Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
I

immigration (suite)

Par ailleurs, des mesures destinées à décourager les candidats à l'immigration ou à rasséréner un électorat tenté par l'extrémisme engendrent des contradictions, des drames humains propres à émouvoir l'opinion et à alerter les défenseurs des droits de l'homme. Même si elle met en avant l'autonomie de l'individu, la nécessité, de 1993 à 1997, pour les enfants nés en France de parents étrangers nés hors du pays, de demander la nationalité française entre 16 et 21 ans est perçue par beaucoup comme discriminatoire. De même, en 1997, le contrôle administratif rigoureux de l'hébergement des étrangers déclenche un mouvement de contestation. De nouvelles lois de 1998 à 2006 subordonnent l'obtention d'une carte de résident à des critères d'intégration. Surtout, au-delà des lois, c'est leur application qui pose problème : lorsqu'elles créent des situations familiales inextricables ou mettent en danger de mort certains demandeurs d'asile déboutés.

Des difficultés économiques particulières s'y ajoutent. Les mutations de l'économie, dont la robotisation, entraînent la suppression de nombreux postes de travail occupés par des immigrés - le chômage touchant le quart d'entre eux. Malgré un glissement vers le secteur tertiaire, qui emploie désormais 25 % des immigrés ayant un emploi, et le fait que mieux vaut chômer dans un pays riche que dans un pays pauvre, cette évolution contribue à une stagnation des effectifs : 3,4 millions d'étrangers en 1975, 3,6 millions en 1982, 3,3 millions en 1999, plus 300 000 ou 400 000 clandestins, impossibles à recenser exactement, d'où d'ailleurs exagérations et fantasmes. Les entrées légales n'ont pas totalement cessé, et restent de l'ordre de 100 000 par an - un peu moins depuis 1993 -, relevant à 80 % du regroupement familial, et compensées par un nombre de naturalisations sensiblement équivalent. Ces dernières reflètent une assimilation lente mais réelle, qui se lit par exemple dans les mariages mixtes, plus nombreux même depuis 1987 dans le cas des Marocains et des Algériens que dans celui des Portugais, ou dans la convergence rapide entre la natalité des groupes immigrés et celle des autochtones, puisque les Algériennes immigrées ont en moyenne 9 enfants en 1968 et 3,2 en 1990, contre 5,4 pour celles restées outre-Méditerranée.

S'il est vain de prétendre tirer des leçons de l'histoire, on peut noter que, depuis un siècle et demi, les vagues migratoires ont toujours paru poser des problèmes insurmontables en temps de crise ; des problèmes qui sont oubliés lorsque les difficultés économiques s'estompent, et que le besoin de main-d'œuvre est criant. Sauf à croire la France engagée dans un déclin irréversible la privant de ses capacités d'absorption, on peut supposer qu'il en sera ainsi encore une fois. Les prévisionnistes annoncent même qu'un retour à la prospérité impliquerait pour l'avenir un nouvel appel massif à l'immigration, ne serait-ce que pour compenser la diminution de la population active liée à la dénatalité.

immunité,

privilège accordé par les souverains, à partir de l'époque mérovingienne, à un établissement ecclésiastique, lui permettant de soustraire ses domaines à la juridiction royale.

L'abbé du monastère bénéficiaire d'un diplôme d'immunité, appelé « immuniste », devient alors le représentant du roi sur ses domaines. Il détient l'ensemble des attributs et des pouvoirs royaux, notamment en termes de fiscalité et de justice, et perçoit au nom du roi, et pour une grande part à son propre profit, les impôts, les taxes et les amendes. Entre le VIe et le VIIIe siècle, l'octroi de ces privilèges s'explique par la volonté royale de protéger l'Église et d'associer les réseaux ecclésiastiques (évêchés et monastères) à l'exercice du pouvoir monarchique, de manière à compenser le déclin des institutions civiles, et à contrecarrer la puissance des clans aristocratiques. À l'époque carolingienne, ce système est encore perfectionné : un laïc, l'avoué, est nommé par le souverain auprès de l'immuniste pour exercer en son nom les fonctions administratives, judiciaires et militaires.

Cependant, à partir des IXe et Xe siècles, l'immunité et l'avouerie finissent par favoriser l'essor des pouvoirs locaux, car la fonction d'avoué est accaparée, de manière héréditaire, par les princes, puis par les seigneurs châtelains qui en profitent pour asseoir leur puissance, et édifier des seigneuries banales. Et dès les XIe et XIIe siècles, à la faveur des réformes monastique et grégorienne, les clercs utilisent fréquemment les diplômes d'immunité pour justifier la constitution de seigneuries ecclésiastiques autonomes. Institution royale à ses débuts, l'immunité est ainsi devenue un instrument de la puissance seigneuriale.

Importants (cabale des),

nom donné au parti hostile à Mazarin, au début de la régence d'Anne d'Autriche.

Dès la mort de Louis XIII, le 14 mai 1643, tous ceux que Richelieu avait exilés reviennent à la cour. Parmi eux, le duc de Beaufort, fils du duc de Vendôme, demi-frère de Louis XIII, fait figure de chef du parti de la reine ; ses amis, qui prennent des airs d'importance - d'où le surnom que les courtisans leur donnent -, espèrent contrôler le Conseil de régence. À leur grande surprise, Anne d'Autriche, qui veut rester indépendante, choisit de garder Mazarin comme Premier ministre, même s'il est un ancien protégé de Richelieu. Cependant, elle nomme au Conseil son aumônier, Potier, évêque de Beauvais, personnage falot mais poussé par les « importants » et proche des milieux dévots. Mme de Chevreuse, amie de la reine, intrigue en faveur des « importants » qui, profitant de la haine qu'inspire le défunt Richelieu, jouissent d'une certaine popularité. Vendôme et ses fils désirent se voir attribuer le gouvernement de la Bretagne, ainsi que l'amirauté de France et la direction de l'Artillerie, charges qui feraient d'eux les égaux des grands chefs de clans, tels Gaston d'Orléans ou le prince de Condé. Mais Mazarin demande à Anne d'Autriche de devenir elle-même gouverneur de la Bretagne. Désespérant d'influencer la reine, laquelle est choquée par les pressions auxquelles ils se livrent, les membres de la cabale des Importants songent à assassiner le cardinal. Avertis, Mazarin et Anne d'Autriche prennent les devants. Le 2 septembre 1643, Beaufort est embastillé, ses amis repartent pour l'exil. Leur défaite montre le peu d'enracinement de ce parti qui, sous couvert de lutte contre l'absolutisme, s'est surtout montré avide de pouvoir.