Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
S

serment.

Au Moyen Âge, cet acte par lequel on prend Dieu à témoin de la vérité d'une parole se rencontre tant dans la vie professionnelle, judiciaire que politique.

Il est véritablement au cœur des relations sociales en de nombreuses circonstances - serment du roi lors de son sacre, serment du vassal à son seigneur, serment communal... - et donne lieu à une mise en scène rituelle qui participe de son efficacité symbolique. En effet, on jure alors sur des objets sacrés - les reliques - et de plus en plus sur les Évangiles.

Largement présent dans l'Antiquité gréco-romaine mais condamné par Jésus et le Nouveau Testament, l'usage du serment trouve pourtant une légitimité auprès des Pères de l'Église, notamment saint Augustin dont les textes sont repris par le droit canon. L'Église s'approprie peu à peu le contrôle du serment, qui aboutit à sa constitution en un « quasi-sacrement ». Celui qui le rompt est « parjure » et relève de la compétence de la justice ecclésiastique. Dès lors, l'Église peut intervenir dans toute cause où l'on soupçonne la rupture d'un serment : elle y trouve un moyen d'accroître son emprise sociale.

Un acte social.

• Les clercs dénoncent les serments qui apparaissent dangereux pour l'ordre social, notamment ceux qui sont aux fondements des mouvements d'émancipation urbains, dès le XIe siècle dans la France du Nord. Les citadins qui s'assemblent pour obtenir libertés et franchises forment une conjuratio (étymologiquement, « jurer avec »), qui est à l'origine d'une forme particulière de charte de franchises, la commune. L'historien André Chédeville fait remarquer que « la grande originalité du serment communal réside dans le fait qu'il unit désormais des égaux, créant ainsi une solidarité horizontale entre des hommes égaux en droit et qui n'étaient pas issus de l'aristocratie ».

Le serment intervient sans cesse dans le déroulement de la justice médiévale. Le serment purgatoire, dès l'époque franque, sert de preuve à l'accusé, qui le prête pour affirmer son innocence. Son rôle décroît à la fin du Moyen Âge. Bien d'autres serments ponctuent le processus judiciaire, du serment du juge à celui du témoin.

La société féodale, structurée par des liens d'homme à homme impliquant des devoirs et des services réciproques, fait un large usage du serment. Le vassal, après la prestation de l'hommage, doit jurer fidélité à son seigneur (l'expression médiévale « foi et hommage » rend compte de ce double rite). Après l'adoubement, les chevaliers prêtent également serment. Si l'engagement juré soude le monde des guerriers, il doit aussi garantir la paix : les Paix et Trêve de Dieu (dès la fin du Xe siècle) s'accomplissent par le serment. Et c'est encore par serments que sont scellés les « pactes d'amitié » entre confessions (catholique et protestante) à la fin des années 1560.

Un « outil » politique.

• Dès le haut Moyen Âge, le serment est un moyen de gouvernement. En 802, Charlemagne organise la prestation générale d'un serment de fidélité de ses sujets - serments recueillis par des envoyés temporaires (les missi dominici). Encore au XVe siècle, les rois de la dynastie des Valois (mais aussi le régent anglais Bedford) demandent à leurs sujets des prestations collectives de serment. En 1415, la paix d'Arras doit être jurée par tous, « tant nobles, comme non-nobles et tant d'Église, comme séculiers ». Les officiers royaux et princiers, quant à eux, prêtent serment lors de leur entrée en fonction. Serments, refus de sa prestation, accusations de parjure et appel aux autorités religieuses apparaissent comme des outils politiques dont on use en fonction des enjeux. Ainsi, en septembre 1419, Marguerite de Bavière, après le meurtre de son mari Jean sans Peur, duc de Bourgogne, par les hommes du dauphin Charles, envoie un ambassadeur auprès du pape pour lui demander de déclarer le dauphin parjure des serments de paix qu'il prêta peu auparavant, lors des accords de Pouilly.

La Réforme (avec les critiques du serment et l'impossibilité pour les protestants d'endosser des formulations catholiques) et le développement de l'État moderne relèguent au second plan l'utilisation politique et sociale du serment. Pour autant, son rôle symbolique ou judiciaire demeure, comme en témoignent le serment du Jeu de paume en 1789 ou le serment exigé au palais de justice, à la barre des témoins.

Serre (lois),

lois qui instituent en 1819 un régime de relative liberté pour la presse.

Le comte de Serre, qui devient à la fin de 1818 garde des Sceaux dans le ministère Decazes, est un monarchiste sensible aux idées libérales, dans la droite ligne des Doctrinaires. Comme de Broglie ou Guizot, il se montre favorable à un assouplissement du régime de la presse. Dans un contexte de rupture avec les excès de la « terreur blanche », il fait adopter trois lois aux mois de mai et juin 1819. Elles portent en particulier sur l'abolition de la censure et sur le remplacement de la demande d'autorisation lors de la fondation d'un journal par une simple déclaration. La notion de délit de presse évolue vers plus de liberté : « Une opinion ne devient pas criminelle en devenant publique. » En cas d'outrage, de provocation grave, d'offense à l'égard du roi ou des Chambres, une garantie contre l'arbitraire est introduite puisque le procès doit se dérouler devant un jury. Par ailleurs, le régime de la presse devient en quelque sorte censitaire (comme le suffrage) car toute feuille politique est soumise à un lourd cautionnement. Sous l'effet des lois Serre, des journaux tels que la Quotidienne (ultra), le Conservateur de Chateaubriand (légitimiste) ou le Constitutionnel (libéral) connaissent un remarquable essor. Mais, devant la montée de l'opposition libérale, Decazes et de Serre esquissent, dès 1819, un rapprochement avec les ultras et, après l'assassinat du duc de Berry (13 février 1820), de nouvelles lois sur la presse effacent les avancées de l'année précédente.

Serres (Olivier de),

agronome (Villeneuve de Berg, Ardèche, vers 1539 - Le Pradel, près de Villeneuve de Berg, 1619).

Diacre protestant issu de la petite noblesse méridionale, Olivier de Serres transforme progressivement son domaine du Pradel en exploitation modèle. Durant la période chaotique des guerres de Religion, il réussit à améliorer l'assolement en remplaçant les jachères par des plantes fourragères, acclimate le maïs, la betterave et le mûrier ; il introduit également la garance des Flandres et le houblon d'Angleterre. Appelé à Paris par Henri IV, qui s'intéresse aux innovations agronomiques, il plante vingt mille mûriers blancs dans le jardin des Tuileries et publie de 1599 à 1603 ses trois grands ouvrages, le Traité de la cueillette et de la soye par la nourriture des vers qui la font (1599), le Théâtre d'agriculture et mesnage des champs (1600) et la Seconde Richesse du mûrier blanc (1603). Devenu l'un des livres favoris d'Henri IV, le Théâtre d'agriculture est diffusé dans toutes les paroisses de France par décision royale. Cette œuvre a-t-elle contribué à augmenter la productivité de l'agriculture française et à rénover ses méthodes ? Dans un siècle où une infime proportion de paysans savent lire, où les grands propriétaires exploitants ne se passionnent guère pour les progrès de l'agriculture, l'audience de tels traités ne peut que rester limitée. Olivier de Serres est un novateur trop tôt venu, dont les principes d'économie agricole ne seront véritablement mis en pratique qu'au XIXe siècle.