Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
A

Ardents (bal des),

bal au cours duquel, le 28 juin 1393, un incident faillit provoquer la mort du roi Charles VI.

En dépit de la folie du roi (un premier accès de démence l'avait pris lors d'une chasse dans la forêt du Mans, le 5 août 1392), la cour, sous la houlette de la jeune reine Isabeau de Bavière et du frère de Charles, Louis d'Orléans, continue de mener une vie festive. À l'occasion d'un bal donné par la reine pour le mariage d'une de ses demoiselles d'honneur, Louis d'Orléans a l'idée de faire déguiser le roi et plusieurs seigneurs en hommes sauvages, en les recouvrant de poils de bête collés au corps avec de la poix. Un membre de son escorte, porteur d'une torche, met involontairement le feu aux déguisements : quatre hommes périssent, et le roi en réchappe de justesse.

Le drame choque profondément Charles VI, et semble avoir aggravé sa folie : en effet, après 1393, ses crises violentes se font plus nombreuses. Mais, surtout, la rumeur publique accuse Louis d'Orléans d'avoir tenté d'assassiner son frère pour prendre le trône. L'événement renforce ainsi considérablement l'impopularité de Louis d'Orléans, déjà vive en raison de sa politique fiscale, de son train de vie luxueux et de sa grande amitié pour la reine. D'ailleurs, par la suite, le « bal des Ardents » constituera l'un des principaux éléments de la propagande menée par le parti bourguignon contre le frère du roi. Il sera invoqué par le duc de Bourgogne Jean sans Peur pour « justifier » l'assassinat de Louis d'Orléans par quelques-uns de ses fidèles, le 23 novembre 1407.

Argenson (René Louis de Voyer, marquis d'),

philosophe et homme politique. (Paris 1694 - id. 1757).

Fils aîné de Marc René d'Argenson, garde des Sceaux, René Louis suit une carrière ordinaire pour un homme de sa naissance. Conseiller au parlement de Paris en 1715, il est nommé maître des requêtes en 1720, puis désigné, en 1721, pour veiller à l'intendance du Hainaut et du Cambrésis, poste qu'il occupe jusqu'à son entrée au Conseil d'État, en 1725. Le marquis d'Argenson est à l'origine du premier club politique français : le club de l'Entresol, cénacle choisi où l'on retrouve l'abbé de Saint-Pierre ou encore Bolingbroke. Les séances sont consacrées à la lecture et à la discussion de projets politiques, notamment en matière de relations extérieures. En 1731, le club de l'Entresol est fermé sur ordre du cardinal Fleury, qui y voit une source de désordres. C'est seulement à la mort du cardinal que le marquis d'Argenson devient secrétaire d'État aux Affaires étrangères, le 18 novembre 1744. Mais il est congédié lors de la guerre de la Succession d'Autriche, le 10 janvier 1747. Son repos forcé lui donne l'occasion de rédiger cinquante-six volumes de manuscrits, notamment un Journal et des Considérations sur le gouvernement de la France, ouvrage publié à titre posthume en 1764.

Ami de Voltaire, René Louis d'Argenson est l'un des hommes les plus représentatifs de la première génération des Lumières. Une légende tenace fait de lui un rêveur impénitent, totalement dépourvu des qualités propres au courtisan. Le surnom dont il est affublé - il est appelé « d'Argenson la Bête », pour le distinguer de son frère cadet - passe à la postérité. Pourtant, ses écrits nous révèlent un esprit supérieur, sensible à la nécessité d'une profonde évolution de la monarchie. Ses Considérations constituent un véritable plan de réformes sociales et politiques embrassant tous les aspects de la pensée des Lumières. Il y prône la plus grande tolérance religieuse possible et un libéralisme économique tempéré par la création d'institutions en faveur du peuple déshérité. La monarchie doit être limitée par une aristocratie éclairée et par des assemblées provinciales élues. D'Argenson propose également la suppression de la noblesse héréditaire et des privilèges du clergé. Dans son Traité politique, écrit en 1737-1738, il se prononce en faveur d'une politique extérieure généreuse, opposée à toute guerre de conquête. Malgré l'échec de son ministère entre 1744 et 1747, ce sont bien ses principes que Louis XV proclame lors de la paix d'Aix-la-Chapelle.

Argenson (Marc Pierre de Voyer, comte d'),

homme politique, ministre de Louis XV. (Paris 1696 - id. 1764).

Marc Pierre d'Argenson est le frère cadet de René Louis, mais sa carrière est bien plus brillante que celle de son aîné. En 1720, il devient lieutenant de police de Paris, puis intendant de Paris, en 1741, poste clé considéré comme l'antichambre du ministère. En 1742, il entre au Conseil d'en haut. Enfin, il est nommé secrétaire d'État à la guerre en janvier 1743. À ce poste, il engage un programme de réorganisation des troupes et du commandement qui va porter ses fruits pendant la guerre de la Succession d'Autriche. En 1751, il crée l'École militaire et le corps des grenadiers royaux. Ses responsabilités à Paris le rendent impopulaire : on lui impute l'arrestation des vagabonds envoyés de force aux colonies. Des troubles éclatent d'ailleurs à ce sujet en 1749 et 1750. Confronté à l'inimitié tenace de la marquise de Pompadour, Marc Pierre d'Argenson rejoint les rangs du parti dévot, ennemi de cette dernière. Cette appartenance n'exclut pas les contradictions : il défend les privilèges fiscaux de l'Église, mais accepte la dédicace de l'Encyclopédie en 1751. La marquise de Pompadour obtient sa disgrâce en 1757.

Plus courtisan que son aîné, le comte d'Argenson jouit d'une réputation nuancée : politicien habile mais limité pour les uns, grand homme d'État pour les autres. En revanche, ses réformes militaires font l'unanimité.

Argentomagus,

ville gauloise, puis romaine, située sur le plateau des Mersans, à Saint-Marcel (Indre), qui domine la ville actuelle d'Argenton-sur-Creuse.

Oppidum (place forte) du peuple gaulois des Bituriges, le site occupe un plateau d'une trentaine d'hectares. Il est naturellement protégé par des falaises et par la vallée de la Creuse, très encaissée mais qu'un gué permettait de franchir à cet endroit, ce qui explique sans doute l'essor de la ville qui, à l'époque romaine, déborde le plateau pour occuper environ quatre-vingts hectares.

Si les traces de l'occupation gauloise sont ténues, la ville romaine, développée au cours du Ier siècle de notre ère, est bien connue à la suite des fouilles systématiques entreprises depuis le début des années soixante. Elle était construite selon un plan en damier, les monuments publics se trouvant entre les deux principales artères parallèles. Elle comprenait un sanctuaire, composé de trois temples, ou fana, petits édifices quadrangulaires entourés de galeries. Le théâtre pouvait contenir environ sept mille spectateurs. Les thermes, d'une soixantaine de mètres de longueur, comportaient plusieurs bassins, des systèmes de chauffage et de canalisations. La fontaine monumentale, ou nymphée, s'ouvrait par de larges escaliers sur chacune des deux rues : son bassin était couvert d'un toit destiné à recueillir les eaux de pluie et débouchait sur un égout. Fort spectaculaire a été la découverte, en 1986, d'un petit sanctuaire souterrain, aménagé dans la cave d'une maison particulière : il comportait une petite table en calcaire et deux statuettes peintes assises, d'une quarantaine de centimètres, accompagnées d'un galet ; l'une des deux figurines porte un torque et tient un serpent sur ses genoux. Ce sanctuaire a été conservé sur place, à l'intérieur du musée récemment construit sur le site. Trois nécropoles au moins entouraient la ville, dont l'une, au Champ-de-l'Image, a livré environ cent soixante tombes, la plupart à incinération. Un pont a également été reconnu.