Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Révolution française (suite)

Le 20 avril 1792, le roi et l'Assemblée déclarent, pour des raisons opposées, la guerre au « roi de Bohème et de Hongrie » François II, qui est aussitôt après élu à la tête du Saint Empire, et qui est allié du roi de Prusse. Les armées françaises connaissent immédiatement des défaites, applaudies par les contre-révolutionnaires, tandis que les révolutionnaires crient à la trahison. Or, un élan patriotique pousse de nombreux jeunes gens à s'enrôler, unissant la Révolution à l'armée nationale, ce qu'illustre le succès du Chant de guerre pour l'armée du Rhin (appelé rapidement la Marseillaise). Face à l'avance des armées étrangères, la détermination du gouvernement se renforce, qui décrète la déportation des prêtres réfractaires (27 mai) et la constitution, sous les murs de Paris, d'un camp de volontaires (8 juin). Le roi oppose alors son veto à ces décrets et congédie des ministres brissotins (Roland, Servan, Clavière), qu'il remplace par des feuillants. En réaction, les sans-culottes envahissent le palais des Tuileries le 20 juin. Acculé par la foule, Louis XVI coiffe le bonnet phrygien et « boit à la santé de la nation », mais ne fléchit pas. Le conflit est devenu insoluble.

L'affrontement est inévitable, tandis qu'un coup de force en faveur du roi, tenté par La Fayette, échoue en juillet. Les Tuileries, où le roi s'entoure d'une garde dévouée, sont attaquées dans la nuit du 9 au 10 août 1792 par les sans-culottes dirigés par le comité dit « de l'Évêché », qui demeure toujours mal connu des historiens. Le coup d'État réussit au terme d'un bain de sang, les gardes suisses ayant été massacrés. Le roi est suspendu, emprisonné au Temple avec sa famille, et la convocation d'une nouvelle assemblée - la Convention - est décrétée. Cet épisode témoigne de la défaite des courants - souvent rivaux - opposés à la Révolution, qui ont pratiqué la politique du pire et participé à la radicalisation des opinions en ne soutenant pas les tentatives des modérés pour asseoir le nouveau régime. Longtemps négligée par l'historiographie, la Contre-Révolution est aujourd'hui, perçue, et de plus en plus, comme un ensemble disparate de forces, de réseaux et de journaux sans réelle unité.

Dans l'immédiat, le trône est vide et la Révolution, relancée. L'Assemblée a perdu tout pouvoir, la Commune insurrectionnelle de Paris siège en permanence ; dans les villes, comités de surveillance et sociétés populaires s'arrogent le droit de contrôler l'administration, de surveiller les populations et de traquer les « traîtres », notamment les prêtres réfractaires. Entre le 2 et le 6 septembre, à Paris et à Orléans, les « fédérés » et des sans-culottes massacrent plus d'un millier de prisonniers - prêtres réfractaires et « suspects » (parmi lesquels la princesse de Lamballe) -, sans que les autorités n'interviennent. Encore objets d'âpres débats, ces massacres ont été causés par la peur suscitée par l'avancée ennemie et ont été réclamés par les extrémistes ; ils expriment autant des habitudes de violence que des calculs politiques. Ils provoquent d'emblée une réaction de rejet, si bien que les révolutionnaires les plus légalistes, les girondins (appelés alors « brissotins »), prennent le contrôle de la Convention, aidés par la victoire inespérée obtenue par l'armée française au moulin de Valmy, le 20 septembre. Ces massacres ne doivent pas être considérés comme l'expression ordinaire de la Révolution ; cependant, ils représentent un tournant important, confirmant que la violence populaire la plus archaïque est alors utilisée pour conforter les calculs politiques des dirigeants, qui ont évité de s'engager publiquement à leur propos. Ils achèvent de diviser l'opinion, tandis que nombre d'étrangers jusque-là favorables à la Révolution s'en détournent.

L'impossible arrêt de la Révolution

Dès sa première séance, le 21 septembre 1792, la Convention abolit la royauté, et, le lendemain, décide de dater désormais les actes publics de « l'an I de la République ». Les tâches de la nouvelle Assemblée se révèlent considérables et contradictoires. Elle doit définir les orientations politiques du nouveau régime et combattre la Contre-Révolution, à l'intérieur comme à l'extérieur, alors que la majorité du peuple s'installe dans une position attentiste et que les forces révolutionnaires se déchirent. Dans ce contexte, les girondins, au pouvoir, sont situés dans une position conservatrice, face aux montagnards et aux sans-culottes, désireux de prolonger la Révolution. Le procès intenté au roi participe de ces rivalités. Après un mois de débats, conduits par les montagnards qui veulent empêcher tout retour en arrière, la peine de mort est votée à quelques voix de majorité et appliquée, le 21 janvier 1793. La mort du roi sert peu la Révolution, davantage la Contre-Révolution, qui fait aussitôt de Louis XVI un martyr. Elle déconsidère les girondins, qui se sont révélés peu habiles au cours du procès, et pousse le gouvernement anglais à entrer en guerre contre la France, aux côtés des puissances continentales.

Pour faire face aux menaces extérieures, le 24 février 1793, la Convention adopte le décret qui organise la « levée de 300 000 hommes » sous la surveillance de députés envoyés dans les départements. Cette réquisition de jeunes gens (souvent effectuée par tirage au sort) provoque des soulèvements : en Bretagne, en Alsace, dans le Massif central, et au sud de la Loire, où les insurgés prennent le contrôle de plusieurs villes (Machecoul, Clisson, Mortagne, Saint-Florent-le-Vieil...) et battent, le 19 mars, des troupes républicaines venues de La Rochelle. Cette victoire permet aux insurgés de s'organiser en « armées catholiques et royales », protagonistes essentiels de ce qui va être la guerre dite « de Vendée ». Il paraît vain de chercher l'explication de cette guerre civile dans l'unité respective des camps révolutionnaire et contre-révolutionnaire, comme de nombreux historiens l'ont fait, prolongeant jusqu'au XXe siècle les divisions idéologiques entre une « gauche » jacobine et une « droite » catholique. La guerre de Vendée est d'abord le résultat conjoncturel des luttes antérieures. Elle est rendue possible par le succès imprévu du 19 mars, et elle est ensuite alimentée en grande partie par les rivalités politiques de toutes les factions - girondines, montagnardes, sans-culottes -, qui profitent de cette occasion pour défendre leurs propres intérêts.