Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Sénat,

assemblée politique dont l'origine remonte à l'Antiquité.

À Rome, le sénat - du latin senex, « vieillard » - est un conseil qui regroupe les représentants des familles les plus prestigieuses. Utilisé à des fins politiques sous la République, il perd progressivement de son influence sous l'Empire mais conserve néanmoins son prestige du fait de la richesse des sénateurs qui, éduqués à l'art oratoire, affichant des qualités de sagesse, de gravité et de dignité, occupent un rang d'excellence dans la société romaine, où ils incarnent la mesure et la continuité des traditions.

L'oubli monarchique.

• Au VIe siècle, l'avènement en Occident des royaumes barbares relègue momentanément dans l'oubli les modèles antiques. Des assemblées se forment autour du roi : réunions de compagnons d'armes, bientôt de vassaux, elles n'ont plus rien à voir avec le sénat romain. Des siècles plus tard, la monarchie s'édifie autour des thèses absolutistes qui interdisent la reconnaissance de la moindre structure susceptible de participer au pouvoir royal. « Le roi est monarque et n'a point de compagnon en sa majesté royale », écrit le jurisconsulte Guy Coquille (1523-1603) : c'est dire le caractère exclusif de la souveraineté monarchique et la confusion des pouvoirs qui en résulte.

Sénat et bicamérisme.

• En 1789, la souveraineté devient nationale ; elle exige, pour s'exprimer, des représentants constitués en assemblée. S'ouvre alors le débat sur le mono ou le bicamérisme. L'Angleterre et l'Amérique ont opté pour un système bicaméral. Mais, parce qu'on s'efforce d'effacer les particularismes locaux, on se doit de rejeter un sénat à l'américaine incarnant les entités territoriales. De même, au lendemain de l'abolition des ordres, on ne peut imaginer une division du législatif à l'anglaise, qui, pour les révolutionnaires, serait l'expression d'une division sociale. Puisque le souverain - la nation - est unique, seule l'unité du pouvoir peut incarner cette souveraineté : aussi les constituants de 1791 et de 1793 optent-ils pour le monocamérisme.

La Chambre haute.

• En 1795, l'apaisement fait oublier les vieux griefs. On crée une seconde Chambre  : le Conseil des Anciens. Avec lui, la tradition bicamérale entre dans les institutions françaises ; elle n'en sera provisoirement exclue que sous la IIe République. C'est le Consulat qui, dans son goût affiché pour l'Antiquité, revient à la dénomination romaine. Mais, Sénat ou, plus tard, Chambre des pairs, l'idée est la même : il s'agit de représenter des élites choisies pour leur maturité et leur fidélité au régime, et utilisées pour freiner et affaiblir les initiatives redoutées de la représentation nationale. Les sénateurs comme les pairs sont en effet membres de droit ou nommés par le chef de l'État, et inamovibles. Les Sénats consulaire ou impériaux sont gardiens de la Constitution ; ils l'interprètent et en contrôlent le strict respect par les pouvoirs législatif et judiciaire. Ils légifèrent aussi parfois, au moyen de sénatus-consultes dictés par le Premier consul puis par l'Empereur : ils sont un auxiliaire servile du régime, le « paravent du pouvoir personnel ». Pourtant, les réformes du Second Empire finissant, en introduisant le sénat dans le jeu parlementaire, préfigurent son évolution ultérieure.

Vers l'Assemblée parlementaire.

• Nouveauté et tradition caractérisent le Sénat de la IIIe République : les trois quarts des membres en sont élus au suffrage universel indirect pour neuf ans. Seul le quart restant est, jusqu'en 1884, nommé à vie, mais par l'Assemblée. Le Sénat participe au travail législatif en partageant avec la Chambre l'initiative et le vote des lois. Il est un élément fondamental du jeu institutionnel puisqu'il est associé à la désignation du président de la République et doit donner son aval pour toute dissolution de la Chambre par l'exécutif. Lui-même indissoluble, installé dans la durée (neuf ans), il tempère et régule la vie politique par son rôle d'institution de contrepoids, autorisant en France l'ancrage du régime républicain. Mais, à partir de 1930, un conservatisme excessif le conduit à bloquer le système politique en renversant les gouvernements. À ce jeu, il se déconsidère, au point de disparaître de la Constitution de 1946. Un Conseil de la République le remplace mais, hormis sa participation à l'élection du chef de l'État, il est vidé de tout pouvoir susceptible d'en faire une Chambre d'opposition.

La Ve République retrouve un Sénat traditionnel et novateur, qui « assure la représentation des collectivités territoriales de la République » (article 24). Sa mise à l'écart du jeu parlementaire - le Sénat ne peut renverser le gouvernement ni être dissous - en fait une Chambre d'équilibre, capable de contrebalancer les changements brusques de majorité à l'Assemblée. L'élection au suffrage indirect et la durée du mandat de ses membres permettent au Sénat de travailler sur le long terme, en étant en partie libéré du souci des échéances électorales, pour participer à un véritable enrichissement de la création parlementaire.

Sénégal,

ancienne colonie française, intégrée à l'A-OF de 1895 à 1946, devenue territoire d'outre-mer en 1946, puis République autonome en 1958, avant d'accéder à l'indépendance en 1960.

Le sort chaotique d'une colonie négrière.

• Un premier établissement fixe est fondé dans l'estuaire du Sénégal en 1638 par des marchands de Rouen ; abandonné quelques années plus tard, il est rebâti en 1658, sous le nom de « Saint-Louis ». Occupée en 1677, l'île de Gorée devient rapidement un centre actif de la traite négrière : 8 000 esclaves y sont embarqués chaque année vers 1720, et 23 000 en 1782. D'autres comptoirs sont fondés, à Rufisque et à Joal. Le commerce de la gomme sur le fleuve enrichit les négociants de Saint-Louis.

Le Sénégal passe sous domination anglaise en 1693, puis à nouveau de 1758 à 1778. Il est abandonné à son sort pendant les guerres de la Révolution et de l'Empire mais parvient cependant à repousser les assauts anglais jusqu'en 1809. Restitué au gouverneur Schmaltz en 1817, ce n'est plus qu'un établissement léthargique, appauvri par l'arrêt de la traite négrière. Les efforts du baron Roger, gouverneur de 1821 à 1827, pour développer des cultures tropicales sont infructueux et la seule ressource reste le commerce de la gomme, confié à des compagnies privilégiées dont la réputation est détestable. Les Français ne se maintiennent sur place qu'en versant des redevances aux chefs du voisinage. En 1848, la colonie paraît ruinée par l'affranchissement des esclaves (12 000 personnes sur 18 000 habitants) et son abandon est envisagé. Mais la Commission des comptoirs se prononce pour le maintien de la présence française et le développement de la production d'arachides.