Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
N

Normandie. (suite)

La Normandie française.

• Durant tout le XIIIe siècle, la prospérité de la Normandie est assurée, comme l'attestent l'extension de ses villes et la splendeur de ses cathédrales gothiques. Profitant pendant plus d'un siècle de la paix française, la province garde néanmoins son particularisme, et la « charte aux Normands », concédée par Louis X le Hutin le 22 juillet 1315 pour fixer les « libertés » de la province, démontre que, si la Normandie est annexée au royaume, elle n'est pas encore assimilée. En 1343, lorsque Geoffroi de Harcourt, puissant seigneur de Saint-Sauveur-le-Vicomte, tente de rétablir l'autonomie normande sous la suzeraineté du roi Édouard III d'Angleterre, la Normandie devient l'un des principaux enjeux de la guerre de Cent Ans qui débute. Sur le chemin de Crécy, le souverain anglais ravage Saint-Lô, Caen, Lisieux et Elbeuf ; les villes et villages épargnés par les armes sont victimes, deux ans plus tard, de la Peste noire. Charles V réagit en 1364 et rétablit une paix toute relative, car la conquête qu'Henri V de Lancastre entame en 1415 amène la soumission en deux ans de la Normandie : les Anglais y instaurent un régime d'occupation, sous lequel se déroule le procès de Jeanne d'Arc, mené en 1431 par des clercs normands ralliés. Mais les Anglais ne pourront jamais se prévaloir d'une réelle souveraineté : le Mont-Saint-Michel reste fidèle au roi de France, et la formation de nombreux « maquis » permet la reconquête française en 1449-1450 (bataille de Formigny). Charles VII, qui a la sagesse de pardonner aux félons après la fin des hostilités, confirme la « charte aux Normands » (1458). Pourtant, l'anneau ducal est brisé en séance de l'Échiquier de Normandie, le 9 novembre 1469 : cet acte sanctionne la fin du duché et sa pleine assimilation au royaume. L'activité économique de la région s'accroît, s'appuyant désormais sur le grand commerce maritime : François Ier fonde Le Havre en 1517. Au même moment, l'Échiquier devient parlement de Rouen, avec des privilèges analogues à ceux du parlement de Paris. Le XVIe siècle voit s'affirmer la fortune de la bourgeoisie locale. Lorsque survient la Réforme, nombre de nobles et de bourgeois optent pour le calvinisme, mais le parlement de Rouen refuse jusqu'en 1609 d'enregistrer l'édit de Nantes (1598), qui est néanmoins appliqué.

Au XVIIe siècle, les pressions de l'État central deviennent de plus en plus fortes ; comme en témoigne l'insurrection des « nu-pieds » (en basse Normandie, en 1639) contre l'impôt royal. Mais le siècle est également marqué par la Contre-Réforme qui, à la suite de l'édit de Fontainebleau (1685), porte un coup sévère à la communauté protestante, dont les notables s'enfuient en Hollande ou en Angleterre. Plus paisible, le XVIIIe siècle voit l'essor des ports (Le Havre, Rouen, Cherbourg, Granville), la construction de routes, le développement du textile et de la métallurgie. En 1789, les doléances de la Normandie ne diffèrent pas de celles des autres provinces : ordre, égalité, réforme de l'Église, liberté économique. Pourtant, après 1790, les Normands semblent n'avoir participé que faiblement aux grands événements révolutionnaires. Mais la chouannerie, emmenée par le comte Louis de Frotté, y trouve de fermes soutiens et, bien que la période de la Terreur ne soit pas marquée par des épisodes sanglants, la Normandie déplore la destruction d'une partie de son patrimoine religieux.

Au XIXe siècle, c'est grâce à une politique dite « du juste milieu » qu'elle parviendra à trouver son équilibre sous les différents régimes politiques. On découvre alors qu'il existe en fait deux Normandies : si la vallée de la Seine bénéficie de l'essor industriel et commercial, le reste de la région voit son dépeuplement s'aggraver. Créée par le duc de Morny, la station balnéaire de Deauville n'attire pas suffisamment d'estivants pour compenser l'exode rural régional. Vieillissement des industries et fléchissement démographique sont les deux traits les plus caractéristiques de la région au XIXe siècle. Ce constat négatif est toutefois tempéré par le développement du réseau ferroviaire et la permanence d'un secteur primaire spécialisé à haut rendement (bovins, chevaux, pêche).

La Normandie, aujourd'hui.

• Durant la Seconde Guerre mondiale, la Normandie est à nouveau le théâtre d'un événement capital de l'histoire : le débarquement du 6 juin 1944. Les destructions causées par la guerre, et notamment les bombardements alliés, sont considérables. Des villes comme Saint-Lô ou Le Havre sont totalement détruites. Mais l'élan de reconstruction et la poussée démographique concourent à la remise en état rapide de l'économie normande. Aujourd'hui, malgré l'arrivée d'industries de main-d'œuvre et la décentralisation d'entreprises parisiennes, le taux de chômage régional est supérieur à la moyenne nationale, en grande partie à cause de la disparition des activités du textile ou des chantiers navals. Ces dernières années sont cependant marquées par la mise en œuvre de grands travaux (tronçons autoroutiers, pont de Normandie). Mais l'image demeure d'une terre de tourisme, de loisirs et de bonne chère, dont les produits continuent d'assurer le renom.

Normandie (débarquement de),

débarquement des troupes alliées sur les plages du Cotentin et du Calvados, le 6 juin 1944.

De par les effectifs engagés, de par l'ampleur des problèmes stratégiques, tactiques, techniques et logistiques qu'il pose, le débarquement de Normandie (opération « Overlord ») apparaît comme l'une des opérations militaires les plus considérables de l'histoire. Il a des conséquences décisives sur l'issue de la guerre et permet de consacrer la défaite définitive de l'Allemagne.

L'organisation.

• L'idée d'ouvrir un second front en Europe, en débarquant en France, est évoquée lors de la conférence de Washington, en mai 1943, et confirmée en août à celle de Québec. L'organisme chargé d'en élaborer les plans est le Chief of Staff of Supreme Allied Commander (COSSAC), et le chef responsable de cette immense machinerie, le général américain Eisenhower, placé à la tête du Supreme Headquater Allied Expeditionary Forces (SHAEF). Sous ses ordres se trouvent le maréchal Montgomery, commandant des forces terrestres, le maréchal de l'air Leigh Mallory, commandant des forces aériennes, et l'amiral Ramsay, commandant des forces navales.