Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
L

Lebrun (Charles François),

duc de Plaisance, homme politique (Saint-Sauveur-Lendelin, Manche, 1739 - château de Saint-Mesme, Seine-et-Oise, 1824).

Ce fils d'un secrétaire du roi devient avocat avant d'entrer au service de Maupeou, alors premier président du Parlement, en tant que précepteur de son fils et secrétaire particulier. Lorsque son protecteur devient chancelier, il participe à l'élaboration du projet de réforme des parlements (1771). Retiré sur ses terres jusqu'en 1789, il représente cette année-là le tiers état du bailliage de Dourdan aux États généraux. À l'Assemblée constituante, il se fait, mais en vain, le défenseur du système politique anglais. Arrêté en septembre 1793, il retrouve sa liberté au lendemain du 9 Thermidor. Élu député par le département de Seine-et-Oise au Conseil des Anciens, il y prend la défense des parents des émigrés et dénonce les emprunts forcés. Soucieux de s'entourer d'hommes d'expérience et de rallier les royalistes, Bonaparte le nomme troisième consul, en décembre 1799, et le charge de la réorganisation des finances et de l'administration intérieure. Sous l'Empire, il devient architrésorier et l'un des personnages clés du régime. S'il désapprouve la création d'une nouvelle noblesse en 1808, il accepte néanmoins le titre de duc de Plaisance. En 1810, il assure la réorganisation des services publics du royaume de Hollande, dont il devient gouverneur général. L'indépendance d'esprit qu'il conserve face à Napoléon ne l'empêche pas d'être l'un des derniers fidèles de celui-ci en 1814. Nommé pair de France durant la première Restauration, il est privé de ses dignités par Louis XVIII en 1815 pour avoir servi l'Empereur durant les Cent-Jours. De nouveau admis à la Chambre haute en 1819, il ne joue cependant plus de rôle politique important.

Le Chapelier (loi),

loi du 14 juin 1791 interdisant les coalitions (grèves) et les associations (syndicats), tant ouvrières que patronales.

Elle est étendue au monde rural en juillet 1791. Votée trois mois après la loi d'Allarde supprimant les corporations, la loi Le Chapelier, qui prohibe toute entente pour agir sur les prix et les salaires, est une disposition essentielle du libéralisme du XIXe siècle. Répondant à la volonté d'instaurer la libre entreprise et la libre concurrence, elle correspond également à la pensée révolutionnaire, qui ne conçoit les rapports économiques que d'individu à individu, et selon laquelle aucun groupe d'intérêts ne doit s'interposer entre les citoyens - donc la volonté générale - et l'État. Dans les faits, la loi permet de mieux contrôler la main-d'œuvre et assujettit l'ouvrier au patron. Plus encore, avec la législation napoléonienne qui pénalise plus sévèrement les contrevenants ouvriers que ceux patronaux (loi de 1803) et étend l'interdit à l'ensemble des associations de plus de vingt personnes (Code pénal de 1810), elle met un frein durable à la formation de sociétés ou de « partis » politiques. Souvent contournée, abolie lors de la révolution de février 1848, et progressivement remise en vigueur au lendemain des journées de juin, la loi est assouplie sous le Second Empire, qui, tentant de dissocier mouvement ouvrier et mouvement républicain, tolère, sous condition, la coalition (loi du 25 mai 1864). Le texte est définitivement abrogé sous la IIIe République par la loi du 21 mars 1884 qui autorise la constitution de syndicats.

Leclerc (Charles Victor Emmanuel),

général (Pontoise 1772 - Saint-Domingue 1802).

Issu d'une famille bourgeoise acquise aux idéaux révolutionnaires, Leclerc s'engage comme volontaire en 1791. Il est rapidement élu lieutenant et participe au siège de Toulon, ce qui lui vaut une promotion. On le retrouve à l'armée d'Italie en 1796-1797, où il apparaît comme l'homme de confiance de Bonaparte, dont il épouse la sœur Pauline en juin 1797. Chef d'état-major à l'armée d'Italie, puis à l'armée d'Angleterre, il revient à Paris pour préparer le coup d'État du 18 brumaire. Le Premier consul le choisit en 1801 pour diriger la reconquête de Saint-Domingue et y rétablir l'esclavage, aboli depuis 1794.

Le corps expéditionnaire débarque en janvier 1802. Ne pouvant proclamer ouvertement ses objectifs, Leclerc louvoie et entend d'abord désarmer la population noire pour rétablir l'ordre colonial. Dans un premier temps, il réussit à obtenir le ralliement ou la soumission des généraux noirs, qui intègrent l'armée française. Le gouverneur général Toussaint Louverture signe un accord de compromis le 1er mai, ce qui n'empêche pas son arrestation et sa déportation un mois plus tard. Mais les nouvelles de la Guadeloupe - où l'esclavage a été rétabli brutalement - ruinent la tactique de Leclerc : alors que son armée est décimée par les fièvres tropicales, une insurrection générale éclate en août. En octobre, les Français ne tiennent plus que quelques villes côtières. Leclerc meurt, en novembre, de la fièvre jaune. L'expédition est un échec : l'indépendance d'Haïti est proclamée en 1804.

Leclerc (Jacques Philippe de Hauteclocque, dit),

maréchal de France (Belloy-Saint-Léonard, Somme, 1902 - Colomb-Béchar, Algérie 1947).

Sorti de Saint-Cyr, il passe par l'École de cavalerie de Saumur, avant d'effectuer une carrière aux colonies. Blessé en juin 1940, il se rallie à de Gaulle, qui le charge de s'emparer du Gabon pour le compte de la France libre. Après la prise de l'oasis libyenne de Koufra, il est nommé général et conquiert l'ensemble du Fezzan, puis, en 1943, participe à la campagne de Tunisie. En 1944, il est à la tête de la 2e division blindée, avec laquelle il marche sur Paris, qu'il contribue à libérer en août. Après une campagne modèle dans les Vosges, il entre à Strasbourg (novembre 1944) et s'empare de Berchtesgaden, le « nid d'aigle » de Hitler, en mai 1945.

Représentant le général de Gaulle lors de la signature de la capitulation japonaise, en septembre 1945, il est nommé à la tête du corps expéditionnaire grâce auquel la France entend réaffirmer son autorité sur l'Indochine. Réaliste et pragmatique, il est partisan de négocier avec le Viêt-minh, mais la politique moins conciliante du haut-commissaire, l'amiral Thierry d'Argenlieu, l'emporte. À nouveau pressenti pour régler la crise indochinoise par le gouvernement Blum, en décembre 1946, il refuse cette mission sur l'insistance du général de Gaulle. Devenu inspecteur des forces armées d'Afrique du Nord, il meurt dans un accident d'avion en 1947. Il est élevé à la dignité de maréchal de France en 1952.