Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

Cro-Magnon,

célèbre abri paléolithique situé sur la commune des Eyzies-de-Tayac-Sireuil (Dordogne), où furent définies, sous le nom d'« hommes de Cro-Magnon », les formes les plus anciennes de l'homme moderne.

En 1868, au cours de la construction d'une voie ferrée, sont découverts un abri sous roche et cinq squelettes - de trois hommes, d'une femme et d'un enfant -, ainsi que divers autres fragments humains. Sans doute s'agit-il de sépultures. De nombreuses fouilles, plus ou moins systématiques, sont alors menées, dont celles de l'abbé Breuil. Une demi-douzaine de couches sont reconnues sur près de 2 mètres de hauteur, toutes attribuables à l'aurignacien, la première civilisation du paléolithique supérieur en France (entre 30 000 et 25 000 ans avant notre ère). De l'étude des squelettes, notamment celui d'un homme assez âgé, baptisé « le Vieillard », les anthropologues du XIXe siècle ont cru pouvoir définir une « race de Cro-Magnon ». Il s'agit, en fait, de la première forme connue de l'homme moderne - ou Homo sapiens sapiens - en Europe occidentale. Issue du Proche-Orient, elle est caractérisée par une charpente corporelle encore relativement robuste. Son évolution, durant tout le paléolithique supérieur et jusqu'à nos jours, tendra vers une « gracilité » progressive de l'ensemble du squelette. Pour le mésolithique, on parle parfois de formes « cro-magnonoïdes ».

croquants,

sobriquet apparu en 1608 et désignant les paysans pauvres du Sud-Ouest, insurgés contre la fiscalité royale en 1594.

Par extension, ce nom est appliqué à tous les mouvements insurrectionnels populaires qui ont agité les campagnes au XVIe et, surtout, au XVIIe siècle. En 1548, les paysans d'Aquitaine se soulèvent contre les « gabeleurs », percepteurs qui se sont enrichis grâce à l'impôt sur le sel. En 1594-1595, dans le Limousin et le Périgord, les « tards avisés » (ainsi appelés car les guerres de Religion s'apaisent alors) prennent les armes pour s'opposer aux gens de guerre qui, présents depuis trente ans dans le Sud-Ouest, causent des ravages. Enfin, dans les années 1630-1660, se déroule une grande vague de révoltes antifiscales d'ampleur inédite, marquée, notamment, par les « croquants » aquitains en 1636-1637, les « nu-pieds » de Normandie en 1639-1640, les « lustucrus » du Boulonnais en 1662. L'agitation est endémique, jusqu'à l'ultime flambée de 1675 en Bretagne, lors de la révolte des « bonnets rouges » contre le papier timbré.

Contrairement aux grandes jacqueries des années 1330-1420, d'essence antinobiliaire, ces brusques révoltes violentes procèdent principalement d'un refus de l'impôt. La fiscalité royale, en effet, ne cesse d'augmenter, en particulier sous le poids des guerres. Dans les années 1630-1640, Richelieu impose un sévère « tour de vis » fiscal au pays : la taille, principal impôt direct, qui pèse surtout sur les campagnes (bien des villes en sont en effet exemptées), est multipliée par cinq, dans un contexte de dépression économique, après une épidémie de peste. En outre, la monarchie tente de généraliser le mode de répartition de l'impôt qui lui est le plus favorable.

L'exaspération est telle qu'un rien suffit à déclencher la colère de la population. Le tocsin sonne, une foule se rassemble sur la place du village, s'arme et part en chasse contre les agents du fisc. La violence, les pillages, revêtent alors une dimension punitive : l'impôt, ou son mode de perception transformé, est perçu comme une agression contre la communauté et ses traditions. De fait, les régions insurgées sont toutes des provinces périphériques ou tardivement intégrées au royaume, et qui bénéficiaient à ce titre de franchises fiscales importantes. En s'opposant aux tentatives royales de réduction de ces privilèges, les paysans défendent leur identité communautaire en même temps que leurs intérêts matériels. Mais, sous Louis XIV, la répression armée est telle que les révoltes cessent. Des croquants, il restera l'image de paysans misérables popularisée par le roman d'Eugène Le Roy, Jacquou le croquant (publié en feuilleton en 1899, et en volume en 1900), et l'adaptation télévisée de Stellio Lorenzi en 1969.

Croÿ (Emmanuel, duc de),

maréchal de France et mémorialiste (Condé, Nord, 1718 - Paris 1784). Les Croÿ sont une vieille famille d'origine picarde, qui s'est illustrée à la cour de Bourgogne, puis au service des Habsbourg.

Prince du Saint Empire, Emmanuel de Cröy appartient à la branche des Croÿ-Solre, revenue en France à la fin du XVIIe siècle. Après une éducation soignée, il commence une classique carrière militaire, au cours de laquelle il est nommé brigadier à Fontenoy, en 1745. Il fréquente Versailles, et devient selon ses dires « demi-courtisan intime » de Louis XV. Cependant, veuf, à peine nommé maréchal de camp en 1748, il décide de se retirer pour élever ses enfants. Se partageant entre Paris et le Hainaut, il donne l'image d'un grand seigneur actif et bienfaisant. Sa fonction de commandant militaire en Picardie et en Artois lui vaut enfin, en 1783, un bâton de maréchal de France longtemps espéré. Par ailleurs, il exploite aussi ses terres avec soin. « Noble capitaliste », il investit dans l'exploitation du charbon tout en se préoccupant de l'ouverture d'ateliers de charité. Grand lecteur dont la bibliothèque compte plus de 8 000 volumes, il est ouvert aux Lumières, curieux de sciences, de littérature, d'histoire. Mais il reste attaché à un catholicisme sincère. S'il aspire à des réformes politiques, il n'en est pas moins défenseur des privilèges de la noblesse. Il a laissé des Mémoires, en partie publiés, précieux document sur la vie à la cour de Louis XV et sur l'intimité d'un aristocrate éclairé et fidèle aux traditions de sa caste.

Cuiry-lès-Chaudardes,

site correspondant à l'un des plus anciens villages d'agriculteurs néolithiques du Bassin parisien (Ve millénaire), appartenant à la culture du rubané.

Implanté dans le département de l'Aisne, sur la rive droite de la rivière du même nom, le village néolithique de Cuiry-lès-Chaudardes a fait l'objet, à partir de 1972, d'une fouille intégrale : elle a révélé, sur plus de 6 hectares, une trentaine d'habitations. Ces constructions, toutes orientées est-ouest, étaient de forme légèrement trapézoïdale, le petit côté étant dirigé vers les vents dominants. Leur longueur variait entre 12 à 45 mètres environ, et leur largeur, entre 5 à 8 mètres. Les murs étaient construits en clayonnage et en torchis ; le toit, en matière périssable, était soutenu par trois rangées de poteaux de bois. Le long de ces maisons avaient été creusées des fosses destinées à extraire le matériau de construction des parois, et utilisées ensuite pour le rejet des détritus. C'est là que l'on a retrouvé des récipients brisés au décor gravé, des ossements des animaux consommés, des outils de pierre ou d'os, etc. L'économie reposait sur la culture du blé et de l'orge, et sur l'élevage (bœufs, moutons, chèvres, porcs), la chasse occupant une place mineure. Selon les quartiers du village, selon les maisons, des différences quant aux préférences alimentaires et aux activités artisanales ont été mises en évidence. L'outillage comprenait des instruments de silex et d'os, ainsi que des meules ; les haches en pierre polie étaient exceptionnelles. Plusieurs tombes d'enfants ont été découvertes à proximité immédiate des habitations, la nécropole des adultes restant introuvable. Il s'agit du principal village, parmi ceux connus dans cette vallée - une douzaine -, le long de laquelle ils s'échelonnent régulièrement. Cinq phases d'habitations s'y sont succédé, sans doute sans interruption, pendant deux siècles environ, vers le milieu du Ve millénaire. L'une des habitations a été reconstituée sur le site.