Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

catholicisme. (suite)

Une présence renouvelée

Privé de l'appui financier de l'État, confronté aux remous que suscitent les condamnations, sur le plan exégétique, du modernisme de l'abbé Alfred Loisy (1907) et, sur le plan politique, du mouvement le Sillon de Marc Sangnier (1910), le catholicisme français va cependant trouver dans le régime de séparation, qu'il a si amèrement combattu, de nouveaux équilibres et des inflexions fécondes. La Grande Guerre, qui réunit dans la souffrance et l'exaltation du sentiment national, autour de la figure et du sacrifice d'un Charles Péguy, « cléricaux » et « anticléricaux », débouche sur une réintégration des catholiques dans la République : Jeanne d'Arc est canonisée en 1920 et les relations diplomatiques avec Rome sont rétablies. L'expansion des mouvements d'action catholique (JAC, JOC, JEC) et du syndicalisme chrétien (CFTC, 1919), la condamnation de l'Action française par le pape Pie XI (1926), précipitent l'évolution des catholiques vers la démocratie, relayée par des intellectuels prestigieux (Jacques Maritain, Georges Bernanos, François Mauriac, Emmanuel Mounier, Henri-Irénée Marrou). L'épreuve de la défaite de 1940 et de l'Occupation, si elle divise profondément les catholiques, voit l'apparition, dans la continuité de mouvements de Résistance (Témoignage chrétien), d'une éphémère démocratie chrétienne à la française avec la fondation du Mouvement républicain populaire (MRP). Certes, le pontificat de Pie XII marque un regain de tension entre la France et Rome (condamnation des prêtres-ouvriers et de Pierre Teilhard de Chardin), mais le deuxième concile du Vatican (1962-1965), qui renouvelle profondément les modes d'expression de la foi catholique, est influencé par des théologiens français (Jacques Maritain, Henri de Lubac, Yves Congar, Marie-Dominique Chenu). Il n'en suscite pas moins une crise profonde dans une Église qui accuse une grave déperdition de ses effectifs (par défection ou désertion) ; il provoque le trouble d'une partie des fidèles (schisme intégriste de Mgr Lefebvre) et une chute sensible de la pratique religieuse chez les femmes et les jeunes. Le tournant restaurateur du pontificat de Jean-Paul II (1978-2005) semble dessiner un regain d'influence de l'épiscopat (les cardinaux Decourtray à Lyon et Lustiger à Paris) et une réaffirmation intransigeante des principes (revue Communio, 1975). C'est dans la continuité de cette tradition de foi et dans les incertitudes du présent qu'il faut replacer les huit voyages de Jean-Paul II en France et la situation actuelle d'un catholicisme qui demeure, pour reprendre la formule si étonnamment moderne du Concordat, « la religion de la très grande majorité des citoyens français ».

Catroux (Georges),

général (Limoges 1877 - Paris 1969).

Son père, colonel, l'inscrit dès son plus jeune âge au prytanée de La Flèche, puis Georges Catroux entre à Saint-Cyr. Il sert en Afrique du Nord, auprès de Lyautey. Fait prisonnier par les Allemands en 1914, il se lie avec de Gaulle au camp d'Ingolstadt. Affecté au Levant en 1919, puis au Maroc en 1925, il est nommé gouverneur général d'Indochine par Georges Mandel, en juillet 1939, pour assurer les préparatifs de la guerre ; mais Pétain le congédie. Il rejoint de Gaulle à Londres, pour créer les Forces françaises libres, avec lesquelles il reprend la Syrie et le Liban aux troupes de Vichy. Il abandonne l'administration directe, et crée des ministères indigènes afin de préparer l'indépendance. Membre du Comité français de libération nationale formé à Alger par de Gaulle, ildevient commissaire aux Affaires musulmanes, puis ambassadeur à Moscou (1945). En 1954, il approuve les accords de Genève qui mettent fin à la guerre d'Indochine, défend l'indépendance de la Tunisie et, en 1955, organise le retour du sultan Mohammed Ben Youssef à Rabat. Nommé ministre résident en Algérie par Guy Mollet pour appliquer une politique de réformes, il est accueilli à Alger par une émeute européenne qui met fin à sa mission. Face à l'impuissance de la IVe République, il se rallie à de Gaulle en 1958, et juge les auteurs du putsch d'Alger (1961).

Cauchon (Pierre),

évêque de Beauvais, juge de Jeanne d'Arc (près de Reims, vers 1371 - Rouen 1442).

Jeune maître en théologie, Pierre Cauchon apparaît pour la première fois, à la fin du XIVe siècle, dans le mouvement de réforme de l'Église soutenu par le duc de Bourgogne contre le duc d'Orléans. Recteur de l'Université de Paris en 1403, il prend ouvertement position pour le parti bourguignon. En 1415, il assiste au concile de Constance, qui met fin au Grand Schisme et amorce les réformes de l'Église.

Son appartenance au parti anglo-bourguignon lui vaut, en 1420, d'être nommé évêque de Beauvais. C'est à ce titre, et grâce aux bonnes relations qu'il entretient avec le duc de Bedford, régent du royaume de France pour Henri VI d'Angleterre, qu'il sera le juge de Jeanne d'Arc en 1431. Celle-ci, capturée devant Compiègne en mai 1430, est livrée aux Anglais, tandis que l'Université la réclame pour la juger comme hérétique. Évêque de Beauvais, dont dépend Compiègne, exilé à Rouen (sous la tutelle anglaise), représentant de l'Université parisienne, Pierre Cauchon est tout désigné pour présider le procès. Cet affrontement entre un homme, universitaire et prélat, et une simple jeune fille, laïque et visionnaire, aboutit, le 30 mai 1431, à la condamnation de Jeanne. Mais, lors de l'annulation du procès par le pape Calixte III en 1456, Pierre Cauchon devient, aux yeux de l'opinion, le grand responsable des malheurs de la Pucelle. Il est excommunié à titre posthume, et son corps, déterré.

Caulaincourt (Armand Augustin Louis, marquis de),

général, diplomate et ministre (Caulaincourt, Aisne, 1772 - Paris 1827).

Issu d'une famille de la noblesse picarde, Caulaincourt embrasse la carrière militaire : il est capitaine au début de la Révolution. Suspect, en tant qu'aristocrate, il est destitué, puis, après la Terreur, réintégré dans son grade. Devenu colonel, il effectue en 1801 une mission à Saint-Pétersbourg. Nommé aide de camp par Bonaparte, il est envoyé à Strasbourg en mars 1804 pour couvrir, à son insu, l'enlèvement du duc d'Enghien. Sa participation indirecte à ce crime, dont il se défendra toujours, va entacher durablement sa réputation. Il accepte, néanmoins, les honneurs de l'Empire : grand écuyer (1804), général de division (1805), duc de Vicence (1808), ambassadeur en Russie (1807-1811). Il se montre le plus fervent soutien de l'alliance franco-russe, notamment lors de l'entrevue d'Erfurt (septembre-octobre 1808), où ses plans sont déjoués par Talleyrand, qui conseille secrètement au tsar d'abandonner Napoléon. N'ayant pu empêcher la campagne de Russie, Caulaincourt y accompagne l'Empereur. Nommé ministre des Affaires étrangères en novembre 1813, il représente la France au congrès de Châtillon, où il se heurte à l'intransigeance des Alliés (février 1814). Resté fidèle à Napoléon, il redevient ministre des Affaires étrangères pendant les Cent-Jours, et tente d'obtenir la non-intervention des Alliés, en échange du respect du traité de Paris. Nommé pair de France en juin 1815, il siège au Gouvernement provisoire, après l'abdication de l'Empereur, jusqu'au 9 juillet. La Restauration met fin à sa carrière.