Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
A

avortement. (suite)

Des sanctions sévères mais inefficaces.

• Les sanctions incombaient aux justices seigneuriales, leur sévérité pouvant être atténuée lorsque l'avortement était dû à l'impossibilité de nourrir l'enfant plutôt qu'au souci de cacher « le crime de fornication ». La peine était également moins lourde lorsque étaient victimes de l'avortement les fœtus masculins de moins de soixante jours et les fœtus féminins de moins de quatre-vingts jours, termes considérés comme les temps de passage de l'inanimé à l'animé, plus tardifs pour la fille que pour le garçon. Le Code d'Henri III de 1556 punissait de mort, au nom du roi, l'avortement qui privait l'enfant de baptême, cette disposition étant confirmée sous Henri III en 1586, sous Louis XIV en 1707, puis sous Louis XV en 1731. La sévérité constante des textes n'eut cependant que des effets limités, et les cas d'avortements donnant lieu à procès furent relativement rares, car ils touchaient à un secret de famille rarement dévoilé.

C'est seulement en 1923 que l'avortement cesse d'être considéré comme un crime. Désormais qualifié de délit, il n'est plus passible de la cour d'assises mais du tribunal correctionnel, et n'est plus pénalisable que par l'emprisonnement et des amendes. Cet adoucissement de sanctions qui n'avaient été que rarement appliquées dans toute leur rigueur théorique a pour contrepartie de priver l'inculpée, et ceux qui ont pu l'assister, de l'indulgence, fréquente, des jurys populaires et de les soumettre à la sévérité des juges. Le Code de la famille de 1939 aggrave les dispositions des textes antérieurs, puisque sont désormais également sanctionnées de lourdes peines de prison les tentatives d'avortement, tandis que l'avorteur peut être poursuivi, en cas d'accident, pour coups et blessures, voire pour homicide, devant la cour d'assises. Les membres du corps médical sont, eux, passibles de sanctions particulièrement lourdes. En 1941, enfin, un texte rétablit la peine de mort comme sanction possible de l'avortement. Cette disposition est appliquée l'année suivante, conduisant à la dernière exécution capitale d'une femme en France.

Quelle qu'ait été la volonté de sévérité du législateur, elle reste toutefois de peu d'effet dans l'entre-deux-guerres, puisque ne sont traités qu'environ 400 dossiers par an, alors que les estimations les plus basses avancent un chiffre moyen de 400 000 avortements.

Une tardive libéralisation.

• On peut parler de libéralisation lorsque l'avortement devient possible à la demande de la femme pour des raisons de santé physique ou psychologique. En France, cette libéralisation remonte aux lois de janvier 1975, décembre 1979 et décembre 1982 relatives à l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Le vote du texte de 1975 a été précédé par la démonstration de la non-application de la loi, notamment lors du procès de Bobigny (1972), à l'occasion duquel 343 femmes signent une pétition demandant la légalisation de l'avortement et reconnaissent y avoir eu recours. Le manifeste, signé l'année suivante par des médecins déclarant avoir pratiqué l'avortement, ne suscite aucune poursuite. C'est dans ce contexte que le gouvernement fait voter, en décembre 1974, contre la volonté de la majorité et grâce aux voix de la gauche, le texte défendu par Simone Veil. Ses dispositions, promulguées en 1975, sont confirmées en 1979, et complétées en 1982 par une loi sur le remboursement de l'IVG par la Sécurité sociale.

La libéralisation de l'avortement intéresse l'ensemble des démocraties. Elle intervient en France après l'Abortion Act britannique (1967), et peu de temps avant que des dispositions semblables soient adoptées en Allemagne (1976), en Italie (1981), en Espagne (1986), en Belgique (1990) ou même en Irlande (1995).

avril 1834 (journées du 9 au 14),

mouvements insurrectionnels dont l'échec désorganise les oppositions républicaines, notamment à Lyon et à Paris.

Les premiers mois de l'année 1834 sont marqués par l'intensification de la lutte menée par le régime de Juillet contre des adversaires républicains déterminés : après avoir obtenu l'adoption d'une loi contre les crieurs publics, le garde des Sceaux Félix Barthe dépose, en février, un projet tendant à limiter les droits des associations. Alors que la Société des droits de l'homme, menacée dans son existence, hésite à s'engager sur-le-champ dans une épreuve de force, les républicains et les ouvriers lyonnais montrent la plus grande détermination : le souvenir des journées de novembre 1831 reste enraciné dans les esprits, et une grève contre la baisse des tarifs, menée par les canuts et encadrée par les mutuellistes, vient tout juste d'échouer. Le 9 avril 1834, tandis que s'ouvre le procès de dirigeants grévistes, l'insurrection éclate à Lyon, tout particulièrement dans le faubourg populaire de la Croix-Rousse. Elle dure six jours. Face à des adversaires peu organisés, les forces de l'ordre se livrent à une reconquête méthodique des quartiers insurgés. Le drame lyonnais trouve des échos dans plusieurs villes françaises : Arbois, Besançon, Châlon-sur-Saône, Clermont, Épinal, Grenoble, Lunéville, Marseille, Saint-Étienne et Vienne connaissent des troubles ponctuels. Le 13 avril, quelques poignées de républicains parisiens érigent une trentaine de barricades, notamment dans les quartiers du Marais et de Montorgueil, et s'engagent dans une lutte sans espoir : la population ne les soutient pas, et la Société des droits de l'homme elle-même, décimée au cours des jours précédents par une vague d'arrestations préventives, reste à l'écart du mouvement. Thiers, ministre de l'Intérieur, confie la direction des opérations militaires à Bugeaud, le commandant de la place de Paris. Les combats font une trentaine de victimes dans la capitale, dont douze rue Transnonain ; elles s'ajoutent aux plus de trois cents morts de Lyon. L'année suivante, les journées d'avril donnent lieu à un « procès monstre » en Cour des pairs. Les débats révèlent de profondes divisions parmi les accusés et leurs avocats. Au fil des mois, la Cour prononce cent trente-neuf condamnations, allant de l'emprisonnement à la déportation. Les verdicts d'avril, puis les lois répressives de septembre 1835, en particulier contre la liberté de la presse, permettent au régime de Juillet d'asseoir son autorité.