Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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République (IVe).

La IVe République, établie le 13 octobre 1946 après référendum, prend fin le 28 septembre 1958, après un autre référendum par lequel les Français approuvent la Constitution de la Ve République.

Temps de la reconstruction et de la reprise sur le plan économique, mais aussi de crises politiques aiguës et persistantes, la IVe République a eu, somme toute, une existence éphémère. Dans un contexte de vives tensions internationales, l'instabilité ministérielle, le jeu complexe des forces politiques - inconciliables sur bien des points mais souvent condamnées à s'allier pour faire pièce aux communistes et aux gaullistes - et le drame algérien ont enlisé un régime dont on a stigmatisé l'impuissance, et qui disparaît après une ultime crise à la faveur de laquelle le général de Gaulle revient au pouvoir.

Une Constitution de compromis

À la Libération, le général de Gaulle ne proclame pas la IVe République car il considère que la France libre, à Londres puis à Alger, a assuré la continuité républicaine, malgré l'« État français » instauré par le maréchal Pétain. Le pouvoir est assumé par le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF), créé en juin 1944 à Alger, avec à sa tête le général de Gaulle. Mais, dès 1945, l'idée de donner une identité nouvelle à la France à travers une réforme constitutionnelle rompant avec la IIIe République et le régime de Vichy fait son chemin. Le désir de rupture avec l'ordre ancien et avec le temps de la guerre est net et profond : un changement paraît nécessaire à la relance d'un pays très affaibli par l'Occupation. Le 21 octobre, lors d'un double scrutin (législatives et référendum), les Français se prononcent à 96,4 % pour que l'Assemblée élue ce jour soit constituante. La IVe République n'est pas encore née, mais la IIIe est morte, accusée d'avoir conduit à la défaite de 1940 et à ses conséquences. Autre enseignement du scrutin : le reclassement politique, qui donne une forte majorité à la gauche. Le Parti communiste français (PCF) - le « parti des 75 000 fusillés » - est le premier parti de France, avec plus de 26 % des voix. Mais le Mouvement des républicains populaires (MRP) de Georges Bidault - « faux nez de la droite » - le talonne, avec 25,6 %, devançant la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO, 24,6 %), tandis que la droite classique (les « modérés ») et les radicaux subissent un important recul par rapport aux dernières législatives, datant de 1936.

Peu après cette consultation électorale d'octobre 1945, le 20 janvier 1946, de Gaulle démissionne de la direction du GPRF, que revendiquent les trois principales forces politiques. Convaincu de la nécessité d'une réforme de l'État, il entendait la mener lui-même et obtenir une ratification de ses propres vues, favorables à un renforcement de l'exécutif, contrairement à la majorité des acteurs politiques. Le débat constitutionnel et cette démission obligent donc à une recomposition politique qui donne naissance au « tripartisme », alliance de circonstance scellée entre le PCF, la SFIO et le MRP. Félix Gouin (socialiste), puis Georges Bidault (MRP) et Léon Blum en prennent, successivement, la tête (janvier 1946-janvier 1947).

Toutefois, si le PCF et la SFIO forment à eux seuls une majorité virtuelle de gauche, sur le fond, ils sont désunis. Pour l'heure, cependant, le PCF joue la carte de la conciliation et de l'alliance gouvernementale. Mais il demeure que le tripartisme, pur exercice d'équilibre politique entre trois partis représentant plus de 75 % des électeurs, ne préjuge pas de l'unanimité des forces gouvernementales sur la question constitutionnelle. Le MRP tente de défendre les prérogatives du pouvoir exécutif et l'existence d'une Chambre haute, mais la gauche, en position de force, propose une organisation dominée par une Assemblée unique toute puissante. Le 5 mai 1946, par référendum, les Français rejettent ce projet de régime d'Assemblée. Ce veto impose l'élection d'une nouvelle Constituante. Lors du vote du 2 juin, le MRP devient le premier parti de France avec 28 % des suffrages.

De son côté, de Gaulle préconise d'instaurer un régime semi-présidentiel (le discours de Bayeux, le 16 juin, annonce les grandes lignes constitutionnelles de la ... Ve République). Toutefois, c'est un texte d'inflexion parlementariste qui est finalement présenté aux électeurs. Le 13 octobre, un vote « mou » des Français entérine ce choix (36 % de « oui », 31,3 % de « non ») et illustre déjà l'absence d'un consensus susceptible de fonder une majorité effective et durable.

En fait, la Constitution de la IVe République est d'abord un compromis taillé sur mesure pour la coalition tripartite : en effet, la prééminence de l'Assemblée (élue pour cinq ans au suffrage universel masculin et féminin) impose le « règne des partis ». Le Conseil de la République (avatar du Sénat) n'est désigné qu'au suffrage indirect ; le président de la République, qui doit nommer le président du Conseil, est élu pour sept ans par les Chambres réunies en Congrès. Toutefois, en dépit de la prépondérance parlementaire et des partis déjà soulignée, les constituants ont souhaité protéger l'exécutif d'une trop grande versatilité des députés (investiture et renversement du gouvernement doivent se faire à la majorité absolue). Pourtant, l'instabilité ministérielle sera le principal écueil des nouvelles institutions, soumises aux aléas et aux pressions des jeux d'équilibre, des affrontements politiques de l'Assemblée.

Un immédiat difficile

La coexistence de trois grands partis recueillant chacun environ un quart des voix n'est pas remise en cause par les élections au Conseil de la République et les législatives du 10 novembre 1946, qui remanient cependant légèrement les équilibres politiques. Le PCF repasse devant le MRP. La SFIO recule. En janvier 1947, le socialiste Vincent Auriol devient le premier président de la IVe République, le radical Édouard Herriot accède à la présidence de l'Assemblée, et Paul Ramadier (SFIO) prend la tête d'un « gouvernement d'accord général », soumis à des alliances moins d'idées que de circonstances, lesquelles ne sont pas, loin s'en faut, synonymes de stabilité.