Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

Comédie-Française, (suite)

...à la politique des administrateurs.

•  Pourtant, les dangers qui menacent cette société théâtrale viennent moins de l'extérieur que de l'intérieur, en particulier des rivalités entre comédiens et des congés que s'accordent les plus en vue pour monnayer leur talent sur les scènes du boulevard. Afin de la stabiliser, Louis Napoléon institue par décret le poste d'administrateur (27 avril 1850). Nommé par le ministre de l'Intérieur (manière de rappeler le poids de la tutelle), venant de l'extérieur ou promu du sérail, s'appuyant sur le conseil d'administration de six sociétaires élus, il dispose de l'autorité nécessaire à l'élaboration d'une véritable politique de recrutement de nouveaux pensionnaires (étape obligée avant l'accession au sociétariat) et d'ouverture du répertoire (grâce au comité de lecture). Ainsi, d'Arsène Houssaye à Marcel Bozonnet, la Comédie-Française, sans renier son rôle de conservateur du patrimoine dramatique (qu'elle assume également par ses tournées régulières à l'étranger), s'est-elle ouverte aux œuvres de son temps et aux mises en scène les plus modernes. Et, transformée depuis le décret du 5 mars 1995 en établissement public national à caractère industriel et commercial, elle peut désormais s'associer et exploiter ses diverses activités (location de costumes, enregistrements de spectacles, etc.) de manière à grossir des fonds qui, quelle que soit la hauteur de la subvention de l'État-mécène, s'avèrent toujours insuffisants pour que la « maison de Molière » demeure fidèle à la mission que lui assignait Louis XIV : « Rendre les comédies [i.e. les spectacles] plus parfaites par le moyen des acteurs et des actrices. »

comité autrichien,

groupe de pression, à la fois mythique et réel, soupçonné de conduire secrètement la politique de la France sous le règne de Louis XVI.

Dès avant la Révolution, l'idée qu'il existe un comité secret, au service de l'Autriche et dominant le roi, prend sa source dans le renversement des alliances de 1756 - la France s'engageant aux côtés de l'Autriche dans la désastreuse guerre de Sept Ans - et le mariage, en 1770, du futur Louis XVI avec Marie-Antoinette ; une union avec l'ennemi héréditaire qui est considérée par certains membres de la cour et une partie de l'opinion publique comme choquante et contraire aux intérêts français. En butte aux coteries de Versailles et suspectée de servir l'Autriche, Marie-Antoinette fait l'objet d'une campagne de dénigrement continue ; ses maladresses et sa prodigalité, mais aussi l'apparente faiblesse de Louis XVI et les pressions de la cour de Vienne alimentant une légende noire, reprise sous la Révolution. Nommée « l'Autrichienne » dès les années 1770, la reine est accusée, en 1790, d'être au cœur d'un comité secret, partisan de la monarchie absolue et pactisant avec les puissances étrangères. De fait, prônant d'emblée l'intransigeance, la reine, qui correspond avec l'ambassadeur d'Autriche à Paris Mercy-Argenteau, prend des contacts, dès l'automne 1790, avec son frère l'empereur d'Autriche, et avec les cours européennes. Elle leur demande d'intimider les révolutionnaires, puis d'intervenir après l'arrestation du roi (qu'elle a incité à fuir) à Varennes. Lors de la déclaration de guerre à l'Autriche (avril 1792), elle se rend coupable de trahison en fournissant les plans de Dumouriez à Vienne ; enfin, elle demande et obtient la rédaction du manifeste de Brunswick (juillet 1792), qui menace Paris de représailles s'il est porté atteinte à la famille royale.

Alors que depuis l'hiver 1791 l'opinion est agitée par la peur d'une contre-révolution armée, les patriotes reprennent en 1792 l'antienne du comité autrichien. En mai, les girondins dénoncent violemment dans la presse et à l'Assemblée nationale ce comité, formé selon eux du comte de Montmorin (ministre des Affaires étrangères de 1787 à 1791) et de Bertrand de Molleville (ministre de la Marine de 1791 à 1792). Ils le rendent responsable de toutes les manœuvres contre-révolutionnaires. Après la chute de la monarchie, la reine sera accusée, lors de son procès, d'avoir été la principale instigatrice des crimes commis par le roi contre le peuple pour le plus grand profit de l'Autriche.

Comité des forges,

organisation patronale créée en 1864 par les maîtres de forges.

Au début des années 1860, la modernisation de la métallurgie française, et une tolérance nouvelle du gouvernement à l'égard des coalitions professionnelles, toujours interdites, permettent la naissance du Comité des forges. Cet organisme veut faciliter les ventes à l'étranger et harmoniser les prix. Avec la loi Waldeck-Rousseau en 1884, le Comité des forges, désormais légal, se dote de statuts. Reste l'essentiel : traitant avec les pouvoirs publics, il représente un groupe de pression important, capable de nouer des liens entre industriels et droite parlementaire. Son premier président, Eugène Schneider, directeur des usines du Creusot, ex-ministre de l'Agriculture et du Commerce, est député de Saône-et-Loire. De 1890 à 1898, c'est le baron Reille, ancien sous-secrétaire d'État, député conservateur du Tarn, qui préside le Comité.

L'entrée dans le XXe siècle marque un tournant. En 1901, le Comité des forges participe à la création d'un nouveau groupement : l'Union des industries métallurgiques et minières (UIMM). En 1904, les mêmes hommes figurent à la tête des deux organismes : Antoine Guillain, directeur de la compagnie Thomson, député du Nord jusqu'en 1910, ancien ministre des Colonies, cumule les fonctions de président du Comité des forges et de président de l'UIMM ; Robert Pinot, déjà délégué de l'UIMM, est nommé secrétaire général du Comité des forges. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, alors que l'UIMM négocie avec les syndicats ouvriers (accords de 1919 avec la CGT sur la journée de huit heures), le Comité des forges poursuit son propre parcours. Au cours des années vingt, François de Wendel, élu député pour la première fois en 1914, en est la figure ascendante. En 1925, le Comité regroupe 260 entreprises adhérentes. Réunissant les industriels les plus importants du pays, disposant de sommes considérables, bénéficiant de relations dans nombre de milieux dirigeants, il constitue alors « l'organisme syndical le plus puissant de France » (Jean-Noël Jeanneney), « le premier grand cartel français » (Alain Plessis). Ses adversaires, qui l'accusent de former un État dans l'État, en donnent souvent une image mythique : celle d'une organisation aux moyens illimités tenant entre ses mains les gouvernements de la République. Le Comité des forges, supprimé - comme tous les syndicats - en 1940 par le gouvernement de Vichy, est remplacé par un Comité d'organisation de la sidérurgie.