Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Quatorze Juillet (suite)

Sous le régime de Vichy, Pétain réduit la célébration nationale à un recueillement devant les monuments aux morts. En revanche, le 14 juillet 1940, le général de Gaulle, qui entend assumer la pérennité républicaine, adresse un message d'espoir à ses concitoyens et lance depuis Londres, comme il l'a fait le 18 juin, un appel à la résistance. En 1942, un tract, lâché d'un avion à l'aurore du 14 juillet, « fête de la patrie... fête de la liberté », appelle les Français à se rassembler. La BBC et les mouvements de la Résistance transmettent des consignes à tous ceux qui refusent de laisser debout « la bastille du temps présent », le nazisme. De fait, dans de nombreuses villes de la zone sud, des citoyens ont convergé vers les places de la République ou de la Liberté et, en zone occupée, des résistants ont réussi à hisser le drapeau tricolore et à faire dérailler des trains servant à l'armement des Allemands.

Tout naturellement, c'est le 14 juillet 1945 qu'est célébrée la « victoire ». Les troupes défilent, cette fois, de Vincennes à la place de la Bastille, où de Gaulle les passe en revue. Face au nazisme qui avait prédit, selon les mots de Goebbels, que « 1789 serait rayé de l'histoire », les résistants de diverses sensibilités politiques ont sauvegardé la mémoire républicaine, et puisé dans la symbolique révolutionnaire pour défendre les libertés nationales.

Pour la défense des libertés démocratiques.

• Dans les années 1930, paradoxalement, le fascisme a réussi à provoquer la réconciliation de la gauche - socialiste et communiste - avec le mythe de l'acte fondateur. Le Rassemblement populaire, esquissé au lendemain de la dramatique journée d'émeute antiparlementaire du 6 février 1934 - une tentative de putsch fasciste, estiment socialistes et communistes -, choisit le 14 juillet 1935 comme date de baptême du mouvement. Les organisations regroupées au sein du Rassemblement invitent leurs militants « à reprendre la grande tradition révolutionnaire qui faisait du 14 Juillet le jour de l'espérance et de la communion des volontés populaires ». Alors que se déroule aux Champs-Élysées la classique revue, à Montrouge, aux « Assises de la paix et de la liberté », 10 000 militants prêtent le serment « de rester unis pour désarmer et dissoudre les ligues factieuses, pour défendre et développer les libertés démocratiques... ». Jacques Duclos, secrétaire du Parti communiste, rompant avec la tactique « classe contre classe » prônée jusqu'alors, se réclame à la fois « du drapeau tricolore et du drapeau rouge », de la Marseillaise et de l'Internationale. Ainsi, le courant communiste se rallie à la tradition politique nationale. Le mythe du 14 Juillet est réactualisé et revêt de nouveau une signification révolutionnaire. L'après-midi, un long cortège antifasciste s'écoule de la Bastille à la Nation, réunissant peut-être un million de participants. « Tout un peuple debout pour la liberté », titre l'Humanité, bien des villes de province ayant aussi organisé leur rassemblement.

Un an plus tard, le 14 juillet 1936, le Front populaire signe sa victoire. Le peuple est invité à assister à la revue ; l'après-midi, les rassemblements dépassent en ampleur ceux de l'année précédente mais, surtout, les participants arborent des insignes tricolores. Spectacles et loisirs sont conçus comme auxiliaires de la politique, véritables instruments de propagande ou moyens d'exaltation collective. Ainsi, on remonte la pièce de Romain Rolland, le Quatorze Juillet (1902), avec la participation de Picasso et de musiciens célèbres, tels Arthur Honegger et Darius Milhaud. La rhétorique des défilés historiques illustre le passé révolutionnaire pour une pédagogie active des masses. L'allégresse est de mise. Le vrai plaisir reste le tour de valse en plein air, au son de l'accordéon, devenu motif cinématographique dans le Quatorze Juillet (1932), de René Clair.

Depuis le Front populaire, la gauche associe souvent le souvenir de 1789 à celui des manifestations de 1935-1936. Il est remarquable que, de nos jours, ce soient des municipalités communistes ou socialistes qui attachent le plus d'importance à la célébration nationale. « En reliant nos combats d'aujourd'hui au combat de nos aïeux de 1789 nous resterons fidèles à leur idéal... et nous créerons les conditions d'un monde meilleur », affirmait ainsi le maire communiste de La Seyne en 1973. Le 14 juillet 1995, cette même cité accueillait plusieurs artistes qui entendaient défendre les libertés démocratiques face au nouveau maire Front national élu à Toulon : un épisode qui témoigne de la pérennité idéologique de la fête commémorative de juillet.

« Adieu 89 » ?

• On se souvient sans doute de la Marseillaise entonnée au soir du 14 juillet 1989, à l'occasion du bicentenaire de la Révolution, par la cantatrice américaine Jessye Norman drapée des trois couleurs. Sans doute se souvient-on aussi du défilé orchestré par le publicitaire Jean-Paul Goude, de l'Arc de triomphe à la Concorde. Cette manifestation, suivie par un million de spectateurs et plusieurs millions de téléspectateurs, voulait mettre l'accent sur la fraternité, sans être une reconstitution historique. Mise en scène spectaculaire, grand succès populaire : ce 14 Juillet d'exception ne saurait toutefois effacer les polémiques historiographiques et politiques, les passions qu'a suscitées la commémoration du bicentenaire de 1789. La bataille franco-française, ouverte deux siècles auparavant avec la prise de la Bastille, retrouvait son actualité. Depuis, la célébration du 14 Juillet, affadie, est redevenue un folklore peu mobilisateur. Pourtant, elle entend toujours relier chaque Français à son passé et symboliser la continuité historique de la République.

Quatre Articles (déclaration des),

déclaration votée par l'assemblée du clergé le 19 mars 1682 afin d'affirmer les libertés gallicanes et de défendre le conciliarisme contre les prétentions universalistes du pape.

Le premier article proclame que le pouvoir politique des rois n'est pas lié à l'Église puisqu'il vient directement de Dieu ; le deuxième sous-entend que l'autorité du concile est supérieure à celle du pape ; les deux derniers limitent le pouvoir papal au respect des coutumes des Églises locales et au consentement de l'Église universelle. Le lendemain de cette déclaration, par un édit, Louis XIV impose aux établissements religieux du royaume d'enseigner les Quatre Articles.