Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Richelieu (Armand Jean du Plessis, duc de), (suite)

De la religion à la politique.

• Armand Jean du Plessis est le fils d'un fidèle d'Henri III qui, issu de la noblesse poitevine, était devenu grand prévôt de France - il assurait le service d'ordre de la Maison du roi - et mourut, jeune encore, en 1590. Par sa mère, Armand Jean descend d'un avocat, donc de la riche bourgeoisie. L'évêché de Luçon étant traditionnellement dans la famille, et son frère y ayant renoncé pour être moine, Armand Jean devint docteur en Sorbonne et fut sacré évêque (1607). Il s'occupa avec soin de son diocèse et poursuivit une réflexion théologique très sérieuse.

Les états généraux de 1614 donnèrent une orientation nouvelle à sa vie ; ce fut lui qui prononça, au nom du clergé, la harangue de clôture en 1615. Marie de Médicis, qui dirigeait le gouvernement du royaume, le remarqua ; Concini, le favori de la reine mère, confia au jeune évêque la direction des Affaires étrangères (1616). Les débuts de « monsieur de Luçon » furent délicats, car il hésitait entre la politique pro-espagnole et catholique menée par la reine mère et les choix internationaux favorables aux princes protestants qui étaient ceux de la France depuis le XVIe siècle. Surtout, l'assassinat de Concini, ordonné par le jeune roi Louis XIII, le 24 avril 1617, lui fit perdre ses fonctions ; il vit de près la colère populaire, mais demeura le grand aumônier et le plus proche conseiller de la reine mère, qui fut exilée à Blois. Après quelques années, Marie de Médicis se réconcilia avec son fils et obtint comme gage de cette réconciliation le chapeau de cardinal pour Richelieu (5 septembre 1622).

La guerre (qui fut dite « de Trente Ans ») avait commencé en 1618 et menaçait de s'étendre à l'Europe tout entière : face à cette crise majeure, Louis XIII manquait de collaborateurs capables de comprendre les événements. Marie de Médicis obtint, malgré les réticences du roi, que Richelieu fut appelé au Conseil (29 avril 1624), et peu à peu le Cardinal prit la direction du gouvernement. Il fallut néanmoins attendre 1629 pour qu'il fût déclaré « principal ministre de l'État ».

Le principal ministre de Louis XIII.

• De 1624 à 1642, la collaboration fut étroite entre Louis XIII, roi méfiant et soucieux de conserver toute son autorité, et Richelieu, dont la puissante intelligence dut en permanence trouver des arguments pour convaincre le monarque de la justesse de ses idées et de ses choix. Le Cardinal sut proposer au souverain une politique cohérente : à l'intérieur, l'affirmation de l'État royal signifia l'obéissance des sujets, la soumission de la noblesse rebelle, la fin de l'indépendance protestante ; à l'extérieur, il s'agissait de résister à la puissance des Habsbourg en Europe, de trouver des alliés pour le roi de France, de préparer des interventions en Italie et en Allemagne.

Malgré une santé qui fut toujours fragile et un tempérament souvent dépressif, Richelieu révéla, au cours des années, être d'une volonté de fer, n'hésitant pas à punir et à châtier, et il mit au service de Louis XIII une exceptionnelle capacité de travail, favorisée par un choix judicieux de secrétaires et de collaborateurs talentueux.

Pour renforcer l'État royal et pour asseoir sa propre position, le Cardinal fit en sorte que deux grands offices de la couronne n'eussent plus de titulaires : après la mort de Lesdiguières (1626), il n'y eut plus de connétable de France, et Richelieu remplaça l'amiral de France en devenant lui-même grand maître de la Navigation et du Commerce. Il encouragea la création de compagnies de commerce (Compagnie des Cent-Associés au Canada, Compagnie de Saint-Christophe aux Antilles), qui devaient contribuer à l'établissement de colonies ; il voulut assurer la défense des côtes en devenant gouverneur de Brouage, puis de La Rochelle, du Havre, de Brest, de Honfleur, contrôlant une bonne part de la façade de l'Atlantique et de la Manche ; il eut le souci de donner au royaume une marine et des ports.

La lutte contre les « ennemis intérieurs ».

• La noblesse avait l'habitude de fomenter des conspirations et de préparer des prises d'armes, au nom du « devoir de révolte » (Arlette Jouanna). Contre Richelieu, qui parlait et agissait avec fermeté au nom du roi, les intrigues ne manquèrent pas, et elles trouvaient un allié de poids en la personne de Gaston d'Orléans, frère du roi et héritier du royaume jusqu'en 1638. En mai 1626, Louis XIII fit arrêter le maréchal d'Ornano puis ses demi-frères, les Vendôme ; en août, le marquis de Chalais fut condamné à mort et exécuté. Comme les duels étaient une autre tradition de la noblesse, et que ces affrontements sanglants au nom du point d'honneur semblaient défier la monarchie, l'édit de février 1626 visa à punir ceux qui s'y livraient, et Louis XIII se montra inexorable en juin 1627 à l'égard de Montmorency-Bouteville, qui avait plus de vingt duels à son actif.

Le Cardinal voulut aussi mettre fin à l'indépendance politique des protestants. Les Anglais ayant débarqué sur l'île de Ré et les Rochelais semblant prêts à les aider, Louis XIII choisit de mettre le siège devant la ville, capitale du protestantisme français, et laissa bientôt Richelieu conduire les opérations comme lieutenant général des armées. La construction de la digue, proposée le 27 novembre 1627, permit d'affamer la ville, qui capitula le 28 octobre 1628. Cet éclatant succès, suivi d'une grande modération après la victoire, fut en grande partie attribué au Cardinal. Comme les villes protestantes du Languedoc se soulevaient sous la conduite du duc de Rohan, en 1629, Richelieu se chargea de les soumettre : l'édit d'Alès du 28 juin 1629 décida la destruction des fortifications, mais sauvegarda la liberté du culte protestant.

Guerres, complots et révoltes.

• Richelieu proposa surtout à Louis XIII une politique étrangère active en engageant le royaume dans une « guerre couverte » contre les Habsbourg. Cela conduisit à une intervention des troupes françaises en Italie du Nord en 1628 et en 1629. De tels choix affaiblirent la position du Cardinal en 1630 : en effet, sur les conseils de Richelieu, Louis XIII refusa de ratifier le traité qui avait été signé à Ratisbonne le 13 octobre, prévoyant le retrait de tous les belligérants d'Italie du Nord. Alors qu'une trêve avec les Espagnols était obtenue par Mazarin devant Casale, le 26 octobre, il apparaissait de plus en plus que la politique de Richelieu visait à prolonger la guerre contre les puissances catholiques et à maintenir l'aide aux puissances protestantes : il fallait donc poursuivre la politique autoritaire pratiquée à l'intérieur du royaume. La reine mère se fit alors l'interprète de toutes les oppositions et, le 11 novembre 1630, elle exigea le renvoi du principal ministre. Le Cardinal se croyait perdu, mais Louis XIII, qui lui avait fait dire de le rejoindre à Versailles, lui demanda de continuer à tenir « le timon des affaires ». Ce fut la « journée des dupes », selon l'expression d'un contemporain : les principaux adversaires de Richelieu furent écartés et emprisonnés et Marie de Médicis finit par quitter le royaume. En 1632 encore, le duc Henri II de Montmorency se dressa contre l'autorité du roi et de Richelieu, estimant que son lignage, le premier de France, avait été persécuté et humilié par le cardinal-ministre ; mais il fut vaincu, fait prisonnier, jugé, et exécuté le 30 octobre 1632.