Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Restauration (suite)

La seconde Restauration

Elle débute sous des auspices difficiles, tandis que la constitution d'un ministère dirigé par Talleyrand et Fouché rouvre à Louis XVIII le chemin de Paris (8 juillet). Durant l'été, 1,2 million de soldats venus de toute l'Europe déferlent sur le pays. Le congrès de Vienne (dont l'acte final est daté du 9 juin 1815) et la Sainte Alliance (Russie, Autriche et Prusse), conclue le 26 septembre, consacrent l'abaissement de la France en Europe. Le deuxième traité de Paris (20 novembre 1815) lui enlève ses forteresses de la frontière nord ainsi que la Savoie, et lui impose le versement d'une indemnité de guerre de 700 millions, assortie d'une occupation militaire par 150 000 hommes pendant cinq ans. Les élections d'août 1815 amènent une majorité de nouveaux députés exaltés, « plus royalistes que le roi » : une « Chambre introuvable », dira Louis XVIII, qui aurait souhaité une assemblée plus encline à la conciliation. La Chambre des pairs est épurée ; le maréchal Ney est condamné à mort et exécuté pour s'être rallié à Napoléon pendant les Cent-Jours ; le quart des fonctionnaires publics est écarté. La Chambre vote une loi de sûreté générale (octobre 1815) ainsi qu'une loi contre les cris et écrits séditieux (novembre) et crée des juridictions d'exception - les cours prévôtales - qui peuvent condamner en flagrant délit les opposants : les libéraux dénoncent alors la « terreur blanche » qui s'abat sur le pays. En outre, en janvier 1816, les anciens conventionnels régicides sont expulsés de France. Ces mesures réactionnaires viennent contredire cependant la prudence politique de Louis XVIII, qui a formé en septembre 1815 un ministère modéré, dirigé par le duc de Richelieu qu'épaule le favori royal, Élie Decazes. La Chambre est ajournée en avril 1816 puis dissoute le 5 septembre : les élections organisées le même mois amènent une majorité de députés ministériels.

Sous l'égide de Richelieu (jusqu'en décembre 1818) et de Decazes, la Restauration connaît de septembre 1816 à février 1820 une phase constitutionnelle marquée par une œuvre législative importante. À l'extérieur, le duc de Richelieu rembourse en trois ans l'indemnité de guerre et obtient, avec deux ans d'avance, l'évacuation des troupes alliées (traité d'Aix-la-Chapelle, octobre 1818). À l'intérieur, la loi Laîné (février 1817) fixe, pour les élections, les règles du scrutin d'arrondissement ; la loi Gouvion-Saint-Cyr (mars 1818) réorganise le service militaire sur la base du tirage au sort (et autorise les conscrits à se faire remplacer en payant un volontaire) ; la loi Serre (mai 1819) institue un régime de relative liberté pour la presse. Mais les progrès de l'opposition libérale (La Fayette, Manuel, Foy) et surtout l'assassinat du duc de Berry (14 février 1820), second fils du comte d'Artois, par l'ouvrier Louvel précipitent la chute de Decazes. En effet, les ultraroyalistes rendent le ministre responsable du climat politique qui aurait favorisé ce crime. Ils remportent les élections de novembre 1820 et la dynastie est confortée par la naissance d'un fils posthume du duc de Berry, Henri, duc de Bordeaux, « l'enfant du miracle ».

Un ministère de transition, à nouveau confié au duc de Richelieu (février 1820-décembre 1821), engage une politique de répression en restreignant la liberté individuelle et la liberté de la presse ; la loi dite « du double vote » (juin 1820) attribue au quart des électeurs les plus imposés, réunis au chef-lieu du département, le choix d'environ la moitié des députés. En décembre 1821 se met en place un ministère ultra, bientôt placé sous la direction du pragmatique ministre des Finances, Villèle, qui restera plus de six ans au pouvoir. Les tentatives d'insurrections militaires des sociétés secrètes d'opposition - la charbonnerie - échouent (Saumur, février 1822) et sont sévèrement réprimées (exécution des quatre sergents « de La Rochelle », septembre 1822). À l'extérieur, les armées françaises se placent au service de la Sainte Alliance afin de rétablir sur son trône le roi Ferdinand VII d'Espagne : l'expédition dans la péninsule Ibérique, commandée par le duc d'Angoulême, conduit à la prise de la ville de Trocadero (septembre 1823) et à l'écrasement des libéraux espagnols. Au début de l'année 1824, les élections législatives assurent le triomphe des ultras : c'est la « Chambre retrouvée ».

Louis XVIII meurt le 16 septembre 1824. Au prudent monarque, circonvenu à la fin de sa vie par sa favorite Zoé du Cayla, favorable à l'extrême droite, succède son frère Charles X, esprit nostalgique de l'Ancien Régime. Le nouveau roi se fait sacrer à Reims le 29 mai 1825. Cette même année, Villèle fait voter la loi sur le sacrilège (avril) - qui condamne les profanateurs d'hosties consacrées à la peine des parricides (la mort), et réintroduit le droit de l'Église dans le droit pénal - ainsi que la loi d'indemnisation des émigrés (avril également). Mais cette mesure, « le milliard des émigrés », mécontente le monde de la rente car le remboursement des propriétés vendues sous la Révolution est financé par une conversion des obligations d'État. En outre, l'opposition de la Chambre des pairs interdit à Villèle de rétablir le droit d'aînesse (avril 1826). Son impopularité va croissant dans l'opinion tant sur le plan religieux (campagne anticléricale du gallican Montlosier contre les jésuites, 1826) que sur le plan politique (dissolution de la Garde nationale de Paris, « coupable » d'avoir hué les ministres en avril 1827). Ses opposants ayant remporté les élections de novembre 1827, Villèle démissionne en janvier 1828.

L'économie et la société

La France a renoué au milieu des années 1820, par-delà la crise de 1816-1817, avec la prospérité. L'économie apparaît globalement dynamique en termes de croissance malgré une dépression durable des prix. L'amélioration des techniques agronomiques (marnage et chaulage des terres) et les progrès de l'élevage, liés à l'introduction des plantes fourragères, favorisent la hausse des rendements et des productions, jusqu'à la crise frumentaire de 1827-1829. L'État, plus colbertiste que proprement libéral, conduit une politique tarifaire protectionniste, assure l'équilibre budgétaire, garantit la stabilité du franc, et prend en charge l'aménagement des voies fluviales (plan Becquey, 1827). Si le système bancaire, concentré dans la capitale (Banque de France, haute banque parisienne), irrigue faiblement les campagnes en moyens de crédit et demeure étranger à l'investissement, l'activité industrielle et commerciale, en revanche, à l'abri de droits douaniers élevés, reste vive et repose sur les industries de luxe, l'artisanat et le textile (soieries de Lyon ; filatures de coton du Nord, d'Alsace et de Normandie) ; les secteurs miniers et métallurgiques sont actifs mais technologiquement peu développés.