Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
H

Hougue (bataille de La), (suite)

Mais les conséquences stratégiques de la défaite de La Hougue sont importantes : la marine française n'osera plus affronter la Royal Navy dans la Manche ; la guerre sur mer est réorientée vers le harcèlement du commerce ennemi (guerre de course) ou vers les expéditions lointaines (stratégie indirecte).

Houphouët-Boigny (Félix),

homme politique ivoirien (Yamoussoukro 1905 - id. 1993).

Issu d'une famille de notables baoulés, Félix Houphouët-Boigny étudie à Dakar. Devenu médecin en 1925, il est aussi chef coutumier de son canton natal et planteur, ce qui lui permet d'acquérir une assise locale et une solide fortune personnelle. En 1944, il crée le Syndicat agricole africain (SAA), puis fonde en 1945 le Parti démocratique de la Côte-d'Ivoire (PDCI). Élu à l'Assemblée constituante française en 1945, réélu en 1946, il restera jusqu'en 1959 député du Rassemblement démocratique africain (RDA), dont il est également l'un des fondateurs. D'abord proche du Parti communiste français, qui l'a soutenu dès 1945, il rompt cette alliance en 1951 et s'apparente alors à l'Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR), une formation de gauche non communiste. Il est ministre à deux reprises sous la IVe République, puis de nouveau au début de la Ve.

Concernant l'évolution politique de l'Afrique occidentale, Houphouët-Boigny rejette avec vigueur l'idée d'une fédération d'États indépendants, défendue par Léopold Sédar Senghor. Premier président de l'Assemblée législative de Côte-d'Ivoire en 1959, il rompt les liens avec la Communauté en juin 1960, mais reste très proche de la France. Il est alors élu triomphalement président de la République ; constamment réélu jusqu'à sa mort, il affermit son pouvoir au sein du PDCI, devenu parti unique. Il s'applique à maintenir des relations amicales avec la France et la CEE, et demeure, sous les présidents successifs de la Ve République, l'un des piliers de la politique africaine de l'ancienne métropole.

Hugo

(Victor). Né avec le XIXe siècle (1802) et mort presque à son terme (1885), Hugo en a compris et accepté la dimension essentielle.

De là qu'il le résume et l'incarne. Au siècle de l'Histoire - celui où elle devint une réalité de l'expérience commune, une dimension nécessaire de la pensée et un savoir autonome -, il accepta d'en être l'acteur, le témoin et le poète, sa victime aussi. Elle lui a rendu ce qu'il lui donnait, faisant de Hugo, presque seul entre tant d'écrivains, l'une de ses figures.

« Le poète dans les révolutions »

Le poème liminaire des Odes et poésies diverses (1822) vaut programme : ce que Hugo a pleinement vécu, c'est l'histoire de son temps. Le titre qu'il donne au recueil de ses discours, Actes et paroles, convient à l'œuvre entière. Biographie et livres mêlés, sa carrière épouse le cours de l'histoire et adopte ses dates.

1802.

• « Ce siècle avait deux ans ! [...] Mon père vieux soldat, ma mère vendéenne », le célèbre poème des Feuilles d'automne (1831) fait hériter son auteur - et le siècle avec lui - de la grande déchirure révolutionnaire, « bleus » contre « blancs », avec mission de la résorber sans la trahir. Raccourci exact. Si la guerre civile a réuni ses parents - l'orpheline élevée par un grand-père membre du Tribunal révolutionnaire de Nantes, et l'officier de l'armée du Rhin envoyé en Vendée -, elle donne bien vite à leur mésentente ses occasions et son langage. En mars 1814, tandis que le général Hugo s'obstine à défendre Thionville, sa femme porte chaussures vertes pour piétiner la couleur de l'Empire. Aux Feuillantines, couvent désaffecté par la Révolution où elle élève ses enfants, elle cache le général républicain Lahorie - son amant peut-être -, membre de la conspiration Malet-Guidal, fusillé en 1812, parrain de Victor. Cahotée de garnisons en pensions, traversée de voyages aux allures de fuite à travers l'Italie et l'Espagne ensanglantée où le père combat les guérillas, l'enfance de Victor Hugo s'empreint de la violence de l'histoire. De sa dynamique aussi : la carrière de Hugo - dernier des poètes épiques de la guerre - continue l'ambition d'un père engagé volontaire à 15 ans, et enregistre la puissance de cette alliance, aux confins de la bourgeoisie et du prolétariat, que le XIXe siècle nomme « peuple » et qui anime l'énergie de ses entreprises.

1825.

• Invité moyennant ode commémorative, Victor Hugo assiste au sacre de Charles X. Décoré de la Légion d'honneur, pensionné, patronné, fondateur-rédacteur d'un bien nommé Conservateur littéraire (1819-1821), il serait le poète officiel de la Restauration, comme ses amis Lamartine et Vigny, s'il ne donnait déjà des signes de dissidence : sa fidélité à Chateaubriand et à l'idée d'une monarchie renouvelée et populaire, quelque fascination dans l'exécration de l'Empereur, le refus de s'enrôler dans la réaction religieuse. En 1822, déjà, son drame Inès de Castro avait été refusé par la censure.

Bientôt, la volte-face des autorités, qui enjoignent aux idéaux conservateurs de s'exprimer dans les formes classiques, met fin au contresens du romantisme « ultra ». Hugo en est comme libéré : les Ballades (1826), qui renouvellent les formes populaires ; de nouvelles odes, maintenant accueillantes à la gloire de l'Empire ; Cromwell (1827), où la dérision atteint le principe monarchique lui-même, et dont la préface proclame la liberté de l'art ; Bug-Jargal, et surtout les Orientales (1829), qui, en dépit de l'actualité de la guerre d'indépendance de la Grèce, sapent l'européano-centrisme et esquissent un internationalisme inouï ; enfin, le Dernier Jour d'un condamné (1829), premier acte d'un long combat ininterrompu contre la peine de mort, mettent Hugo non seulement à la tête de la Jeune-France, mais, à dire vrai, bien au-delà. Marion de Lorme est interdite par la censure pour offense à la royauté ; Hugo refuse à Charles X en personne, puis publiquement, d'en échanger la correction contre une grosse pension.

1830.

• Si bien que la bataille d'Hernani est à l'art et à la culture ce que les Trois Glorieuses sont au pouvoir d'État. Même enthousiasme, succès égal et semblable embarras ensuite. Le régime épousait assez bien la société pour ne laisser de choix au progressisme libertaire des romantiques qu'entre l'utopie (républicaine ou socialiste), la sécession inutile (l'art pour l'art) ou la compromission. Ruy Blas (1838) met en scène ce piège : comment changer l'ordre social s'il faut lui en emprunter les moyens ? Comment éviter d'être traître ou bouffon ?