Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
M

Mélusine, (suite)

Le roman de Jean d'Arras, qui met en scène Raimondin, l'ancêtre présumé des sires de Lusignan en Poitou, constitue la forme la plus achevée de la légende. Son succès s'explique par le fait qu'il valorise, symboliquement, la petite et la moyenne aristocratie, qui, à l'occasion de la croissance économique et de l'essor de la seigneurie des XIe, XIIe et XIIIe siècles, sont parvenues à fonder de puissants lignages et à intégrer la noblesse. En outre, l'origine merveilleuse attribuée aux sires de Lusignan contribue au prestige de cette famille qui accéda aux trônes de Jérusalem et de Chypre. Avec l'œuvre de Jean d'Arras et son adaptation en vers par Coudrette peu après 1400, la légende prend place, au XVe siècle, dans la culture aristocratique des cours princières.

Mendès France (Pierre),

homme politique (Paris 1907 - id. 1982).

Issu d'une famille de la petite bourgeoisie juive du Sentier qui porte haut les valeurs de la République et de la laïcité, le jeune Mendès France, fort brillant élève, choisit le droit ; il devient avocat dès l'âge de 20 ans.

L'étoile montante du Parti radical.

• Ce parcours universitaire sans faute se double d'un engagement militant précoce : dès 1924, il rejoint la Ligue d'action universitaire républicaine et socialiste (LAURS), puis adhère en 1926 au Parti radical, sur les traces d'Édouard Herriot. En opposition à la dérive du parti vers la droite, il s'attache, avec les « Jeunes-Turcs » Pierre Cot, Jacques Kayser ou Jean Zay, à dénoncer les abus parlementaires, à défendre les prérogatives de l'exécutif et à affirmer la primauté de l'économique et du social. Après l'installation de son cabinet d'avocat à Louviers en 1929, il accumule les victoires électorales : député de l'Eure à 25 ans (1932), il remporte trois ans plus tard la mairie de Louviers. Fort de ses compétences dans le domaine économique et financier - en 1928, il a soutenu une thèse sur l'œuvre financière du gouvernement Poincaré -, il intervient à propos des questions agricoles à l'Assemblée et y préside la commission des Douanes à partir de 1933-1934.

Sensible au danger fasciste, il s'engage aux côtés du Front populaire et soutient activement le premier gouvernement Blum, même s'il déplore sa non-intervention en Espagne. Converti au keynésianisme en 1937, il devient sous-secrétaire d'État au Trésor dans le deuxième gouvernement Blum, en mars-avril 1938, et ébauche un plan de redressement économique fondé sur la priorité à l'emploi, à la politique d'armement et à la taxation du capital.

Singularité et marginalité.

• Au début de la guerre, il s'engage dans l'aviation, puis regagne sa mairie au cœur de la débâcle de mai-juin 1940. Arrivé au Maroc à bord du Massilia, il est arrêté par le gouvernement de Vichy pour « désertion », et condamné en mai 1941. Il s'évade un mois plus tard, puis rejoint Londres en 1942, et combat dans l'escadrille Lorraine. De Gaulle le nomme commissaire aux Finances à Alger, en novembre 1943 ; en septembre 1944, Mendès France prend en charge le ministère de l'Économie nationale. Mais il se trouve rapidement en désaccord avec René Pleven, lequel est hostile aux mesures draconiennes qu'il préconise : remplacement des billets, politique d'austérité sur les prix et les salaires. Ne voulant pas risquer l'impopularité, de Gaulle choisit la voie tracée par Pleven. Mendès France démissionne, le 5 avril 1945.

Il est alors en marge de la IVe République. Certes, il reconquiert ses mandats électoraux - sa mairie en 1945, son siège de député en 1946 -, mais le Parti radical, sclérosé, ne prend guère en compte ses projets de rénovation. Toutefois, il revient sur le devant de la scène politique (1950) en clamant son opposition à la politique menée en Indochine et en prônant la négociation. Vincent Auriol appelle une première fois ce Cassandre de la République à la présidence du Conseil, en juin 1953. Mais il est encore trop tôt : l'investiture lui échappe de peu. Pourtant se développe un courant de sympathie « mendésiste » : chrétiens de gauche, radicaux en rupture de ban, membres du Club des jacobins de Charles Hernu, jeunes militants de la gauche laïque, intellectuels qui gravitent autour de l'Express, fondé en mai 1953. Il lui faut attendre la défaite de Diên Biên Phu pour accéder à Matignon, le 18 juin 1954.

« Gouverner, c'est choisir ».

• Son bref passage à la présidence du Conseil marque la naissance d'un « style Mendès ». Bien qu'il soit respectueux du régime parlementaire, il entend que le gouvernement ait les coudées franches : il choisit donc une équipe de ministres réduite, sans passer par les appareils partisans, en puisant dans différents mouvements politiques mais aussi parmi les experts, et il récuse le soutien des députés communistes. Par ailleurs, il initie une véritable politique du contrat en se donnant un mois pour résoudre le problème indochinois, ce qu'il réussit en faisant signer les accords de Genève dans la nuit du 20 au 21 juillet. Il évoque également l'autonomie de la Tunisie lors de son discours de Carthage le 31 juillet, et propose une politique volontaire de redressement économique. Bien que le président du Conseil bénéficie des faveurs de la population, entretenues par ses causeries à la radio et relayées par une partie de la presse, il s'attire les foudres des sphères politiques. On lui reproche, pêle-mêle, d'avoir opté pour un « gouvernement saute-mouton », d'avoir enterré le projet de Communauté européenne de défense - le MRP évoque le « crime du 30 août » -, d'avoir bradé l'empire, ou de s'être attaqué à des professions représentatives de la France traditionnelle (les bouilleurs de cru, par exemple). L'insurrection qui éclate en Algérie le 1er novembre 1954, et à laquelle il répond par la répression, accélère sa chute, qui intervient le 6 février 1955, à la suite d'un vote défavorable d'une coalition parlementaire hétéroclite, allant des communistes aux Indépendants, en passant par le MRP.

Les échecs et la reconnaissance.

• Figure emblématique de la gauche moderniste, Mendès France semble alors toujours pouvoir incarner une alternative. Il prend les rênes du Parti radical en mai 1955 ; cependant, les bons scores du Front républicain aux élections de janvier 1956 ne le portent au pouvoir que pour quelques mois, et seulement comme ministre d'État. La greffe du « mendésisme » ne prend pas au Parti radical, qu'il renonce à diriger. Mais c'est surtout son rejet des institutions mises en place par de Gaulle en 1958 qui contribue à son isolement politique au sein d'une gauche non communiste elle-même considérablement diminuée. Entré au PSA en 1959, puis au PSU en 1960, Mendès France est à la recherche de formules autogestionnaires ; mais, battu en 1958 à Louviers, il perd de nouveau son siège de député en 1968 à Grenoble, après une victoire en 1967. Humilié par le résultat de Gaston Defferre - qu'il a soutenu - à l'élection présidentielle de 1969, il prend fait et cause pour François Mitterrand, dont il salue la victoire en 1981.