Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
S

sacre, (suite)

À l'occasion de la cérémonie, un décor provisoire de bois peint, de tentures et de tapisseries est dressé dans la cathédrale. Sur l'estrade édifiée dans le transept sont installés le trône et les sièges des dignitaires, entourant l'autel. Très tôt le matin, tous les participants prennent place, et le fait de ne pas assister au sacre est assimilé à une trahison. La cérémonie nécessite, en effet, la présence de tous les états de la société autour du roi. Le clergé de Reims (archevêque, chapitre, évêques de Soissons, Laon, Beauvais, Châlons et Noyons, l'abbé de Saint-Remi et quelques-uns de ses moines) se voit rejoint par l'abbé de Saint-Denis et ses dignitaires. Quant au peuple, il se trouve dans la nef.

Lorsque commence la cérémonie proprement dite, le roi récite le Credo, puis touche l'Évangile de sa main gauche et lève la main droite en signe de foi jurée. Il fait le serment de protéger l'Église et les clercs et promet au peuple justice, miséricorde et paix. Chaque partie du serment est suivie d'un Te Deum et de Fiat Fiat lancés par les clercs et le peuple, en guise d'acclamation -  seul legs de l'ancienne élection du prince par les grands et le peuple. Ensuite, le roi change d'habits (chacun d'eux a une signification symbolique précise) : il revêt la chemise fendue (pour les onctions) et la tunique à fleurs de lys d'or ; le duc de Bourgogne lui chausse les souliers aux éperons d'or, emblème de la chevalerie ; l'archevêque de Reims lui donne l'épée qui lui permettra de protéger les églises et de rendre justice au peuple. Vient ensuite l'onction : l'archevêque prend avec une aiguille d'or un peu d'huile dans la sainte ampoule et y ajoute du chrême, oignant la tête du roi puis tous les autres sièges corporels de la force (poitrine, épaules, bras). Le couronnement est précédé de la remise des autres insignes de la royauté par les grands officiers : tunique fleurdelysée et chape, anneau en signe d'union avec le peuple, sceptre et main de justice. Enfin, l'archevêque bénit la couronne et la pose sur la tête du roi, tandis que les douze pairs la soutiennent de leurs mains. Le roi est alors mené au trône, où il reçoit, de l'archevêque puis des autres grands, le baiser de paix et de fidélité.

Si le roi est marié, le sacre de la reine suit immédiatement, avec des prières beaucoup plus simples, qui sont toutes des appels à la fertilité du couple. La messe reprend, puis le roi et la reine communient sous les deux espèces - pain et vin -, comme les clercs. Le soir, un banquet réunit les principaux participants tandis que les rues s'emplissent des rumeurs de la fête populaire.

À partir du XIVe siècle s'adjoint à cette cérémonie le premier toucher des écrouelles, qui a lieu le lendemain à Corbeny. Ce prieuré, qui dépend de Saint-Rémi de Reims, conserve le corps de saint Marcoul, lui-même guérisseur de cette maladie de peau proche de l'adénite tuberculeuse. Puis le roi reprend la direction de Paris. Après s'être arrêté à Saint-Denis pour y tenir sa cour, il fait à Paris sa première « entrée » triomphale, entouré d'une foule en liesse.

À partir du XVIe siècle, le rituel est complété également par la cérémonie dite « du roi dormant » : auparavant, l'usage voulait que les évêques aillent chercher le roi, au matin, pour le ramener en procession à la cathédrale ; pour Henri II ou François II, ils assistent au lever ; quant à Charles IX, en 1561, il dort encore à l'arrivée des douze pairs de France, qui doivent attendre son réveil devant la porte. Enfin, lors du sacre de Louis XIII (1610), par trois fois l'évêque frappe à la porte et, chaque fois, il lui est répondu : « Il dort ». Quand s'ouvre la porte, le roi paraît. S'agit-il d'un symbolisme solaire qui identifierait le lever du roi de France à celui du Soleil rédempteur ?

Fonction du sacre.

• Dès la fin du Moyen Âge, on considère que le sacre est utile pour faire connaître et aimer le roi, mais qu'il n'est pas indispensable à la dévolution du pouvoir. La succession royale étant automatique, il n'est plus nécessaire, depuis Philippe Auguste, de sacrer l'héritier du vivant de son père. Selon les juristes, seuls ont besoin du sacre les héritiers qui sont contestés ou les usurpateurs. Mais le peuple est attaché à la cérémonie : il est significatif, à cet égard, que Jeanne d'Arc qualifie Charles VII de « dauphin » jusqu'au sacre de Reims. Le roi y tient autant que ses sujets. C'est seulement à partir de 1750 que se font jour des réactions hostiles à la cérémonie. L'avènement de Louis XVI relance les discussions. Turgot propose de transférer la cérémonie à Paris afin d'en alléger le coût. Mais Louis XVI ne veut rien entendre et souhaite, à l'instar de ses prédécesseurs, un sacre à Reims, « fastueux comme un opéra ».

Après la Révolution, le sacre de Napoléon par le pape témoigne de la volonté de l'Empereur de rétablir l'Empire héréditaire à son profit, et de doter le nouveau régime d'un prestige qui ne le cède en rien à celui des vieilles dynasties européennes. La Restauration aurait dû recourir au sacre, bien que la sainte ampoule ait été détruite en 1793 : au début de l'automne 1814, on procède aux préparatifs du sacre de Louis XVIII, mais le roi préfère renoncer à cette cérémonie désuète et coûteuse.

Le dernier sacre est celui de Charles X, le 28 mai 1825 ; la cérémonie est simplifiée et raccourcie, et trois princes du sang seulement y assistent. Le roi ne prête ni serment ecclésiastique ni serment du royaume, mais jure de respecter la Charte ; puis il touche les écrouelles. Jamais il n'a été question de sacre pour Louis-Philippe, mais certains partisans de Napoléon III en ont réclamé un durant tout son règne. En vain : la cérémonie appartenait à une époque révolue.

Sacré-Cœur (basilique du),

basilique édifiée au sommet de la colline de Montmartre, à Paris, entre 1876 et 1910.

À l'origine, sa construction est le fruit d'une initiative laïque : elle est la conséquence du vœu formulé en décembre 1870 par deux membres de la Société de Saint-Vincent de Paul pour la libération de Paris, le salut de la France et la délivrance du pape, prisonnier dans Rome ; sanctionnée par l'Assemblée nationale en juillet 1873, cette résolution, adoptée par un groupe de députés, déclare d'utilité publique la construction de la basilique du Sacré-Cœur sur la colline de Montmartre. En effet, en ces débuts de la IIIe République, l'Assemblée nationale compte une majorité monarchiste associée aux milieux catholiques qui pense que le moment est venu pour une triple restauration : de la monarchie, du pape à la tête de ses États, et de la foi dans le pays (la Révolution étant assimilée à une apostasie). La diffusion du culte du Sacré-Cœur, et sa spiritualité « réparatrice » liée à l'idée de Rédemption, fournissent le terrain idéal à ce patriotisme contre-révolutionnaire en quête du salut de la France, censée devoir expier les « fautes » de la Commune. Inaugurée partiellement le 19 novembre 1886, la basilique, construite d'après le projet architectural de Paul Abadie et entièrement financée sur des fonds privés, est consacrée le 16 octobre 1919. Entre-temps, avec l'enracinement de la République, l'édifice, perçu comme « un défi au pouvoir politique républicain » (François Loyer), a été la cible d'attaques antireligieuses : Clemenceau souhaitait en changer l'affectation, et Zola introduit dans son Paris (1898) un protagoniste qui veut détruire le Sacré-Cœur. Aujourd'hui, devenu à la fois église de pèlerinage et monument du tourisme international (plus de six millions de visiteurs par an), le Sacré-Cœur symbolise Paris dans le monde entier.