Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
P

Philippe II Auguste, (suite)

La conquête des fiefs anglais.

• Bien que Richard ait désigné pour successeur son cadet Jean sans Terre, Philippe Auguste prend le parti de leur neveu, Arthur de Bretagne. Après une guerre d'escarmouches, il conclut avec Jean sans Terre la paix du Goulet (22 mai 1200), par laquelle Jean se reconnaît vassal du roi de France. D'un point de vue territorial, la paix est avantageuse pour ce dernier : si la Normandie et la suzeraineté de Bretagne restent aux Plantagenêts, Jean sans Terre cède Évreux, une partie du Vexin normand, Issoudun, la suzeraineté de l'Auvergne et du Berry, et marie sa nièce Blanche de Castille à Louis de France, fils du roi. Peu de temps après, Jean sans Terre enlève la fille du comte d'Angoulême, Isabelle, fiancée d'Hugues de Lusignan, comte de la Marche. L'affaire est portée devant la cour du roi de France, qui condamne Jean sans Terre pour félonie le 28 avril 1202. Jean perd tous ses droits sur ses fiefs français. Philippe, qui trouve là une excellente occasion d'agir en toute légalité, se hâte d'exécuter la sentence. Commence alors une nouvelle guerre, durant laquelle Jean ira de désastre en désastre. Il perd la Normandie (prise de Château-Gaillard, 6 mars 1204), puis le Maine, l'Anjou, la Touraine, la Saintonge et le Poitou. En 1208, il ne possède plus en France que la Guyenne. Il parvient néanmoins à susciter une coalition contre Philippe Auguste. Y participent Ferrand de Portugal, comte de Flandre, Renaud de Dammartin, comte de Boulogne, le comte de Hainaut et l'empereur Otton IV. Jean sans Terre assiège la Roche-aux-Moines, près d'Angers, mais son armée se disperse sans combat à l'arrivée des renforts commandés par Louis de France (2 juillet 1214). Quelques jours plus tard, le 27 juillet, Philippe Auguste remporte à Bouvines une victoire complète contre les alliés de Jean sans Terre. Outre qu'elle règle un conflit ancestral entre Capétiens et Plantagenêts, cette victoire, qu'on a pu considérer comme la première grande manifestation du sentiment national en France, témoigne de la force d'un pouvoir monarchique auquel rien ne semble plus en mesure de résister.

Le gouvernement du royaume.

• Philippe Auguste accompagne sa politique d'agrandissement du domaine royal par une centralisation croissante du gouvernement. Soucieux d'affaiblir les féodaux, il fait prévaloir sa volonté dans les fiefs importants : le procédé du pariage est une formule contractuelle qui permet d'associer les fonctionnaires royaux à ceux du fief et d'étendre les moyens de contrôle de l'État. Sous son impulsion, l'administration à la fois rudimentaire et lacunaire du royaume se transforme en appareil de services publics hiérarchisés, dotés d'une réelle efficacité. Durant les règnes précédents, les cadres étaient constitués seulement par les prévôts, agents roturiers sans traitement, qui avaient la fâcheuse propension à tirer des bénéfices substantiels d'un office le plus souvent transmis par voie héréditaire ou acheté aux enchères. Au-dessus d'eux, Philippe Auguste institue les baillis : choisis dans la noblesse, ces fonctionnaires royaux - salariés et révocables à tout moment - disposent de compétences importantes en matière de finances, de justice et de police, et administrent un nombre variable de prévôtés. Il les fait même inspecter par des enquêteurs choisis dans son conseil. Une véritable structure centralisée se met ainsi en place, régie par le principe selon lequel « chacun tient du roi, le roi ne tient de personne ». En matière de finances, la fiscalité reste très lourde tout au long du règne, et le pouvoir ne recule pas devant l'exaction ou les mesures spoliatrices. Cette pression fiscale s'explique, au premier chef, par les nécessités de la guerre : Philippe Auguste tient à entretenir une armée soldée - ce qui lui permet de recourir le moins possible aux levées féodales - et à édifier de puissants châteaux (Dourdan, Gisors, Issoudun). Après avoir été pressurés, les juifs sont soumis en 1198 à des taxes qui relèvent d'une volonté d'exploitation forcenée. Face à l'Église, Philippe Auguste use sans cesse d'impôts extraordinaires, même s'il doit renoncer, avant la croisade de 1188, à la « dîme saladine » exorbitante qu'il exige. Il ne parvient pas, malgré des tentatives récurrentes, à établir des impôts permanents. Esprit lucide et doué d'anticipation, Philippe Auguste a perçu le dynamisme commercial et la puissance croissante de la bourgeoisie, qu'il n'a pas manqué de favoriser. Il fait participer les notables urbains aux assemblées des barons et des évêques, choisit ses conseillers parmi des hommes d'extraction modeste, reconnus pour leurs compétences, confirme ou crée des chartes de communes ou de villes libres, moyen supplémentaire d'affaiblir les féodalités locales. Sous son règne, la cour se fixe à Paris, qui s'embellit, s'agrandit, et prend des allures de capitale : les rues sont pavées, la ville est ceinturée d'une muraille continue, renforcée de trente-quatre tours rondes sur la rive gauche, et de trente-trois sur la rive droite. Ce règne de quarante-trois ans est incontestablement celui d'un éminent homme d'État. Doté d'un remarquable sens politique, Philippe Auguste renouvelle les méthodes de gouvernement et assure la diffusion de l'autorité monarchique dans tout le royaume.

Philippe II le Hardi,

duc de Bourgogne de 1363 à 1404, fondateur de l'État burgondo-flamand (Pontoise 1342 - Hal, Brabant, 1404).

Quatrième fils du roi de France Jean II le Bon et de Bonne de Luxembourg, Philippe reçoit de son père le duché de Bourgogne (1363), puis, grâce à l'appui de son frère, le roi Charles V, il épouse Marguerite de Male (1369), fille et héritière du comte de Flandre. À la mort de celui-ci en 1384, Philippe obtient, outre la Flandre, les comtés d'Artois, de Réthel, de Bourgogne et de Nevers : ses territoires s'étendent désormais du Rhône à la mer du Nord, et constituent le fondement de l'État bourguignon. Dès lors, Philippe apparaît comme l'un des plus grands princes du royaume. Soucieux de bon gouvernement, il dote ses États d'une administration - et notamment de chambres des comptes - inspirée du modèle royal. Prince chevalier, il envoie son fils, Jean sans Peur, en croisade dans les Balkans, en 1396. Grand mécène, il passe commande à Claus Sluter, aux frères Limbourg ou à Christine de Pisan. Sa grande piété, et notamment sa dévotion particulière envers saint Bruno, le conduit à confier aux chartreux l'église funéraire de son lignage, à Champmol, près de Dijon.