Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
G

guerres privées,

expression désignant, au Moyen Âge, toute guerre menée en dehors de l'autorité publique supérieure (empereur, roi, duc...).

Particulièrement développée quand le pouvoir central est le plus faible (Xe-XIIe siècles), la pratique de la guerre privée perdure jusqu'au XVe ou XVIe siècle, selon les régions.

Les motivations des parties relèvent tant de l'économique et du politique (pouvoir sur un territoire, relations féodo-vassaliques, propriétés, héritages, mariages...) que du comportement d'honneur (meurtre, vengeance...). Certains historiens (tel Stephen White) interprètent aussi les guerres privées entre seigneurs comme un mode de domination exercé sur les paysans : elles permettent de les terroriser par des chevauchées et des razzias, sans qu'il soit jamais question, dans le règlement des conflits, des dommages qui leur sont causés. Chaque camp fait appel à sa parenté et à ses alliés pour mener la guerre, la solidarité du groupe se substituant à l'autorité publique. Mais la guerre privée peut aussi traverser l'espace familial (conflit entre Enguerrand I de Coucy et son fils Thomas de Marle). Les villes flamandes connaissent également la violence civique entre groupes familiaux, violence exacerbée par les rivalités économiques.

La coutume a codifié la guerre privée. Vengeance légale, elle demeure généralement réservée à la noblesse et à ceux qui la servent. Pour autant, on constate que la vendetta existe bien chez les non-nobles, entre citadins, ou entre deux villes. Le droit de guerre comporte des règles à respecter : défi préalable, respect des trêves, procédures de pacification.

Faute d'arriver à bannir la guerre privée - la coutume était solidement ancrée, et les nobles y tenaient comme à un signe de leur statut social et de leur liberté -, les pouvoirs ont tenté de l'encadrer. Du règne de Saint Louis à la fin du Moyen Âge, plusieurs ordonnances royales essaient d'en limiter la pratique et l'interdisent systématiquement pendant les guerres « publiques » menées par le roi. Outre les ordonnances ponctuelles, plusieurs moyens juridiques sont employés aux mêmes fins. Ainsi, dans le Hainaut, aux XIIIe et XIVe siècles, le comte impose le fourjurement obligatoire : les parents d'un assassin renoncent par serment à toute relation avec lui et le rejettent ainsi hors de la famille. Ils échappent dès lors à la guerre privée, la solidarité du groupe est rompue, et le conflit, circonscrit.

La guerre privée ne doit pas être lue comme un symptôme d'anarchie, mais plutôt comme un mode d'autorégulation des relations sociales où s'entremêlent guerres, répits et réconciliations ritualisées.

Guesclin (Bertrand du),

connétable de France pendant la guerre de Cent Ans (château de la Motte-Broons, Côtes-d'Armor, vers 1320 - Châteauneuf-de-Randon, Lozère, 1380).

Issu d'une famille bretonne de moyenne noblesse peu fortunée, du Guesclin connaît une ascension remarquable en choisissant le métier des armes.

Il s'engage d'abord dans la guerre de la Succession de Bretagne auprès des Penthièvre, Charles de Blois étant son seigneur naturel. Remarqué par le roi de France au siège de Rennes, en 1357, il entre à son service et devient capitaine de Pontorson et du Mont-Saint-Michel, chargé de reprendre certaines places tombées aux mains de troupes anglo-navarraises, qu'il arrive à vaincre en 1364, lors de la bataille de Cocherel. Il participe cette même année à la bataille d'Auray, véritable désastre pour la cause des Penthièvre, où Charles de Blois est tué.

Charles V charge ensuite du Guesclin de débarrasser la France de la menace des Grandes Compagnies - composées de soldats professionnels qui deviennent de véritables pillards en temps de paix - en les emmenant en Espagne pour aider Henri de Trastamare à conquérir le trône de Castille. Cette expédition, conduite en 1365, est tout d'abord un succès, mais l'ancien roi, Pierre le Cruel, aidé par les troupes anglaises du Prince Noir, reprend sa couronne en 1367 et bat du Guesclin à Najera. Ce dernier assure finalement la victoire à Henri de Trastamare, qui devient roi de Castille en 1369. Rappelé en France par Charles V, il est nommé connétable le 2 octobre 1370.

Du Guesclin commence alors la reconquête du royaume sur les Anglais, reprenant les uns après les autres les châteaux et les villes perdus : en 1372, son efficacité et sa mobilité permettent la reconquête du Maine, de l'Anjou, du Poitou et de l'Angoumois. Puis il s'attaque à l'Aquitaine anglaise, dont il ne reste plus, en 1374, que les environs de Bordeaux et un morceau des Landes. La crise bretonne en 1378 le place dans une situation difficile, puisqu'il se trouve alors partagé entre sa loyauté envers le roi, qui veut confisquer le duché, et sa fidélité à son pays d'origine, dont toute la noblesse soutient Jean de Montfort. Enfin, au printemps 1380, il est nommé capitaine général en Languedoc, où il doit lutter contre les Compagnies qui dévastent la région. Tombé malade lors du siège de Châteauneuf-de-Randon, il meurt le 13 juillet 1380. À la demande du roi, il est inhumé dans la nécropole royale de Saint-Denis, ce qui constitue un honneur exceptionnel.

Dès sa mort, du Guesclin devient un héros « national » et populaire. Ce petit homme râblé, resté toute sa vie fidèle au roi de France, est bientôt considéré comme le principal artisan de la reconquête. Il n'a peut-être pas été un grand stratège, mais il a réussi à s'imposer à la tête des Compagnies, et ses conquêtes témoignent de son efficacité.

Guesde (Jules Basile, dit Jules),

homme politique, l'une des principales figures du mouvement ouvrier français (Paris 1845 - Saint-Mandé 1922).

Issu de la petite bourgeoisie (son père fonde une modeste école secondaire), il réussit son baccalauréat et entre comme employé au bureau de la presse de la préfecture de la Seine. Hostile au Second Empire dès sa jeunesse, il devient rapidement républicain. À partir de 1867, il collabore à de nombreuses publications et adopte pour pseudonyme « Guesde », le nom de jeune fille de sa mère. En 1870, il est l'un des fondateurs du journal les Droits de l'homme, et doit purger une peine de six mois de prison pour avoir qualifié la guerre contre la Prusse de « guerre dynastique ». Libéré après Sedan, et bien qu'il ne soit pas encore socialiste, il est de nouveau condamné - cinq ans de prison et une lourde amende - pour le soutien qu'il a apporté aux « communeux ».