Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Louis XIV (suite)

• C'est aussi dans un esprit de modération que se déroulèrent les négociations pour mettre fin à la guerre de la Ligue d'Augsbourg. Louis XIV accepta de reconnaître Guillaume III comme roi d'Angleterre et d'abandonner les terres annexées lors des « réunions », à l'exception de Strasbourg. Il est vrai que cette modération s'explique par la proximité de la mort du roi d'Espagne, Charles II, qui n'avait pas de descendance directe. En raison des liens familiaux entre les maisons souveraines, de nombreux princes pouvaient prétendre à la succession espagnole ; parmi eux, les princes de la maison de France ainsi que l'empereur et ses fils. L'enjeu était de taille, puisque l'empire espagnol était immense : Louis XIV et Guillaume III préparèrent des solutions diplomatiques qui en prévoyaient le partage. Mais les Espagnols n'acceptaient pas de voir cet empire disloqué par le soin d'autres puissances européennes, et Charles II fit un testament qui désignait comme successeur le petit-fils cadet de Louis XIV, le duc d'Anjou, car le roi de France était le seul à pouvoir maintenir l'intégrité de cet ensemble de territoires. Après des discussions au Conseil d'en haut, Louis XIV accepta ce testament, le 16 novembre 1700. Un Bourbon, Philippe V, s'en allait pour régner en Espagne.

La succession d'Espagne et la succession de France.

• Une telle décision entraîna une nouvelle guerre, dite « de la Succession d'Espagne ». Les puissances maritimes, Angleterre et Provinces-Unies, qui voulaient faire main basse sur le commerce espagnol avec les colonies américaines, se dressaient contre ce nouvel ordre international ; l'empereur intervenait au nom de ses droits à la couronne d'Espagne, et une « grande alliance » se forma contre le roi de France et son petit-fils. Bien sûr, l'encerclement de la France par les possessions de la maison de Habsbourg avait disparu. Néanmoins, pour une grande part, la monarchie française dut contribuer à défendre les possessions espagnoles face à ses ennemis. Après quelques années incertaines, des pans entiers de l'empire espagnol tombèrent aux mains des alliés, et la péninsule Ibérique elle-même était en partie occupée. Les armées de Louis XIV subirent de rudes défaites ; Lille tomba en 1708. Louis XIV voulut alors négocier. Il accepta que Philippe V abandonnât son trône de Madrid, mais refusa de chasser lui-même son petit-fils. Or le vent tournait. Les Espagnols s'étaient montrés fidèles au prince français ; les alliés rencontraient des difficultés en Espagne ; la défaite des Bourbons n'était pas totale, puisqu'ils trouvaient des moyens de continuer la guerre, malgré le terrible hiver de 1709, qui frappa durement les Français. Surtout, ce long conflit conduisit à un effritement de la coalition contre les Bourbons : l'Angleterre se déclara prête à négocier, à la fin de 1710.

Au moment où s'imposait l'idée que Philippe V resterait roi d'Espagne tout en perdant une bonne part de son empire, en Italie par exemple, Louis XIV vit la mort décimer sa famille, et sa propre succession devint incertaine. Son fils, l'aîné de ses petits-fils, l'aîné de ses arrière-petits-fils, moururent en 1711 et 1712. Philippe V « se rapprochait » de la couronne ou d'une éventuelle régence, et avec lui renaissait le spectre, inquiétant pour l'Europe, d'une union de l'Espagne et de la France. Néanmoins, après une victoire française inattendue en 1712, et des renonciations solennelles imposées aux Bourbons par la diplomatie anglaise pour garantir la séparation des deux royaumes, la paix fut signée à Utrecht en 1713, puis à Rastadt en 1714.

Malgré les deuils, le roi conserva longtemps sa vitalité. Il multiplia les précautions pour préparer le règne de son successeur, un arrière-petit-fils né en 1710. Il continua à travailler avec constance, et la maladie lui laissa encore le temps et l'énergie de prendre congé de ses proches et de ses courtisans, non sans majesté. Il aurait alors dit à ces derniers : « Je m'en vais, mais l'État durera toujours.[...] J'espère aussi que vous ferez votre devoir et que vous vous souviendrez quelquefois de moi. » Il mourut le 1er septembre 1715.

Le relief que Louis XIV donna à la fonction royale, l'ampleur des réalisations, en particulier artistiques, sous son règne, l'administration qui se mit en place et les ressources qu'elle sut tirer du royaume, enfin l'extension du territoire, suscitèrent l'admiration des princes du XVIIIe siècle, qui cherchèrent souvent à imiter le roi de France. En revanche, certains traits nouveaux de la monarchie- une autorité royale plus marquée et plus contraignante, une étroite surveillance de la société, un effacement politique des élites traditionnelles - furent peu à peu moins bien acceptés par les Français, qui explorèrent des voies vers une plus grande liberté.

Louis XV

Lorsqu'il naît à Versailles le 15 février 1710, le duc d'Anjou, second fils vivant du duc de Bourgogne, ne semble pas destiné à monter sur le trône.

La mort subite du Grand Dauphin, son grand-père, en 1711, celle de son père en 1712, celle de son frère aîné quelques jours plus tard, enfin le décès de Louis XIV, son arrière-grand-père, le 1er septembre 1715, désignent cet enfant de 5 ans, seul survivant d'une lignée décimée, comme le nouveau roi de France. Il régnera jusqu'en 1774 ; un long règne qui présente maints aspects contradictoires. Louis XV est - au temps des Lumières - un monarque absolu, qui différera longtemps le moment d'exercer lui-même le pouvoir ; surnommé « Louis le Bien-Aimé » à son avènement, il mourra détesté par son peuple.

La Régence : 1715-1723

Puisque la mère du jeune Louis est morte en 1712, la régence revient de droit au premier prince du sang, Philippe, duc d'Orléans et fils de Monsieur, frère de feu le roi. Louis XIV a déposé au parlement un testament qui limite le pouvoir du prince en instituant un Conseil de régence. Moyennant la promesse de restaurer les droits dont le monarque les a privés, les magistrats proclament le duc d'Orléans régent et annulent les dispositions testamentaires qui le lèsent.