses, il a fallu trente ans - une génération - pour qu'on reparle vraiment de ces « ratonnades d'octobre », oubliées comme l'ont été, symétriquement, les massacres de harkis lors de l'indépendance algérienne. En octobre 1997, le gouvernement de Lionel Jospin s'est engagé à permettre l'ouverture des archives, notamment celles de la préfecture de police, afin de faire la lumière sur la répression.