Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Fronde (suite)

La désunion s'installa aussitôt parmi les frondeurs : Condé refusa de se déclarer régent ; le clergé parisien au service de Gondi s'opposa au parlement. Surtout, le 7 septembre 1651, Louis XIV fut déclaré majeur : la régence était terminée. Désormais, il n'était plus possible pour les frondeurs de s'autoriser d'un roi mineur pour lutter contre un ministre considéré comme dangereux.

Les rapports entre la reine et Condé, entre ce dernier et Gondi, s'aigrirent, et le prince décida de gagner son gouvernement de Guyenne. Gondi, en revanche, devait recevoir du pape le chapeau de cardinal, à la demande du roi de France, et prendre le nom de cardinal de Retz.

La Fronde « condéenne »

Condé avait sauté le pas : il s'agissait cette fois de la révolte personnelle d'un prince du sang. Il était favorable à un pouvoir royal fort, et ne souhaitait pas qu'il fût contrôlé par les états ou la noblesse. Mais il voulait guider le jeune roi à la place de la reine mère et de son conseiller italien. Il s'appuyait sur Bordeaux et la Guyenne, car le prince et ses amis frondeurs savaient rassembler dans leurs domaines ou leurs gouvernements des « clientèles » et des « parentèles », c'est-à-dire des groupes d'hommes qui leur étaient liés par tradition ou par parenté. Les frondeurs purent ainsi disposer de troupes, qu'ils payèrent en confisquant les revenus royaux dans les provinces révoltées. Le prince offrit même aux Espagnols une place sur la Gironde, Bourg-sur-Gironde, et négocia avec Philippe IV. La guerre civile commençait.

Le roi et la reine mère quittèrent Paris sans que les anciens frondeurs réagissent. Anne d'Autriche, approuvée par Mazarin, choisissait une politique de fermeté pour soumettre les révoltés. Pendant treize mois, Louis XIV allait suivre des campagnes, parfois très dures, loin de la capitale. Dès la fin de 1651, Condé subit ses premières défaites face à des troupes royales de valeur. Anne d'Autriche rappela alors Mazarin, qui avait recruté à ses frais une petite armée, et qui rejoignit le souverain à Poitiers en janvier 1652. Aussitôt, le parlement de Paris réagit en mettant à prix la tête du cardinal, mais la capitale, de nouveau révoltée, avait été désertée par le premier président Molé et le surintendant La Vieuville, suivis par une partie de l'administration judiciaire et financière. Gaston d'Orléans rejoignit le parti du soulèvement. À l'inverse, Turenne accepta le commandement de l'armée du roi - ce fut un atout majeur pour la cause royale. Les 6 et 7 avril 1652, lors de la bataille de Bléneau, il rétablit une situation compromise face à Condé, qui menaçait la cour et le roi. L'armée des princes n'en continuait pas moins le combat, recevant l'appui de Charles IV de Lorraine, dont les troupes pénétrèrent en France, se livrèrent au pillage, et terrifièrent la population de la région parisienne. Turenne obligea cependant Charles IV à reculer vers la Champagne.

En ce printemps de 1652, Paris fut la proie des émeutiers. Condé, mal reçu par les cours souveraines et par les autorités de la ville, ne pouvait compter que sur le petit peuple de la capitale. Les mazarinades se déchaînaient contre la reine mère, voire contre le roi. Les notables prirent peur. Les troupes de Condé et celles du roi, commandées par Turenne, tournaient autour de Paris. Le 1er et le 2 juillet, lors de la bataille du faubourg Saint-Antoine, la Grande Mademoiselle fit tourner les canons de la Bastille contre les troupes de son cousin Louis XIV, et sauva ainsi Condé, qui put se réfugier dans la ville. Le 4 juillet, Paris connut une journée sanglante, désignée par l'expression « terreur condéenne ». Des soldats habillés en civil, des hommes du petit peuple, des bourgeois extrémistes se répandirent dans la capitale, où l'Hôtel de Ville fut attaqué et incendié.

La lassitude était évidente. Mazarin eut alors l'habileté de s'éloigner une fois de plus, pour calmer les esprits. Condé quitta la France et se mit au service de l'Espagne. La monarchie semblait désormais seule garante d'un retour à la paix intérieure. Le 21 octobre 1652, Louis XIV faisait une entrée triomphale dans la capitale. Retz, toujours remuant, fut emprisonné sur ordre du jeune roi lui-même. Mazarin rentra le 3 février 1653 et fut acclamé à son tour.

Bordeaux s'était donnée à Condé. Un comité, dit « de l'Ormée » - il se réunissait sur une place plantée d'ormes - dirigea des émeutes contre le parlement, négocia avec Cromwell et avec les radicaux anglais, les « niveleurs », qui réclamaient une égalité sociale. Les décisions impitoyables qui furent prises dans Bordeaux étaient surtout dues à l'isolement de la ville, mais elles ont suggéré la comparaison avec une « Commune » révolutionnaire. Bordeaux tint jusqu'en juillet 1653.

Bilan : un mouvement plutôt rétrograde, une autorité royale renforcée

Aujourd'hui, les historiens pensent que la Fronde se prolongea après 1653, et que des soubresauts marquèrent les années suivantes, notamment à travers des réunions de gentilshommes décidés à exprimer leur mécontentement. Ce mouvement apparaît néanmoins comme un échec, puisqu'il ne fut pas suivi d'une rupture politique ou d'un bouleversement social. Il comporta certes des aspects révolutionnaires. Le gouvernement de la France fut remis en cause par le refus d'enregistrer les décisions royales, par la violence dans la rue, par des menaces à l'encontre de la famille royale, par les condamnations solennelles contre Mazarin.

Pendant la Fronde s'affirma aussi la volonté de contrôler la monarchie, à travers le programme rédigé par la Chambre Saint-Louis, et le dessein des princes, qui voulaient assumer le gouvernement. Ces mouvements politiques furent soutenus par une mobilisation et une coalition de forces sociales, d'abord parisiennes. La Fronde était menée par la noblesse de robe, dont le poids social reposait sur les pouvoirs des cours souveraines, et sur le monde judiciaire qui gravitait autour d'elles. Les bourgeois de Paris, inquiets des décisions fiscales de Mazarin, ne pouvaient que suivre les grands robins. Quant au peuple de Paris, sensible aux crises économiques, il était un soutien naturel, d'autant plus qu'il était mobilisé par les curés qui dépendaient de l'archevêché où Retz était coadjuteur. L'extension de l'agitation dans les provinces fut surtout le fait de la noblesse. Mais nombre de villes imitèrent également Paris.