Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Maurras (Charles), (suite)

Désintéressé, fougueux, convaincu de la force implacable de sa logique, Maurras érige sa pensée en système. Les disciples qui n'adoptent pas le point de vue du maître sont rejetés. À deux reprises, dans les années 1910, il réussit à neutraliser ses adversaires : en 1911, la vieille garde royaliste, qui tente de discréditer ses méthodes auprès du duc d'Orléans ; en 1914, les catholiques démocrates, qui essaient d'obtenir du pape Pie X la condamnation publique de quelques-unes des œuvres antichrétiennes de sa jeunesse (le Chemin de Paradis, 1895 ; Trois idées politiques, 1898 ; Anthinéa, 1901).

Au cours de la Première Guerre mondiale, Maurras soutient sans faille la cause de l'« union sacrée ». Il en retire un prestige qui lui vaut même l'estime des républicains patriotes, tel le partisan de Clemenceau Émile Buré. Poincaré lui-même le lit avec intérêt.

De l'« antigermanisme » au pétainisme.

• C'est avec le même acharnement qu'il poursuit son combat dans l'entre-deux-guerres, sans renouveau, ni des idées ni des méthodes. L'« antigermanisme » qu'il professe demeure immuable, tout comme l'hostilité à la République. La condamnation de l'Action française par le pape Pie XI, à la fin de l'année 1926, brise le rêve d'une alliance durable avec le catholicisme. La crise des années trente marque un déclin : de nouveaux courants de la droite non conformiste, composés parfois d'ex-maurrassiens, mettent en cause le principat intellectuel de Maurras. Ce dernier les comprend mal et raille leur volonté d'ébranler les bases du système républicain : « Mes amis, leur déclare-t-il, le 6 février 1934, ce n'est pas encore aujourd'hui que vous abattrez la République. » À partir de 1935, et plus encore de 1936, le projet de constitution d'une Union latine s'appuyant sur l'Italie de Mussolini et l'Espagne franquiste engage la ligue d'Action française dans un rapprochement périlleux avec les dictatures. Si Maurras demeure « anti-allemand » après la défaite de 1940, il entend conjuguer, au nom de la « seule France », obédience au régime de Vichy (salué comme l'État enfin restauré) et hostilité à l'Angleterre.

En janvier 1945, Maurras, francisque à la boutonnière, est condamné par la cour de justice du Rhône à la réclusion à perpétuité et à la dégradation nationale. Il demeure convaincu d'avoir été lucide et dénonce un verdict qu'il juge indigne. Après plusieurs années de détention à Clairvaux, il est gracié en 1952 et, en raison de son état de santé, transféré dans une clinique de Tours. Il meurt peu après, le 16 novembre 1952.

L'influence qu'il a exercée jusqu'au bout sur nombre de disciples ne tient-elle pas au moins autant à la rigueur logique de son système qu'à la passion stoïque avec laquelle il a engagé sa vie au service d'un ordre du monde qu'il affirmait inscrit dans la nature des choses ? Cette humilité a son envers : la certitude d'appartenir à l'élite de « ceux qui savent ».

Maury (Jean Siffrein),

prélat et homme politique (Valréas, Vaucluse, 1746 - Rome 1817).

Fils d'un modeste cordonnier et devenu ecclésiastique, il se révèle sous la Révolution comme un important orateur de la Constituante, grand défenseur de l'autorité traditionnelle, royale comme pontificale.

Ordonné prêtre en 1769, Maury se met au service des grands, devient vicaire, chanoine puis prédicateur du roi à Paris, et publie divers ouvrages qui lui valent d'entrer à l'Académie française (1785). Il est élu député du clergé aux états généraux de 1789, s'affirmant comme l'un des principaux tribuns du « côté droit » - « aristocrate » - de l'Assemblée nationale dont il ne cesse de contester la légitimité. Fougueux et provocateur, mais aussi cynique et arriviste, il intervient sur tous les sujets, devenant le héros de la presse royaliste et la cible privilégiée des caricatures populaires. À la séparation de la Constituante, il émigre à Rome (novembre 1791), où le pape le fait cardinal et ambassadeur à la diète de Francfort (1792), évêque de Corneto et Montefiascone (1794). Ambassadeur de Louis XVIII auprès du Saint-Siège, il doit fuir à plusieurs reprises les troupes françaises entrées à Rome sous le Directoire. Puis, ce partisan du despotisme éclairé opère un ralliement spectaculaire à Napoléon en 1804 : l'Empereur l'autorise à rentrer en France (1806), le nomme archevêque de Paris (1810-1814) malgré la défense du pape, et le fait comte d'Empire (1814). Contraint à l'exil en 1815, il est emprisonné à Rome. Libéré après sa démission du siège de Montefiascone, il y meurt du scorbut.

maximum (décrets et loi du),

mesures révolutionnaires instaurant le contrôle des prix et des salaires (1793-1794).

En fixant le « plus haut prix » que ne peuvent dépasser denrées et salaires, la Convention nationale met en place une législation dirigiste, bien que la bourgeoisie révolutionnaire - montagnarde comme girondine - demeure attachée au libéralisme économique.

Le maximum n'a pas valeur de modèle mais est une mesure provisoire, fruit des circonstances tout autant politiques qu'économiques. En effet, la taxation et la chasse aux « accapareurs » de denrées sont des revendications populaires qui surgissent, de façon récurrente, lors des nombreuses émeutes de subsistances d'alors, revendications qui ne sont satisfaites qu'après la déclaration de guerre (avril 1792) et, surtout, la formation de la grande coalition contre la France (février 1793). Certes, la guerre et le ravitaillement de l'armée - qui entraînent pénurie et inflation - nécessitent des mesures exceptionnelles, mais les montagnards souscrivent aux revendications sans-culottes aussi pour des raisons de stratégie politique : la recherche de soutien populaire dans leur lutte contre les girondins et la volonté de mettre fin aux troubles intérieurs. C'est sous la pression de ce mouvement populaire qu'est voté le premier maximum (4 mai 1793), qui ne concerne que le prix des grains ; mais, peu cohérent et saboté par les autorités locales attachées au libéralisme, il accentue la pénurie. Toutefois, la levée en masse d'août 1793 - provoquant la diminution de la main-d'œuvre et de la production en même temps que l'augmentation de la consommation - et la journée populaire du 5 septembre 1793 aboutissent aux votes du décret du 11 septembre, qui unifie le maximum des grains, et de la loi sur le maximum général (29 septembre 1793). Cette dernière, moins improvisée que la précédente, bloque les prix d'une quarantaine de denrées de première nécessité à un tiers au-dessus de leur cours de 1790 et les salaires à 50 % au-dessus de leur niveau de la même année. Ce dispositif juridique fonctionne à peu près, surtout grâce aux mesures de Terreur et aux réquisitions, et permet le ralentissement de l'inflation ; mais il souffre gravement de la fraude, de la croissance d'un marché parallèle qui attire les denrées, de contradictions et de complexité, tandis que le maximum des salaires provoque mécontentement et agitation des ouvriers. Si le bilan concernant le ravitaillement de l'armée est positif, celui de l'approvisionnement des villes est beaucoup plus mitigé. Après la chute de Robespierre, les thermidoriens, qui démantèlent la législation dirigiste, abolissent le maximum (4 nivôse an II [24 décembre 1794]). Ce brusque retour à la liberté des prix, conjugué à la dépréciation des assignats, provoque aussitôt un véritable drame social.