Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

Cadoudal (Georges),

chef vendéen (Kerléano, près d'Auray, Morbihan, 1771 - Paris 1804).

Ce fils de paysans aisés poursuit des études qui lui permettent de devenir clerc de notaire. Même si, en 1789, il prend parti pour les « patriotes », il s'oppose peu après à la politique religieuse de la Révolution, avant d'être incarcéré en 1793 par les autorités révolutionnaires. Une fois libéré, il gagne la Vendée, où il participe aux combats, y compris pendant la « virée de Galerne », ville qu'il quitte pour la Bretagne après les batailles du Mans et de Savenay. De nouveau emprisonné à Brest avec sa famille, il ne doit la vie sauve qu'à la chute de Robespierre. Il s'échappe et entre dans la lutte contre les représentants de l'État.

Il s'agrège peu à peu au réseau de la chouannerie, que tentent d'unifier Puisaye et son adjoint Cormatin. Mais il s'en distingue en 1795 par son refus de toute pacification, et joue un rôle essentiel lors du débarquement de Quiberon en tant que commandant des chouans du Morbihan. Malgré les 15 000 hommes qui sont sous ses ordres, il est considéré avec mépris par les émigrés. Pourtant, tandis que ceux-ci sont enfermés dans la presqu'île de Quiberon par les troupes de Hoche, c'est Cadoudal qui, adjoint de Tinténiac, conduit une colonne chouanne pour prendre les républicains à revers. L'opération échoue, et l'expédition de Quiberon tourne au désastre : Cadoudal en rend responsable Puisaye, l'accusant de maladresse. Dès lors, il dirige la chouannerie morbihannaise, mais Hoche le contraint à la paix en 1796. Il se lance alors dans l'action politique, faisant élire certains de ses hommes, jusqu'au coup d'État de fructidor (4 septembre 1797) qui relance les opérations clandestines. Cadoudal, qui commande alors à huit légions, est reconnu par les princes. Il décide la reprise de la guerre, organise avec succès un débarquement d'armes et d'argent en provenance d'Angleterre, et tient tête aux forces républicaines dans le Morbihan en 1799. Mais cette victoire tourne court, car les chouans du Maine acceptent les propositions de paix de Bonaparte : Cadoudal doit se soumettre.

Après avoir refusé le grade de général et une rente de la part du Premier consul, il retourne à la clandestinité et gagne l'Angleterre, où il est accueilli en héros. Ne pouvant raviver la chouannerie en Bretagne, il organise ensuite des attentats contre l'« usurpateur », en relation avec Moreau et Pichegru : il est notamment impliqué dans le complot de la « machine infernale » du 24 décembre 1800. Trahi alors qu'il prépare d'autres opérations, il est arrêté, jugé et guillotiné.

Dans l'histoire très complexe de la chouannerie, qui reste mal connue, la figure de Cadoudal se distingue par sa longévité dans la lutte, ses capacités manœuvrières, sa forte personnalité. Il donne surtout l'impression d'une grande conviction royaliste, qui lui fait refuser toutes les compromissions comme tous les accommodements, y compris sous l'Empire, période propice à de nombreux ralliements. Il incarne ainsi, dans la mémoire collective, l'un des exemples parfaits de la tradition contre-révolutionnaire.

Cagoule (la),

surnom donné par la presse à une organisation clandestine d'extrême droite des années trente, dont la véritable dénomination aurait été Comité secret d'action révolutionnaire (CSAR) ou encore Organisation secrète d'action révolutionnaire nationale (OSARN).

Après la victoire du Front populaire, des militants issus de l'Action française, déçus par l'opposition - qu'ils jugent purement verbale - de leurs chefs de file, basculent dans l'activisme. Fondée en juin 1936 et dirigée par un polytechnicien, Eugène Deloncle, la Cagoule est rigoureusement hiérarchisée, selon le modèle militaire. Ses quelque 3 000 militants armés sont répartis en groupes cloisonnés et clandestins. Des liens sont noués avec les services secrets de l'Italie fasciste : en juin 1937, deux émigrés antifascistes, les frères Rosselli, sont assassinés par des cagoulards, en échange d'une livraison d'armes. Il semble bien que la Cagoule, inspirée par l'exemple du général Franco en Espagne, a envisagé un coup de force « national » contre la République en usant de la provocation (le siège de la confédération du patronat français est dynamité en septembre 1937, et l'attentat est attribué aux communistes) et du noyautage dans les forces armées (des contacts sont établis, mais restent, pour la plupart, sans suite). Cette absence de soutien militaire explique l'échec de l'organisation, dont le ministre socialiste de l'Intérieur Marx Dormoy annonce le démantèlement en novembre 1937. Durant la guerre, une minorité de cagoulards rejoint la Résistance ; mais la majorité se range aux côtés de Vichy - dont Joseph Darnand, le futur chef de la Milice. Deloncle prend place parmi les collaborationnistes parisiens ; devenu peu sûr, il est abattu par les Allemands en 1944.

cahiers de doléances,

expression des plaintes et souhaits des sujets du roi, à l'occasion de la convocation des états généraux.

Les premiers cahiers remontent à 1484 : seuls les deux ordres privilégiés et les oligarchies urbaines se mobilisaient alors et s'exprimaient vraiment. Tout change en 1788 : face à la montée générale des mécontentements, la monarchie est contrainte de convoquer des états généraux - qui n'avaient plus été réunis depuis 1614. S'ouvre un débat public d'ampleur inédite, à l'occasion de l'élection des députés. La noblesse et le clergé s'assemblent directement par bailliage, tandis que les cahiers du tiers état sont rédigés dans chaque paroisse à la campagne, et dans chaque corporation en ville. Ce ne sont pas toujours les gens du peuple qui tiennent la plume, mais le curé ou le bourgeois du lieu ; des modèles ont circulé, et les cahiers, transmis au chef-lieu de bailliage, ont été refondus. Malgré ces déformations et intermédiaires divers, l'ensemble des 60 000 cahiers conservés fournit une bonne photographie de l'opinion publique au début de 1789.

Des revendications liées à la vie quotidienne...

•  Les doléances du Tiers varient de la description naïve des misères locales à des prises de position politiques plus générales. La plupart des cahiers ruraux restent modérés, et empreints de déférence à l'égard du roi, encore considéré comme un père providentiel. Mais les revendications concernant l'égalité fiscale, la suppression de la corvée royale et de la milice, et la refonte des impôts indirects sont très fermes. La dénonciation des prélèvements et des privilèges seigneuriaux apparaît quasi unanime, même si les cahiers contestent ponctuellement les droits féodaux, plus qu'ils ne demandent leur suppression générale : ainsi, les paysans sont-ils prêts à en racheter certains reposant sur la terre, alors qu'ils critiquent la charge de la dîme et son détournement par la hiérarchie ecclésiastique au détriment des curés ; ainsi, réclament-ils la disparition pure et simple des justices seigneuriales, et se montrent-ils souvent hostiles aux propriétaires « forains », bourgeois des villes, étrangers au village. Les revendications directement politiques et institutionnelles semblent parfois reprises de l'extérieur - réunion régulière des états, vote par tête -, mais traduisent un assentiment certain aux mots d'ordre patriotes.