Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
A

aristocrate,

membre de la classe noble, selon une terminologie péjorative apparue à la veille de la Révolution ; puis, par extension, contre-révolutionnaire réel ou supposé.

Très répandu dans les milieux populaires, le terme « aristocrate » acquiert, avec la Révolution, une signification à la fois sociale et politique. Il est, le plus souvent, associé à l'idée - ancienne - de complot : complot de l'entourage du roi et des privilégiés pour tenter un coup de force et confisquer le pouvoir politique, dont la crainte est responsable de la Grande Peur de l'été 1789, mais aussi de la prise de la Bastille le 14 juillet. Les monarchistes réfutent l'épithète, insistant sur le sens étymologique du terme aristocratie (« gouvernement des meilleurs »), tandis que les patriotes développent une image de l'aristocrate partisan de l'Ancien Régime et de ses abus, adversaire des droits de l'homme et de la Constitution, ennemi à abattre. C'est durant cette année 1789 qu'émerge un discours de liberté : le grand nombre doit l'emporter sur la minorité ; le gouvernement de tous (la nation) est opposé au gouvernement de quelques-uns (les privilégiés), et les démocrates aux aristocrates. En 1791, Robespierre définit l'aristocratie comme « l'état où une portion des citoyens est souveraine et le reste sujets ».

Le mot « aristocrate » devient ainsi un instrument idéologique permettant de discréditer ou de neutraliser les opposants politiques, et revêt, au fil des ans et de la radicalisation de la Révolution, un sens toujours plus étendu. On parle, dès 1789, d'aristocratie municipale, militaire, bourgeoise, ou encore, avec le régime censitaire, d'aristocratie de l'argent. Dans la mentalité populaire, l'aristocrate, promis « à la lanterne », noble ou non, toujours soupçonné de desseins tyranniques, est membre de tout groupe dominant dans la hiérarchie sociale. Injure lancée à la tête de celui qui abuse de son autorité, de l'arrogant ou du supérieur hiérarchique, ce terme finit par désigner tout ennemi avéré ou potentiel de la Révolution. Sont ainsi aristocrates, ou suspectés d'aristocratie, les royalistes, les nobles, les prêtres, puis les adversaires des sans-culottes, parmi lesquels figurent les spéculateurs, les fermiers, les marchands et les commerçants « accapareurs », accusés de vouloir affamer le peuple. Après la Révolution, le terme ne désigne plus que les membres de la noblesse, d'où la dénomination d'« aristo », apparue en 1848 et toujours en usage au XXe siècle.

Arles (royaume d'),

ensemble de territoires délimités par les Alpes, le Rhône et la Méditerranée, qui forment un royaume entre la fin du IXe et le milieu du XIIIe siècle.

Après l'élection de Boson de Vienne comme roi de Provence et de Bourgogne, en 879, un premier royaume, strictement provençal, est constitué par son fils dans les premières années du Xe siècle, grâce à l'énergie du comte d'Arles, Hugues, qui y exerce une régence permanente. L'ambition de celui-ci le pousse cependant à rechercher la couronne d'Italie et, en 933, il cède ses droits sur le royaume de Provence au roi Rodolphe II de Bourgogne, qui possède déjà les territoires au nord de Lyon et étend ainsi sa domination du Jura jusqu'à la Méditerranée : c'est la naissance du « royaume d'Arles et de Vienne ». Dès la mort de Rodolphe II, en 937, ce royaume passe sous le contrôle de l'Empire germanique, mais ce n'est qu'en 1032 qu'il échoit à l'empereur Conrad II, officiellement reconnu par une assemblée de grands du royaume à la diète de Soleure en 1038. Cependant, les souverains germaniques ne possèdent ni biens ni administration sur ce territoire où ils ne résident jamais. Ce sont les comtes les plus puissants, ceux d'Arles et d'Avignon au XIe siècle, qui exercent la réalité du pouvoir.

À partir de 1125, les premières familles comtales ayant disparu, deux grandes dynasties extérieures à la Provence s'efforcent de rassembler comtés et seigneuries pour parvenir à constituer un État cohérent : la famille des comtes de Toulouse, vassaux du roi de France, est surtout influente entre la Durance et l'Isère, tandis que la famille des comtes de Barcelone, vassaux du roi d'Aragon, est essentiellement active au sud de la Durance. Mais, au-dessus de ces princes, l'empereur Frédéric Ier Barberousse entend maintenir sa souveraineté sur la région et le signifie avec éclat en se faisant couronner des mains de l'archevêque dans l'église Saint-Trophime d'Arles en 1178.

Barberousse est l'empereur qui s'est le plus préoccupé du royaume d'Arles, essayant de conforter son pouvoir en s'appuyant sur les églises épiscopales, auxquelles il octroya de nombreux privilèges, et dotant le royaume d'un embryon d'administration. Cette époque constitue le point culminant dans l'histoire du royaume d'Arles. Mais la décadence de l'Empire germanique laisse les mains libres au roi de France pour pousser ses avantages dans cette région : ainsi, Charles d'Anjou, frère de Saint Louis, hérite par son mariage de la Provence en 1246 et met fin, dès 1251, à l'autonomie du royaume.

Armagnac (Bernard VII, comte d'),

chef du parti armagnac à partir de 1410 (vers 1360 -  Paris 1418).

Deuxième fils du comte Jean II d'Armagnac et de Jeanne de Périgord, Bernard d'Armagnac est un guerrier, né pendant la guerre de Cent Ans au cœur géographique du conflit, la Guyenne. Alliée à la famille d'Albret, la famille d'Armagnac prit parti pour le roi de France contre les prétentions anglaises. Avec son père et son frère, Bernard lutte contre les Anglais, puis contre les compagnies de « routiers » qui ravagent le pays pendant les trêves. Il devient comte d'Armagnac en 1391.

Dans la guerre civile qui oppose le duc d'Orléans au duc de Bourgogne, il adopte clairement les intérêts du parti antibourguignon. En effet, en 1393, il a épousé Bonne, fille du duc de Berry, et se trouve lié à la famille Visconti dont est issue la duchesse Valentine, veuve du duc d'Orléans assassiné en 1407. Il prend définitivement parti en 1410, lorsque sa fille Bonne épouse le jeune duc Charles d'Orléans ; c'est à ce moment que le parti d'Orléans devient, jusqu'à la fin de la guerre civile, le parti d'Armagnac. Le comte en prend la tête, réprime en 1413 le mouvement cabochien à Paris, et investit la capitale, où il exerce une dictature peu appréciée. Connétable et chef du gouvernement du dauphin en 1415, il meurt le 12 juin 1418 au cours des massacres qui suivent l'entrée des Bourguignons dans Paris. Après sa mort, Bourguignons et Anglais continuent d'appeler « Armagnacs » les partisans du dauphin, devenu le roi Charles VII en 1422.