Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Libération, (suite)

De Gaulle, la Résistance et le débarquement.

• De Gaulle, président du Comité français de libération nationale (CFLN), entend prendre en main les destinées de la France, une fois celle-ci libérée. Il se heurte à l'hostilité des Américains, qui refusent de reconnaître le CFLN et envisagent d'installer en France un gouvernement militaire allié pour les territoires occupés (AMGOT). Pour couper court à ces projets, de Gaulle crée, dès novembre 1943, un Comité d'action en France au sein duquel un « Bloc planning » est chargé de coordonner l'action de la Résistance en vue du débarquement.

Tenu dans l'ignorance des plans alliés, le Bloc doit travailler à partir d'hypothèses. Fidèle à la politique du CFLN, il entend utiliser la Résistance pour des actions de renseignement et de sabotage avant le débarquement, et de harcèlement après le jour « J ». En mai 1944, une série de plans est ainsi adoptée : plan vert pour les chemins de fer, plan bleu pour les lignes électriques, plan violet pour celles des PTT et plan bibendum pour les routes. Entorse à ce schéma prudent, le plan Caïman prévoit, dans les massifs montagneux, la formation d'importants maquis, susceptibles de créer des « réduits » où le CFLN pourrait s'installer et prouver aux Alliés sa légitimité et sa capacité à libérer seul des parcelles de territoire. Enfin, le CFLN, qui se transforme en Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) le 3 juin 1944, planifie, par une imposante série d'ordonnances, les modalités de son installation en France.

Au printemps 1944, la Résistance présente un tableau contrasté. Théoriquement, ses effectifs militaires ont été regroupés, en février 1944, dans les Forces françaises de l'intérieur (FFI). Mais les Francs-tireurs et partisans ( FTP) communistes conservent leur autonomie et les combattants de l'Organisation de résistance de l'armée (ORA) sont mal acceptés. Surtout, la résistance demeure divisée entre partisans de « l'attentisme » (engagement des forces militaires le jour « J » et dans le cadre des plans alliés) et partisans de « l'action immédiate » (engagement avant le débarquement). À cette divergence d'ordre militaire s'ajoute une fracture politique : les communistes, champions de « l'activisme », ainsi qu'une majorité des résistants de l'intérieur défendent, contre le CFLN, le principe du commandement des FFI depuis la France. À cet effet, le Conseil national de la Résistance (CNR) crée un comité militaire (le COMAC) et un état-major FFI. À l'inverse, de Gaulle, pour des raisons qui tiennent à l'efficacité militaire et au calcul politique (éviter l'anarchie susceptible de fournir des arguments aux Américains pour imposer l'AMGOT), souhaite contrôler les forces militaires de la Résistance. En avril 1944, le général Kœnig, à Londres, est nommé commandant en chef des FFI. Il s'appuie sur les délégués militaires régionaux et le délégué militaire national (Chaban-Delmas). Ces derniers, nommés par le CFLN, n'exercent pas le commandement des FFI, mais leur transmettent les ordres de Londres et, seuls détenteurs des postes radio, peuvent obtenir les parachutages d'armes et d'argent. Sur le plan civil, la Délégation générale de Parodi représente en France le CFLN.

Malgré leurs réticences à l'égard de la lutte clandestine, les Alliés ordonnent, le 6 juin 1944, la mise au combat de l'ensemble des forces de la Résistance, dans l'intention manifeste de brouiller les pistes. Cet ordre général révèle la faiblesse de l'armement de la Résistance qui, en maints endroits, subit de lourdes pertes. Si Limoges est assiégée, puis libérée par les FFI, dans le Sud-Est, l'Ardèche, d'abord libérée par la Résistance, est reconquise par les Allemands après le 19 juin. En outre, les troupes allemandes, constamment attaquées, répliquent parfois avec sauvagerie ; ainsi la division Das Reich, responsable du massacre d'Oradour-sur-Glane (10 juin). Enfin, au mont Mouchet, les troupes de la Résistance sont dispersées par les Allemands (10 juin), tandis que, dans le massif du Vercors, les maquisards, insuffisamment appuyés et armés, sont massacrés à la fin du mois de juillet. Dès le 10 juin, Kœnig a d'ailleurs ordonné l'arrêt de l'insurrection générale, sauf dans le Vercors. En revanche, l'application des plans de sabotage est satisfaisante et contribue à perturber la marche des armées allemandes pendant la bataille de Normandie.

Les dissensions politiques au sein de la Résistance apparaissent lors de la libération de Paris. Les communistes, qui contrôlent le Comité parisien de Libération, militent pour une insurrection rapide contre laquelle tentent de s'élever Parodi et Chaban-Delmas. Mais les événements se précipitent : des grèves éclatent dès le 10 août chez les cheminots, les postiers, les policiers. Une trêve est vite repoussée et, le 22 août, Paris se couvre de barricades. Cependant, faute d'armes lourdes, l'insurrection court le risque d'être écrasée par les troupes de von Choltitz. De Gaulle presse alors les Américains d'autoriser la 2e DB de Leclerc à intervenir. Les 24 et 25 août, Paris est libéré et, le 26, de Gaulle descend triomphalement les Champs-Élysées, signifiant ainsi sa légitimité aux yeux de tous.

Le débarquement de Provence et les combats de l'automne 1944.

• Le 15 août 1944, les Alliés procèdent à un second débarquement sur les plages provençales. La Ire armée française et ses 260 000 hommes fournissent la moitié des effectifs de l'opération. Le débarquement est un succès complet, facilité par la retraite de la XIXe armée allemande. Marseille est prise dès le 28 août, et les Alliés entreprennent alors la libération de tout le sud de la France. Par la route Napoléon, les Américains s'engagent vers Grenoble (libérée le 22 août), alors que le général de Lattre de Tassigny gagne la vallée du Rhône (Lyon est libéré le 3 septembre). La Résistance participe activement à ces combats. À la suite de la retraite allemande, des régions entières (Cévennes, bas Languedoc, Alpes du Sud, Pyrénées) se soulèvent et sont libérées par la Résistance qui, partout, facilite l'installation des organes du GPRF et assure les arrières des troupes alliées. Ailleurs, la Résistance joue un rôle militaire non négligeable, facilitant (comme à Montélimar) l'avancée des Alliés.