Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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jacobinisme.

Historiquement, le jacobinisme, né sous la Révolution française, est lié au Club des jacobins, à son organisation, à sa pratique et à son idéologie.

Très tôt, ce club s'appuie sur un réseau national de sociétés de province, qui lui sont affiliées. En l'an II, alors que le mouvement jacobin est à son apogée, on compte environ 5 500 sociétés populaires : bien qu'elles ne soient pas toutes rattachées au club parisien, elles n'en représentent pas moins en province le jacobinisme dans toutes ses nuances. Elles sont particulièrement nombreuses dans le Sud-Est, à forte tradition de sociabilité associative, dans le Sud-Ouest, en région parisienne, en Haute-Normandie ; ailleurs, leur semis est plus irrégulier, voire très dispersé dans l'Ouest ou le Nord-Est. Même si leurs membres appartiennent avant tout à la bourgeoisie, on y rencontre aussi des artisans et des boutiquiers ; en outre, des militants (ou des militantes) qui n'appartiennent pas aux sociétés - dont la très large majorité exclut les femmes - peuvent être également considérés comme des partisans et des soutiens du jacobinisme.

Les interprétations du jacobinisme révolutionnaire.

• Les historiens distinguent différents moments du jacobinisme révolutionnaire : 1789-1791 (jacobinisme primitif : constitutionnel), 1791-1792 (jacobinisme mixte : démocratique et libéral), 1793-1794 (jacobinisme de l'an II), selon Michelet, suivi par François Furet. Albert Soboul propose, lui, une périodisation différente : 1789-juin 1793 (naissance et affirmation d'une pratique politique), 1793-1794 (hégémonie politique et dictature d'opinion), puis une « longue phase de survie et de transfiguration » après Thermidor.

L'idéologie jacobine de l'an II se caractérise par la recherche de l'unité, l'alliance entre la bourgeoisie et le mouvement populaire, la défense de la république démocratique, l'attachement à la « centralité législative » (Billaud-Varenne) autour de la Convention. Avec des nuances plus ou moins importantes et des appréciations variées, les différentes écoles historiques s'accordent néanmoins pour voir dans le jacobinisme de l'an II une « machine » (Michelet) « à produire de l'unanimité » et exerçant un « magistère d'orthodoxie » (Furet), un « instrument de direction politique et de domination idéologique » exerçant un « magistère idéologique et moral » (Claude Mazauric). Des études récentes soulignent cependant la diversité du jacobinisme avant l'an II, et mettent en avant, par exemple, l'existence d'un fédéralisme jacobin provençal en 1793 (Jacques Guilhaumou) : branche d'un mouvement jacobin moins homogène qu'on a pu l'écrire, celui-ci diffère du fédéralisme modéré progirondin, tout comme, sur certains points, du jacobinisme parisien, et vise à « instaurer un rapport égalitaire, démocratique, entre Paris et la province ». Mais ces tentatives sont étouffées, et en l'an II on assiste à un « processus de jacobinisation », d'« encadrement jacobin » des sociétés (Françoise Brunel), tant à Paris qu'en province.

Prolongements et postérité du jacobinisme.

• Après Thermidor, les jacobins sont pourchassés. Le Directoire voit naître un néojacobinisme, moins important qu'auparavant mais très actif. Des démocrates - anciens jacobins ou républicains plus modérés -, unis dans la défense de la République et des libertés publiques, reforment des clubs, tel celui du Panthéon, où Babeuf s'illustre en 1795 ; en 1797, les cercles constitutionnels se multiplient dans le pays après le coup d'État du 18 fructidor, et permettent un succès néojacobin aux élections de 1798 ; en 1799, l'éphémère Club du Manège apparaît comme une résurgence du Club des jacobins. Cette poussée néojacobine hostile au Consulat est vite écrasée par Bonaparte. Mais la tradition survit sous l'Empire et sous la Restauration, notamment dans les sociétés secrètes, où le jacobinisme se mêle au socialisme naissant.

Incarnant la radicalité de la Révolution, le jacobinisme reste une référence majeure des luttes politiques du XIXe siècle, qu'on voie en lui le mal absolu ou un modèle. Pour les révolutionnaires s'en réclamant, l'an II représente l'idéal de république démocratique et sociale auquel ils aspirent. Ce néojacobinisme socialiste forme l'un des courants de la Commune : égalitaristes, les communards « jacobins » croient dans le rôle de l'État pour prendre des mesures sociales et économiques favorables aux plus pauvres, et défendent la centralisation, c'est-à-dire l'unité nationale autour du Paris révolutionnaire, et non la domination de la capitale sur la province, dont le soutien est indispensable au succès de la révolution.

La IIIe République, stabilisée, assume l'héritage jacobin avec l'ensemble de la Révolution (définie par Clemenceau comme un « bloc »). Tout comme, sur un autre plan, le mouvement communiste du XXe siècle. Mais le mot « jacobinisme » connaît des glissements de sens : aujourd'hui polysémique, il évoque, plus que la tradition révolutionnaire, la défense d'un État fort et centralisé ; une conception assez éloignée du jacobinisme historique.

jacobins (Club des),

société politique fondée en 1789, qui impulsa en partie la politique révolutionnaire.

Au printemps 1789, les députés de Bretagne, bientôt rejoints par d'autres, forment à Versailles un informel « Club breton », afin de se concerter avant les séances des États généraux. Après les journées d'octobre, le club s'installe rue Saint-Honoré à Paris, près de l'Assemblée, dans l'ancien couvent dominicain des Jacobins, et prend le nom de « Société des amis de la Constitution ». De Barnave à Robespierre, s'y retrouvent tous les députés « patriotes » ; le club accueille aussi des non-députés, mais la cotisation est élevée, et les membres (un millier fin 1789) appartiennent aux milieux aisés.

Objectifs et organisation.

• Selon le règlement, l'objectif est d'aider l'Assemblée en « discutant d'avance les questions » qui doivent y être débattues, en « travaillant » à la Constitution. Le club entend aussi être le « centre commun » de toutes les sociétés révolutionnaires. Effectivement, la force des jacobins est de regrouper autour d'eux les clubs de province, grâce à la pratique de la correspondance et de l'affiliation, relayée par le Journal des amis de la Constitution, publié par Laclos : 66 clubs leur sont affiliés en mai 1790, 276 en décembre, 500 en mars 1791, et près d'un millier en octobre.