Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
E

école (suite)

L'école depuis la Révolution

Les dix années de la période révolutionnaire ont laissé à la France, non le dense et stable réseau d'écoles publiques qui lui manquait, mais un ensemble de principes et de questions qui inspirent toujours les réflexions des pédagogues. La mission de veiller à l'instruction des enfants doit-elle ou non revenir à l'État ? Quelle part d'autorité les parents doivent-ils déléguer à l'instituteur ? Suivant quelles modalités l'instruction et l'éducation peuvent-elles être conciliées ? Quelle place faut-il attribuer, dans le programme de l'école, à une instruction morale et civique affranchie des dogmes religieux ? Mona Ozouf et Dominique Julia ont souligné, après Michelet, combien la Révolution, à ses heures les plus heureuses, s'est voulu en elle-même pédagogie, dans ses fêtes autant que dans ses assemblées.

Parce qu'ils se sont donné les moyens de réussir où leurs prédécesseurs, en 1792 comme en 1848, avaient échoué, les fondateurs de la IIIe République ont en quelque sorte éclipsé ceux qui, au cours du XIXe siècle, avaient préparé leur action. F. Guizot, d'abord, qui a fait adopter en 1833 une loi imposant à toutes les communes d'entretenir une école. Victor Duruy, ensuite, qui, en 1867, a fait obligation à toutes les communes de plus de cinq cents habitants d'ouvrir une école de filles. Mais le retard de la scolarisation féminine, ce sont bien les républicains qui l'ont comblé. Lorsqu'en 1870 Jules Ferry a fait le serment de consacrer ses forces à « l'éducation du peuple », il a mis l'accent sur cet enjeu décisif : « Il faut que la femme appartienne à la science, ou qu'elle appartienne à l'Église. » Gratuite, en vertu de la loi du 16 juin 1881, la scolarisation primaire devient obligatoire pour tous les enfants de 6 à 13 ans, sauf s'ils obtiennent avant cet âge le certificat d'études, qui en marque l'aboutissement. Par ailleurs, la loi du 28 mars 1882 supprime des programmes l'enseignement religieux, et le remplace par l'« instruction morale et civique », avant que celle du 30 octobre 1886 vienne confirmer l'intention du gouvernement d'installer, dans toutes les écoles publiques, des enseignants laïques. Les conditions d'une « guerre scolaire » - qui n'a pas encore trouvé d'issue définitive - sont donc réunies. D'un côté, l'alliance du trône et de l'autel : elle a cru triompher, en 1850, avec l'adoption de la loi Falloux, qui a redonné à l'Église un pouvoir de surveillance sur les instituteurs publics, mais elle a montré, au temps de l'Ordre moral, son impuissance à renverser le cours du siècle. De l'autre, la République, c'est-à-dire, à cette époque, la gauche - une gauche préoccupée de refermer le cycle des révolutions, d'asseoir l'ordre social sur les ruines de la Commune, d'enraciner enfin dans le pays l'institution qui doit former des citoyens libres et éclairés, conscients d'appartenir à la Grande Nation, et prêts à lui assurer, demain, « la revanche » qu'elle attend sur l'ennemi qui lui a pris l'Alsace et la Lorraine. Voilà pourquoi les républicains ont voulu voir la France revêtue d'une « blanche robe » d'écoles neuves, tout comme la chrétienté de l'an mil s'était couverte d'églises.

« Cette école égalise et délivre », disait Alain, du même mouvement. Le XXe siècle a ajouté pourtant au cahier des charges de la « démocratisation » des exigences nouvelles. Instrument d'émancipation et d'ascension sociale, l'école de Jules Ferry l'est dans des limites rigides : certes, le certificat d'études donne accès aux emplois publics, mais il faudra attendre 1930 pour que les portes des lycées soient gratuitement ouvertes aux enfants du peuple. Cadre d'intégration, elle l'est aussi, en raison de sa force assimilatrice : la différence n'y est admise que pour se fondre, au creuset national, dans le même, dans l'un, et non pour obtenir la reconnaissance de quelque autonomie. Et ce n'est pas le moindre des paradoxes de notre temps que, après avoir favorisé l'intégration des minorités protestantes ou juives, la laïcité républicaine, tolérante et souple dans son principe, puisqu'elle n'a jamais exclu la liberté d'enseignement, soit parfois considérée, par ceux-là mêmes qui devraient la défendre et la promouvoir, comme un obstacle au respect des particularités.

Au citoyen d'aujourd'hui, qu'enseigne donc l'histoire de l'école ? Sous sa forme républicaine, l'école est le fruit d'une très longue patience, de conquêtes qui ne peuvent être mieux affermies qu'en étant poursuivies. Sa fonction ne consiste sans doute pas à fournir, aux enfants ni à leurs parents, des formules infaillibles propres à « changer la vie », mais plutôt à être, conformément au vœu de Ferdinand Buisson, l'institution capable de « façonner les générations nouvelles, non au gré du hasard, des caprices individuels ou des vues étroites de la famille, mais en vue de la vie commune ultérieure, et en raison des besoins de la société ».

École militaire de Paris,

institution de formation militaire créée sous Louis XV.

Depuis le XVIIe siècle, la nécessité se fait sentir d'améliorer le niveau intellectuel des officiers et, surtout, de permettre aux fils de la petite noblesse de province désargentée « d'occuper des postes dignes de leur naissance ». À l'initiative de Mme de Pompadour et du financier philanthrope Pâris-Duverney, Louis XV crée en 1751 une École royale militaire, dont la conception architecturale est confiée à Gabriel. L'école, édifiée face au Champ-de-Mars, peut accueillir 500 boursiers, fils de militaires. Ils sont admis, sans concours, à partir de 8-9 ans, à condition de justifier de quatre générations de noblesse, d'un certificat d'indigence, et de savoir, en principe, lire et écrire. Le programme, étalé sur huit ans, apparaît extrêmement ambitieux : mathématiques, dessin, logique, géographie, topographie, histoire, droit de la guerre, notions de tactique, danse, escrime, manège, mais aussi grammaire française, latin, allemand, italien. La discipline est sévère, et les châtiments sont rudes : prison, cachot, habit de bure, privations pour les paresseux, les élèves malpropres ou indociles.