Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

Châteauvieux (affaire des suisses de),

mutinerie de régiments de l'armée royale stationnée à Nancy, en août 1790.

Dans l'armée royale qui se désagrège, les rébellions d'une partie des troupes engagées dans le mouvement révolutionnaire se multiplient contre les officiers nobles attachés à l'Ancien Régime. Le malaise culmine à Nancy : après des incidents opposant les soldats du régiment suisse de Châteauvieux à leurs officiers, qui répondent aux protestations contre le retard de la solde par de sévères punitions, la garnison s'insurge le 12 août. Condamnée par la Constituante le 16, la rébellion est matée le 31 par le marquis de Bouillé, qui commande la garnison de Metz, au terme d'une bataille faisant 300 morts et blessés. Sur le conseil de La Fayette, Bouillé ferme le club jacobin, réorganise la Garde nationale nancéienne, qui a en partie soutenu la mutinerie, et dirige une répression féroce (41 suisses condamnés à trente ans de galères, 22 pendus et 1 roué vif). Ces mesures, censées permettre la reprise en main de l'armée, indignent les patriotes, et l'Assemblée, qui avait félicité Bouillé, se reprend, demandant au roi la grâce des mutins. Ils ne sont amnistiés que le 15 mars 1792 par la Législative, la situation politique ayant considérablement évolué. Le 30 mars, Paris fait un triomphe aux suisses libérés, puis, le 15 avril, les jacobins organisent pour eux une grandiose « fête de la Liberté » qui, réhabilitant les émeutiers et marquant l'opposition entre partis patriote (jacobins) et constitutionnel (feuillants), est d'abord politique.

Châtillon (maison de),

grande famille de la noblesse apparue au XIe siècle, et dont le dernier descendant meurt en 1416.

Jusqu'à la fin du XIIe siècle, la maison de Châtillon ne représente qu'une famille seigneuriale du comté de Champagne : Miles (mort en 1076) est un vassal du comte de Champagne, et le frère de Guy, archevêque de Reims ; leurs domaines se limitent à une partie de la seigneurie de la petite ville de Châtillon-sur-Marne et à quelques fiefs ruraux. Mais, par une succession d'alliances matrimoniales judicieuses puis par le service du roi de France, cette famille de la moyenne noblesse s'élève peu à peu au rang des grands barons du royaume avant d'accéder à de hautes fonctions de l'État monarchique.

Renaud de Châtillon (mort vers 1187), en épousant l'héritière de la principauté d'Antioche en 1155, devient, de manière éphémère, l'un des grands princes d'outre-mer. En France, Gaucher III (mort en 1219) se marie, au début du XIIIe siècle, avec Élisabeth, comtesse de Saint-Pol-en-Ternois : une union qui apporte aux Châtillon le titre comtal. Le patrimoine et la puissance de la famille croissent par les mariages des deux fils de Gaucher III : l'aîné épouse l'héritière du comté de Nevers, et le cadet, Marie de Blois, héritière des comtés de Blois et de Chartres. Au milieu du XIIIe siècle, la maison de Châtillon compte parmi les grandes familles comtales de la France du Nord. Par la suite, le service du roi de France, sous Philippe IV le Bel et ses fils, renforce l'ascension de la famille, et permet son introduction dans le monde princier. Guy de Châtillon, comte de Saint-Pol, bouteiller de France (1296-1316) et l'un des diplomates préférés du roi, épouse la fille du duc de Bretagne. Sa fille, Mahaut de Châtillon, est unie à Charles de Valois, frère du roi : les Châtillon s'allient ainsi aux Capétiens. Jacques, le frère de Guy, sert aussi le roi : lieutenant en Flandre dès 1301, il meurt à la bataille de Courtrai, le 11 juillet 1302. Leur cousin, Gaucher V de Châtillon (1249-1329), comte de Porcien, devient connétable de Champagne en 1286, et connétable de France en 1302 ; il est aussi l'un des plus proches conseillers de la reine Jeanne, épouse de Philippe IV, puis de leurs fils, les rois Louis X, Philippe V et Charles IV. En 1328, à 79 ans, il commande encore une partie de l'armée du roi à la bataille de Cassel. Au XIVe siècle, les trois lignées des Châtillon-Nevers, Châtillon-Blois et Châtillon-Saint-Pol poursuivent l'ascension de la famille par des alliances avec les maisons princières de Bretagne, de Bourbon et de Luxembourg-Bohême. Mais, en 1416, la lignée masculine s'éteint.

chauffeurs,

brigands terrorisant les campagnes sous le Directoire.

En 1795, la crise économique jette sur les routes une masse d'indigents, marqués par le bouleversement révolutionnaire. S'ajoutant au noyau ancien de mendiants et de brigands, cette population errante qui reflue vers les campagnes fait du banditisme un fléau que le Directoire, sans autorité ni moyens, ne peut endiguer. Sévissant dans les plaines de grande culture et tenant leurs repaires dans les bois, les chauffeurs - ainsi nommés en raison des tortures infligées aux victimes pour trouver leur magot en les « chauffant » : pieds brûlés, culottes de paille enflammées, chandelles sous les aisselles... - s'attaquent aux fermes isolées et aux gros laboureurs, souvent des accapareurs et profiteurs de la Révolution, détenteurs de numéraire plutôt que d'assignats. Les plus célèbres - la redoutable bande d'Orgères, organisée en société, avec sa hiérarchie, ses rites, son argot spécifique, son vaste réseau de receleurs, d'indicateurs et d'affidés, comprenant femmes, enfants, vieillards - opèrent dans la Beauce, de mars 1791 à janvier 1800, et ont des émules dans la moitié nord du pays. Des chauffeurs secondent aussi les bandes royalistes dans le Midi et le Lyonnais lors de la Terreur blanche, ou les chouans dans le bocage de l'Ouest ; la frontière entre banditisme et action politique est alors très floue. Les grandes bandes organisées sont décimées sous le Consulat, mais le brigandage à main armée, puni de mort dès 1797 et relevant de tribunaux criminels spéciaux créés en février 1801, perdure jusqu'à l'Empire.

Chaumette (Pierre Gaspard Anaxagoras),

révolutionnaire (Nevers 1763 - Paris 1794).

Figure d'autodidacte radical, Chaumette est, aux côtés de Jacques Hébert, le porte-parole des militants sectionnaires de Paris qu'on appelle les « exagérés ». Michelet en fait « une fouine à museau pointu, propre à tremper dans le sang », fixant une légende noire qui est depuis attachée à son nom. Lorsqu'il arrive à Paris en 1790, ce fils de cordonnier a une expérience de batelier, d'étudiant en médecine et de franc-maçon. Il vit alors d'une manière précaire et travaille pour le Journal des Révolutions de Prudhomme. Membre actif du Club des cordeliers, il milite et signe en faveur de la pétition républicaine du 17 juillet 1791, mais échappe au massacre du Champ-de-Mars et à la répression qui s'ensuit. Après le 10 août 1792, il est élu à la Commune de Paris et ne cesse de transmettre à l'Assemblée les revendications des sans-culottes, concurremment aux enragés. Avec eux, il obtient l'établissement du premier maximum, l'installation d'un tribunal révolutionnaire, la mise à l'ordre du jour de la Terreur après les journées de septembre 1793, puis la loi des suspects et la création de l'armée révolutionnaire. Mais ses convictions déchristianisatrices et les mascarades qu'il organise lui valent l'hostilité des montagnards. L'homme qui est guillotiné pour avoir « cherché à anéantir toute espèce de morale, étouffer tout principe de vertu, effacer toute idée de la divinité et fonder le gouvernement français sur l'athéisme » avait pourtant rêvé d'une régénération morale associant le refus de la prostitution et des maisons de jeu, l'ouverture de bibliothèques publiques et du Conservatoire de musique.