Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Pereire (suite)

Dans les années 1860, les Pereire sont au faîte de leur puissance : ils assurent le succès des emprunts des guerres de Crimée, d'Italie et du Mexique ; ils poussent à la signature du traité de libre échange avec l'Angleterre. Mais leur position est fragile, liée à la circulation ininterrompue des capitaux. De plus, au gouvernement, la réduction des dépenses est à l'ordre du jour. Faute d'obtenir le droit d'émettre des obligations puis des billets de banque - via la Banque de Savoie, qu'ils ont rachetée -, les deux frères ne peuvent plus financer leurs projets. En 1867, une rumeur sur la mauvaise santé de leurs affaires provoque une chute du titre du Crédit mobilier ; la faillite s'ensuit. Les Pereire doivent alors démissionner et perdent en 1869 leurs mandats de députés. Jusqu'à leur mort, ils n'auront plus d'influence sur la vie économique du pays. Mais leur rôle a été décisif : le Crédit mobilier a conduit les détenteurs de capitaux à financer les entreprises industrielles.

Père-Lachaise (cimetière du),

appelé anciennement cimetière de l'Est. Situé sur l'ancienne résidence d'été des jésuites où le Père de La Chaise, confesseur de Louis XIV, avait sa maison, il est l'un des trois cimetières généraux parisiens « hors les murs » - avec ceux de Montmartre et Montparnasse - dont l'établissement avait été envisagé sous l'Ancien Régime pour répondre à l'insalubrité des cimetières paroissiaux.

Son inauguration, en 1804, coïncide avec la publication du décret du 23 prairial an XII qui met fin au régime millénaire des traditions funéraires : le cimetière extra-urbain remplace le sanctuaire apud ecclesiam ; d'exceptionnelle, la sépulture particulière devient la règle commune ; la forme du jardin s'impose ; l'administration du cimetière est confiée à l'autorité municipale.

Si elle répond d'abord à une préoccupation hygiéniste et rationaliste, cette réglementation exprime surtout une laïcisation des funérailles et un nouveau rapport entre les vivants et les morts, dont le cimetière du Père-Lachaise, dès sa fondation, constitue le modèle. Ses promoteurs, le préfet de la Seine Frochot et l'architecte Brongniart, lui assignent une triple fonction : galerie des morts illustres (Molière, La Fontaine, Beaumarchais y sont transférés dès 1817), espace scénographique du souvenir, et parc-promenade. Bien que l'extension de la ville ait fini par englober le cimetière « hors les murs » dans l'espace urbain (1859), le Père-Lachaise est d'abord un musée-jardin conforme à l'esthétique des ruines chère au XVIIIe siècle. Cependant, son rapide succès auprès de la haute société transforme dès 1823 le parc à l'anglaise primitif de 17 hectares en vaste glyptothèque de 44 hectares, où rivalisent les styles égyptien, romain, gothique et la forme chapelle. Consacré à la religion laïque du souvenir, il n'en échappe pas moins aux turbulences politiques du XIXe siècle : lieu de ralliement des libéraux en 1820, de protestation lors de funérailles patriotiques (celles de Victor Noir, en 1870), il sert de dernier bastion aux fédérés durant les combats de mai 1871 (147 d'entre eux, acculés contre le mur est, y sont fusillés, et plus de mille inhumés sur place). Mais ce haut lieu du martyrologe communard est aussi un gotha minéralisé : depuis sa création, il accueille la plupart des gloires durables ou éphémères de l'art, de la politique et du spectacle. Aussi, sa visite, offerte dès 1836 à la curiosité par une brochure touristique, appelle-t-elle autant la contemplation d'une théâtralité funéraire qu'une lecture plurielle : celle des archives d'une histoire intime et collective, celle de la généalogie d'une sensibilité, ou encore - Rastignac ne s'y était pas trompé - celle de l'envers de la comédie humaine.

Perier (Casimir),

banquier et homme politique (Grenoble 1777 - Paris 1832).

Après avoir combattu avec l'armée d'Italie (1795), Casimir Perier regagne le cercle familial pour se lancer dans de fructueuses activités bancaires en association avec son frère Scipion. Gestionnaire rigoureux, spéculateur habile, il devient régent de la Banque de France. Élu député de Paris en 1817, il se range dans le camp des partisans d'une véritable monarchie constitutionnelle. C'est dans les débats financiers qu'il se fait le plus vite remarquer et ses adversaires redoutent son esprit vif et caustique. Député de Troyes en 1827 - il le restera jusqu'à sa mort -, il anime l'opposition à Charles X et à Polignac. Il se déclare hostile à l'usage de la violence mais il prend fait et cause pour les insurgés en juillet 1830 ; puis il participe à la fondation du régime en soutenant le duc d'Orléans. Président de la Chambre, ministre sans portefeuille d'août à novembre 1830, il devient président du Conseil et ministre de l'Intérieur en mars 1831. Tout comme Guizot, il considère que la révolution appartient à un passé révolu. Il encourage l'intervention d'une bourgeoisie avide d'ordre dans la vie civique, s'en prend aux associations et aux organes de presse qui, selon lui, sapent l'édifice politique et social, réprime fermement la révolte lyonnaise des canuts de novembre 1831. En permettant à la France de retrouver une place dans les relations internationales, cette stabilisation intérieure doit garantir la paix en Europe. Casimir Perier se montre pourtant intraitable avec ses voisins : en février 1832 il ordonne une expédition militaire à Ancône.

L'homme est déterminé, autoritaire, ombrageux. Il ne souffre pas qu'on empiète sur ses prérogatives. Louis-Philippe lui-même l'apprend à ses dépens : son fils, le duc d'Orléans, n'est plus autorisé à assister aux Conseils des ministres, qui ne se tiennent plus aux Tuileries. Haï des oppositions, mal aimé à la cour, il se fait d'implacables ennemis au Parlement, où ses façons brusques indisposent et froissent. Chacun s'accorde pourtant à reconnaître l'efficacité de son action, secondée par le préfet de police Gisquet. Mais l'ampleur de sa charge l'épuise ; au printemps 1832, il succombe aux attaques du choléra qui décime la population parisienne. Un monument est édifié à sa mémoire au cimetière du Père-Lachaise.