Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
J

Juillet (colonne de),

monument érigé à Paris en l'honneur des combattants des journées révolutionnaires de juillet 1830.

La colonne de bronze, que Louis-Philippe inaugure en grande pompe à l'été 1840 se situe sur l'emplacement de la prison de la Bastille, face au quartier populaire du faubourg Saint-Antoine. Haute d'une cinquantaine de mètres, la colonne est coiffée d'une statue monumentale : un génie nu qui tient dans une main une chaîne brisée et, dans l'autre, un flambeau. Aux accents de la Symphonie funèbre et triomphale, composée par Hector Berlioz pour la circonstance, les dépouilles de 504 combattants des Trois Glorieuses, dont les noms sont inscrits sur le monument, sont déposées dans des caveaux. Il a fallu presque dix années pour mener le projet à son terme : c'est en effet le 27 juillet 1831 qu'a été posée la première pierre.

En 1848, l'histoire du monument édifié à la gloire de la monarchie constitutionnelle s'infléchit nettement : les vainqueurs de février brûlent le trône de Louis-Philippe au pied de la colonne, et la IIe République naissante enterre ses martyrs auprès des morts de Juillet, le 4 mars 1848. À partir de cette date, la colonne de Juillet devient - et cela jusqu'à nos jours - un symbole à la fois républicain et révolutionnaire. Depuis la fin du siècle dernier, elle constitue, entre les places de la République et de la Nation, un point de ralliement pour des manifestations ou des fêtes populaires.

Juillet (monarchie de).

Le régime connu sous le nom de « monarchie de Juillet » (1830-1848) constitue l'ultime monarchie, libérale et constitutionnelle, qu'ait connue la France.

Né d'une révolution, il périt dans le cours d'une autre révolution, manifestant la profonde instabilité des institutions françaises, qui, depuis 1789, oscillent entre monarchie, république et empire. Si le temps du roi Louis-Philippe ne survit plus dans les mémoires que par les romans de Balzac, les caricatures du Charivari et un adjectif dépréciatif, « louis-philippard », il est aussi l'âge des grandes réformes libérales, de l'expansion économique, du romantisme et des utopies. La révolution de 1830 a dicté, dans ses grandes lignes, le destin de la monarchie de Juillet : malgré son évolution conservatrice, Louis-Philippe est demeuré le « roi des barricades ». L'insurrection parisienne des Trois Glorieuses (27, 28 et 29 juillet 1830) constitue, en effet, une révolution à la fois populaire, libérale et nationale. Au prix de violents combats, le peuple de Paris, appuyé par des militants républicains, s'empare de la capitale et en chasse le roi Charles X et ses ministres. La majorité parlementaire issue des élections de juin 1830, et conduite par des chefs du parti libéral (le marquis de La Fayette, Jacques Laffitte, Casimir Perier, Odilon Barrot) ou constitutionnel (Pierre Paul Royer-Collard, François Guizot, Louis Mathieu Molé), ainsi que par les rédacteurs du National (Armand Carrel, Adolphe Thiers), donne immédiatement une légitimité politique à ce combat. En usant de l'article 14 de la Charte constitutionnelle de 1814 (« Le roi [...] fait les règlements et ordonnances nécessaires pour l'exécution des lois et la sûreté de l'État »), Charles X avait promulgué les ordonnances de Saint-Cloud (25 juillet), par lesquelles la liberté de la presse était suspendue, la Chambre dissoute, et le nombre d'électeurs, diminué. Les libéraux ne pouvaient que s'opposer à cette interprétation ultraroyaliste de la Charte, qui devait reconduire la France à un régime de monarchie absolue. La majeure partie de l'armée puis du pays se rallie à une révolution nationale qui renvoie en exil une dynastie accusée d'être revenue en 1814 « dans les fourgons de l'étranger ». On célèbre alors le retour de la nation aux principes de 1789 et aux gloires de l'Empire, symbolisés par le drapeau tricolore. En portant au pouvoir Louis-Philippe d'Orléans (1773-1850), chef de la branche cadette des Bourbons, fils d'un prince régicide, et ancien combattant de Jemmapes, la révolution de 1830 semble parachever la « grande » Révolution.

Les grandes réformes libérales

Malgré les raidissements déjà sensibles d'un régime qui choisit très tôt la Résistance contre le Mouvement, les premières années de la monarchie de Juillet sont marquées par un ensemble de réformes libérales, appelées à modifier en profondeur la culture politique, le droit et la société. Le 7 août 1830, les deux Chambres - des députés et des pairs (d'où se sont exclus d'eux-mêmes ceux qui, tel Chateaubriand, sont demeurés fidèles à Charles X et à son petit-fils Henri, duc de Bordeaux et comte de Chambord) - votent une révision de la Charte, à laquelle Louis-Philippe Ier, « roi des Français », vient prêter serment le 9 août. La Charte révisée est amputée de son prologue monarchique ; le catholicisme n'est plus que la religion « professée par la majorité des Français » ; le droit de légiférer par ordonnances est aboli, et les Chambres reçoivent, à l'instar du roi, l'initiative des lois : c'est un véritable régime parlementaire, à l'anglaise, qui se met en place, liant l'action de l'exécutif au soutien d'une majorité parlementaire. Par la loi du 19 avril 1831, le suffrage reste censitaire, mais le corps électoral est élargi. En effet, l'âge requis pour voter est abaissé de 25 à 21 ans, et le cens, de 300 à 200 francs de contribution directe, faisant passer le nombre des électeurs de 90 000 à 166 000 (il sera de 241 000 en 1846). Le seuil d'éligibilité est également abaissé de 40 à 30 ans, et de 1 000 à 500 francs. La loi municipale du 21 mars 1831 élargit considérablement, le droit de suffrage, puisque les conseillers municipaux sont désormais élus (jusqu'à 10 à 15 % de la population peut voter), même si les maires continuent d'être nommés par le roi. La loi du 22 mars 1831 sur la Garde nationale, formation militarisée ouverte à l'ensemble des contribuables, généralise quant à elle l'élection des officiers. La monarchie de Juillet crée ainsi les conditions d'un apprentissage des mécanismes électoraux, et favorise une « descente de la politique vers les masses » (Maurice Agulhon).