Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
A

Atlantique (mur de l'),

ensemble de fortifications édifiées par les Allemands de 1941 à 1944, du cap Nord au golfe de Gascogne.

Constitué de blockhaus, de casemates d'artillerie, d'obstacles minés, de fossés antichars, le dispositif est censé protéger la côte contre un débarquement allié qui apparaît de plus en plus probable à partir de 1942. Après la nomination du maréchal Rommel à la tête des armées de la Manche et de la mer du Nord (1943), les opérations de renforcement de la « grande muraille de l'Ouest » sont considérables, en particulier sur la côte normande. Hitler redoute en effet que le débarquement n'y prenne appui : « En aucun cas nous ne pouvons tolérer que le débarquement allié dure plus de quelques jours, sinon quelques heures », dit-il à ses généraux au début de l'année 1944. Durant tout le printemps, la défense s'active. Mais le mur de l'Atlantique n'est pas le système de fortifications sans faille que décrivent Goebbels et les services de propagande nazis. Le 6 juin 1944, il ne fait illusion que quelques heures. Cependant, il se révèle suffisamment tenace pour que le général Bradley, à Omaha-Beach (entre Saint-Laurent-sur-Mer et Vierville-sur-Mer), envisage le repli des premières vagues d'assaut.

La percée du mur de l'Atlantique est le résultat d'une planification hors pair et d'une chaîne de commandement remarquablement intégrée ; elle prouve également qu'aucun dispositif de défense linéaire ne peut, dans les guerres modernes, entraver durablement l'élan de l'ennemi.

Aubigné (Théodore Agrippa d'),

écrivain (Pons, Saintonge, 1552 - Genève 1630).

La vie entière d'Agrippa d'Aubigné est scandée par ses luttes verbales et guerrières au service du parti calviniste. Élevé dans les principes de la Réforme, l'enfant est marqué, dès l'âge de 8 ans, par la vision des suppliciés d'Amboise : son père lui fait promettre, devant les cadavres des conjurés, de vouer toutes ses énergies à la défense de la cause protestante. Après la mort du père, Agrippa achève rapidement ses études et part au combat, où il fait montre d'une remarquable bravoure. Devenu compagnon d'Henri de Navarre, il échappe de justesse au massacre de la Saint-Barthélemy (1572). Quatre ans plus tard, il aide le roi de Navarre à quitter la cour de France, où Charles IX le retenait contre son gré.

C'est en 1577, après avoir été grièvement blessé au combat de Casteljaloux, qu'il dicte les premiers vers des Tragiques, vaste poème épique qui l'occupera quarante années durant. Entreprise au plus fort des guerres de Religion, l'œuvre ne sera éditée qu'en 1616 : elle portera pour seule mention d'auteur les lettres LBDD (« le Bouc du désert »), une allusion au surnom qu'a valu à d'Aubigné sa défense intransigeante de la foi réformée. Son imperturbable droiture lui attire d'ailleurs, au fil des années, quelques brouilles avec Henri de Navarre, dont il n'hésite pas à stigmatiser l'attitude sinueuse. Violemment opposé à l'abjuration du futur roi de France, il cherche à la contrecarrer par tous les moyens. Son échec l'amène, en 1593, à se retirer sur ses terres. Éloigné de la cour, il se consacre à l'enrichissement des Tragiques et rédige une Histoire universelle consacrée au parti protestant en France. Compromis en 1620 dans le soulèvement des « grands » contre le duc de Luynes, favori de Louis XIII, il s'enfuit à Genève, où il termine ses jours.

Au regard de l'histoire littéraire, Agrippa d'Aubigné est surtout le poète des Tragiques, une immense fresque d'inspiration biblique où les luttes religieuses de l'époque s'inscrivent dans l'éternelle opposition entre élus et réprouvés. Mais le poète est également historien, pamphlétaire, soldat, négociateur politique et religieux : couvrant tous les champs d'action et tous les domaines d'expression de son temps, passant de l'horreur des combats à la méditation silencieuse des textes sacrés, Agrippa d'Aubigné aura placé sa longue existence sous le seul signe de l'allégeance fougueuse à la cause réformée.

Augereau (Charles Pierre François),

maréchal d'Empire (Paris 1757 - La Houssaye, Seine-et-Marne, 1816).

La Révolution fait la fortune de ce soldat d'origine modeste, engagé à 17 ans, avant de devenir mercenaire au service de la Prusse, de l'Autriche et du royaume de Naples. Enrôlé en 1790 dans la Garde nationale, puis dans l'armée, il accède au grade de général de division en 1793. En 1795, il rejoint l'armée d'Italie, s'illustre notamment à Castiglione et à Arcole, au côté de Bonaparte, dont il devient l'auxiliaire privilégié. Celui-ci le dépêche à Paris en 1797 avec pour mission d'aider le Directoire à se défaire des royalistes, une tâche dont il s'acquitte en étant le bras armé du coup d'État du 18 fructidor an V. Il n'obtient pourtant en récompense que différents postes militaires avant d'être élu, en avril 1799, député au Conseil des Cinq-Cents, où il siège dans les rangs de la gauche républicaine. Opposant au coup d'État du 18 brumaire, il se rallie par la suite à Napoléon Ier, qui le fait maréchal d'Empire en 1804, et duc de Castiglione en 1808. Lors de la campagne de France de 1814, il est chargé d'arrêter la progression des armées coalisées dans le Sud-Est. Mais il abandonne Lyon aux Autrichiens et se rallie à Louis XVIII, lançant, le 16 avril, une proclamation hostile à l'Empereur. Malgré ses efforts pour rentrer en grâce lors des Cent-Jours, cette défection - dont on ignore si elle se fit en intelligence avec l'Autriche - lui vaut d'être rayé de la liste des maréchaux en avril 1815. Il est mis en disponibilité en décembre suivant, pendant la seconde Restauration.

Augsbourg (guerre de la Ligue d'),

conflit qui oppose la France à la majeure partie de l'Europe de 1688 à 1697.

La politique des réunions (annexions en temps de paix) inquiétait les États allemands. Par la ligue d'Augsbourg (juillet 1686), l'empereur Léopold Ier, la Bavière, le Palatinat, la Suède, l'Espagne et la Savoie passent une alliance défensive contre les visées françaises. Pourtant allié traditionnel de la France, le Brandebourg, puissance protestante choquée par la révocation de l'édit de Nantes, les rejoint, de même que les Provinces-Unies. Louis XIV continue sa « défense agressive » en prenant des gages sur le Rhin. Il revendique pour sa belle-sœur, princesse Palatine, une part à la succession du Palatinat. Il pousse un protégé, l'évêque de Strasbourg, à se porter candidat à l'évêché de Cologne. Le problème allemand se double d'un conflit avec le pape au sujet du statut de l'ambassade à Rome : les troupes françaises occupent Avignon en octobre 1688. Enfin, Louis XIV soutient Jacques II d'Angleterre, catholique convaincu, contre ses sujets protestants, qui font appel au stathouder des Provinces-Unies, Guillaume d'Orange, ennemi juré de la France (juillet 1688).