Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Réforme (la), (suite)

Au sortir des guerres civiles, la société protestante méridionale, urbaine et rurale, paraît divisée : dans les villes, le contraste semble marqué entre une bourgeoisie d'offices ou marchande, soucieuse de bonne entente avec les catholiques, et les artisans du cuir ou du textile, nettement moins iréniques. C'est le temple qui réunit autour du ministre, le dimanche pour le culte ou en semaine pour des prières, ces mondes sociaux divers, la Cène étant célébrée à Noël, à Pâques, à la Pentecôte et en septembre. Le consistoire, qui comprend le ministre et des « anciens » - cooptés et appartenant pour la plupart aux différentes élites locales -, administre l'Église et constitue une instance de contrôle disciplinaire, pouvant imposer aux fidèles des peines qui vont de la repentance privée à l'excommunication en cas de blasphème, d'ivresse, de danse ou de fréquentation de catholiques.

Être protestant, c'est se différencier des catholiques par une éthique rigoureuse. L'ouverture d'une petite école cherche à renforcer cette spécificité et des ouvrages pédagogiques sont publiés, comme l'ABC des chrétiens, qui visent à parfaire l'instruction des fidèles, dont un grand nombre connaissent mal les Écritures. Être protestant, c'est également appartenir à une Église intégrée dans un système synodo-presbytéral. Le royaume est divisé en seize provinces synodales, elles-mêmes subdivisées en colloques : chaque année, l'Église délègue un pasteur et un ancien au synode provincial qui a la mission de débattre de la discipline, de l'instruction, de la réception et désignation des pasteurs, du financement des académies (Saumur, Nîmes, Montauban...) ; des représentants au synode national sont nommés, lequel dispose de l'autorité ultime en matière dogmatique (en 1620, le synode d'Alès condamne les thèses arminiennes).

Malgré cette « normalisation », une déception est perceptible, qui peut se traduire ponctuellement par des attitudes de défi aux clercs venus récupérer les églises et les biens confisqués. Plus que dans des gestes de contestation, l'affirmation identitaire protestante s'inscrit dans des controverses publiques touchant au dogme et auxquelles participent des ministres, ainsi que dans des duels à distance qui, utilisant le support de l'imprimé, opposent aux « erreurs » romaines la « vérité évangélique » (Traité de l'Eucharistie, de Duplessis Mornay...).

C'est en fonction de cette tension militante que se comprennent les guerres (1621-1622, 1625-1626, et 1627-1629) dans lesquelles le parti protestant s'engage. Ces conflits aboutissent à la paix d'Alès (27-28 juin 1629) qui, tout en maintenant le système des privilèges de l'édit de Nantes, supprime les clauses des brevets annexes - places de sûreté et assemblées politiques. S'amorce alors un mouvement de pression de la part de la monarchie (dernier synode national toléré tenu à Loudun, en 1659 ; transfert de l'académie de Montauban à Puylaurens ; obligation de choisir le premier consul, dans les villes, parmi les catholiques). Malgré cette conjoncture défavorable, durcie par les missions des jésuites et des capucins, la Réforme semble demeurer une force de conquête dans certaines régions : dans le diocèse de Nîmes, les conversions de catholiques sont nombreuses, et il semble que les problèmes politiques liés à la minorité de Louis XIII aient favorisé l'apparition de temples sans existence légale. L'industrie lainière, dans le Midi, est en plein essor, et cette prospérité a peut-être été un facteur de dynamisme social réformé. Le point faible de la société calviniste est toutefois la noblesse, qui subit directement la pression monarchique (1622, conversion de Lesdiguières). Charges de cour et honneurs militaires ne sont plus accordés aux gentilshommes huguenots, ce qui explique les abjurations, nombreuses après 1630. La mort de Rohan puis celle de Soubise accentuent cette érosion, qui modifie la sociologie réformée.

Le drame de 1685.

• Avec Mazarin, au début du règne de Louis XIV, vient le temps de l'offensive antiréformée. Une action continue est menée par les capucins, jésuites, récollets, les congrégations de prêtres séculiers, les confréries et les évêques surtout. À partir de 1670, la reconquête catholique passe moins par les missions que par la pastorale et par « une croisade de scolarisation » et d'encadrement des populations. De plus, la création d'une « caisse des conversions » a pour objet de monnayer les retours à l'Église romaine, tandis que l'État royal multiplie les mesures discriminatoires visant à éliminer des fonctions politiques ou corporatives les calvinistes (interdiction de l'exercice de certaines professions : imprimeur, libraire, avocat, médecin). À partir de 1679, les dragonnades sont systématisées à l'initiative des intendants afin de terroriser les protestants, dont certains prennent sans succès les armes entre mai et septembre 1683. Cette répression donne à la monarchie l'illusion d'un recul de la Réforme. L'édit de Fontainebleau révoque l'édit de Nantes (18 octobre 1685), interdisant les réunions cultuelles calvinistes, les écoles, les académies et les temples, proscrivant les ministres. Il est suivi par la mise en pratique d'une politique d'abjurations forcées et de poursuites contre ceux qui continuent à vouloir vivre leur foi. Plusieurs centaines de milliers de calvinistes, bravant la loi royale, quittent clandestinement le royaume pour Genève, l'Allemagne, l'Angleterre et les Pays-Bas, tandis que demeurent nombre d'« opiniâtres » persécutés, et que certains des « nouveaux catholiques » continuent à pratiquer un culte familial secret. Les Cévennes sont le théâtre d'une résistance armée, attisée par des prophètes et prophétesses autour desquels, au Désert, se rassemblent des fidèles qui, pourchassés, prennent les armes de 1702 à 1704. Bien que la guerre des camisards cesse grâce aux tractations entre Jean Cavalier et le maréchal de Villars, les persécutions et poursuites continuent de manière de moins en moins systématique (affaire Calas, 1762). Le culte familial, surtout dans la bourgeoisie urbaine, est maintenu.