Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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marché noir.

Le rationnement imposé à la population pendant l'Occupation entraîne le développement de circuits d'approvisionnement parallèles plus ou moins organisés.

Le contrôle des prix prescrit par réglementation pour les produits agricoles favorise ce phénomène. D'abord marginal, il touche rapidement l'ensemble de la population, obligée de s'en remettre à ces circuits pour survivre. Les écarts de prix entre marché officiel et marché clandestin deviennent considérables pour certaines marchandises. Dès 1942, la valeur de la viande, des œufs et du lait est, selon les régions, entre deux et cinq fois supérieure au tarif officiel. Les pommes de terre et le beurre sont encore plus coûteux, ce dernier étant vendu jusqu'à huit fois le prix réglementaire ! Le gouvernement de Vichy est contraint de prendre en compte ce phénomène. Ainsi, la loi du 15 mars 1942 établit-elle une distinction entre les agissements des trafiquants professionnels et les infractions commises par des particuliers dans le seul but de satisfaire les besoins familiaux.

Globalement, le marché noir joue un rôle mineur dans l'alimentation de la plupart des Français. En effet, les prix pratiqués établissent une sélection par l'argent extrêmement forte. Ainsi, Alfred Sauvy estime qu'en 1943 une dactylo parisienne doit verser l'équivalent d'une semaine de salaire pour acheter 1 kilo de sucre. Pourtant, le problème du marché noir fait l'objet d'un débat très présent dans la presse et alimente les conversations. On soupçonne les Allemands, qui s'y approvisionnent parfois, il est vrai, de l'organiser. La croyance en l'existence d'une gigantesque organisation, d'un complot ou encore d'une mafia est entretenue dans les esprits pour justifier les lacunes du ravitaillement. Aussi l'opinion est-elle persuadée qu'il y a une abondance cachée, d'autant qu'il est possible de manger normalement dans les arrière-salles des « restaurants noirs » à des prix sans rapport avec ceux du marché officiel. Dans ces établissements plus ou moins tolérés par les autorités, le salaire mensuel d'un employé peut difficilement couvrir le montant d'une addition. Plus que le marché noir, le marché libre, constitué de produits non rationnés mais vendus bien plus cher, représente l'indispensable complément à la ration de base des Français.

Le souvenir du marché noir marquera les esprits. Le film la Traversée de Paris, de Claude Autant-Lara (1956), illustre le regard ambigu porté par les Français sur ces trafiquants à la fois utiles et critiqués.

maréchal de France,

charge remontant à l'époque de Philippe Auguste et faisant de son titulaire - en même temps qu'un dignitaire du royaume - le deuxième personnage de l'armée, derrière le connétable, puis le premier dignitaire de l'armée.

Porté d'abord par un seul officier, ce titre revient, dès le XIIIe siècle, à un nombre de plus en plus important de militaires, atteignant une quinzaine à la fin de l'Ancien Régime. Lorsque, au début du XVIIe siècle, la fonction de connétable disparaît, le maréchal devient le premier personnage de l'armée.

En 1793, la Convention supprime la dignité de maréchal, rétablie - à titre purement civil - par un sénatus-consulte de 1804. Napoléon nomme ainsi quatorze maréchaux de l'Empire - parmi lesquels Ney, Murat, Soult, Bernadotte, Berthier, Davout, Jourdan, Masséna, Moncey, Brune, Lannes, Bessières et Mortier -, ainsi que quatre maréchaux honoraires, qui occupent en même temps une fonction de sénateur. Sous la Restauration, la monarchie de Juillet puis le Second Empire, l'État poursuit dans la même voie. En 1847, Louis-Philippe élève Soult à la haute dignité de maréchal général de France, afin de bien marquer la prééminence de celui-ci sur les autres maréchaux - à l'instar de Louis XV, en 1733, avec Claude de Villars. Napoléon III, quant à lui, décerne ce titre envié à Pélissier, Canrobert, Mac-Mahon, Niel, Bazaine et Lebœuf.

La défaite de la France en 1870-1871, le discrédit pesant sur les vaincus de Metz et Sedan, constituent une rupture. Il faut attendre plus de quarante-cinq ans pour que, en 1916, un officier, le général Joffre, commandant en chef des armées françaises, soit de nouveau élevé à la dignité de maréchal de France. En 1918, ce sont le général Foch, commandant en chef des armées alliées, et le général Pétain, commandant en chef des armées françaises, qui sont récompensés, suivis en 1921 de Lyautey, Gallieni (mort en 1916), Fayolle, Franchet d'Esperey, puis Maunoury en 1923. Enfin, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, quelques-uns des militaires français les plus prestigieux accèdent à leur tour à cet honneur envié. Ainsi en est-il du général Juin, de son vivant, et des généraux de Lattre de Tassigny et Leclerc, à titre posthume.

maréchaussée,

corps de troupes, ancêtre de la gendarmerie nationale.

Elle apparaît au Moyen Âge et trouve son origine, vers le milieu du XIIIe siècle, dans l'établissement du tribunal de la connétablie, une juridiction « de robe courte » associant police et justice. Commandant en chef de l'armée royale, le connétable exerce sa juridiction sur les hommes d'armes qui lui sont subordonnés. Cependant, accaparé par la conduite des opérations militaires, il délègue ses attributions judiciaires à certains de ses officiers et de ses maréchaux, avant la création de prévôts provinciaux ou de prévôts des maréchaux, chargés de rechercher les délinquants militaires et de les livrer au tribunal de la connétablie. Toutefois, à partir du règne de François Ier, apparaissent des brigades d'archers de la maréchaussée, installées dans les petites villes et les bourgs du royaume ; elles sont intégrées au sein de compagnies aux ordres du prévôt des maréchaux de la province. De 1555 à 1661, plusieurs ordonnances précisent les tâches de cette maréchaussée : outre sa fonction de police militaire, elle est chargée de la sécurité des routes et du « plat pays », c'est-à-dire des campagnes. Les flagrants délits et les « cas prévôtaux » (rixes, meurtres et vols à main armée) sont alors du ressort des tribunaux du prévôt des maréchaux.