Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

Clavière (Étienne), (suite)

Sa carrière prend un nouveau tournant en mars 1792, lorsqu'il devient, à l'initiative de Brissot, ministre des Contributions publiques. Considéré comme trop hostile par la cour, il se verra reprendre son portefeuille par le roi, le 20 juin ; il revient au gouvernement après la journée du 10 août. La chute des girondins, en juin 1793, causera sa perte. Arrêté, il n'est cependant pas jugé lors du procès d'octobre 1793. Mais, déféré devant le Tribunal révolutionnaire en décembre, il préfère se poignarder la veille de sa comparution. À l'annonce de son suicide, sa femme le rejoindra dans la mort en s'empoisonnant.

Clemenceau (Georges),

homme politique, président du Conseil de 1906 à 1909 et de 1917 à 1920 (Mouilleron-en-Pareds, Vendée, 1841 - Paris 1929). Issu d'une famille de propriétaires aisés, il est élevé dans la tradition républicaine, dans un pays pourtant profondément marqué par la mentalité « blanche ».

« L'éternel opposant ».

• Étudiant en médecine à Paris sous le Second Empire, docteur en 1865, il appartient à la jeune génération des opposants républicains au régime impérial, qui est très influencée par le scientisme et le positivisme. Il fréquente diverses personnalités républicaines, fonde, à 20 ans, une feuille d'opposition, subit une peine de deux mois de prison pour incitation au désordre, avant de partir pour les États-Unis, où il séjournera durant quatre ans, de 1865 à 1869. De retour en France, il est nommé maire du XVIIIe arrondissement de Paris, après le 4 septembre 1870. Hostile à l'armistice signé par le gouvernement provisoire en janvier 1871, il essaye, en tant que maire d'arrondissement et député (élu en février 1871), de s'interposer entre les insurgés de la Commune et l'Assemblée, mais en vain. Même s'il condamne sans ambiguïté la révolte parisienne, il n'admet pas pour autant la politique provocatrice d'Adolphe Thiers. L'échec de sa tentative le pousse à renoncer à ses fonctions politiques quand éclate la « semaine sanglante », puis à se consacrer durant plusieurs années à son activité de médecin, au cœur du quartier pauvre de Montmartre.

Réélu député de Paris lors des élections générales de 1876, il participe au combat républicain des années 1876-1879. Son rôle s'affirme à partir de 1879, après la victoire définitive de la République. Déployant beaucoup d'énergie pour faire aboutir le projet de loi d'amnistie des communards, qui sera adopté en juin 1880, il fait figure d'aiguillon de la majorité républicaine par ses propositions, qui portent essentiellement sur l'instauration intégrale d'une démocratie politique : suppression du Sénat - assemblée qui n'est pas élue au suffrage universel -, instruction primaire obligatoire, protection sociale, élection des magistrats, décentralisation et, surtout, séparation de l'Église et de l'État. Clemenceau est, en effet, un anticlérical sans concessions, qui considère l'Église comme la force incarnant par excellence l'oppression et l'obscurantisme. Redoutable polémiste et excellent orateur, « l'éternel opposant » (Jean-Baptiste Duroselle) devient l'une des personnalités les plus en vue de la Chambre. Apparaissant comme le chef d'une opposition de gauche aux ministères républicains, il prend une part active à la chute des gouvernements Ferry en 1881, Gambetta et Freycinet en 1882. Le 30 juillet 1885, Clemenceau prononce un grand discours contre la politique coloniale de Jules Ferry, alors compromise par les événements du Tonkin : il défend la nécessité de ne pas disperser les forces du pays face aux dangers qui menacent la France en Europe, et affirme son rejet de l'idée d'une race « supérieure » qui aurait des droits particuliers à l'égard de groupes « inférieurs ».

La mise à l'écart temporaire.

• Lors des élections de 1885, il est réélu député, dans le Var, cette fois, un département de la petite paysannerie « rouge ». Mais la configuration de la nouvelle Chambre, où ne se détache pas de majorité claire, et la féroce rivalité qui l'oppose à Jules Ferry lui barrent l'accès à la présidence du Conseil. D'abord favorable à la nomination, au ministère de la Guerre, du général Boulanger, qui lui apparaît comme un républicain, il combat ensuite - contrairement à d'autres radicaux - l'entreprise politique « messianique » et « plébiscitaire » du militaire. Il participe à la défense républicaine, ainsi qu'à la création, en mai 1888, de la Société des droits de l'homme et du citoyen. Mais, au début des années 1890, la conjoncture politique générale lui devient beaucoup moins favorable : il est, en effet, débordé sur sa gauche par la poussée socialiste. Il manifeste pourtant un intérêt accru à la question sociale, annonçant à la tribune de la Chambre, le 8 mai 1891, la montée du « quatrième état » (le prolétariat). En outre, à l'heure où se pose la question du ralliement des catholiques à la République, il rappelle, à la tribune de la Chambre en janvier 1891, que « la Révolution est un bloc », dont un véritable républicain ne saurait dissocier les divers aspects de l'héritage. Toutefois, la constitution progressive d'une majorité « modérée », avec le ralliement au régime des catholiques et d'une partie des conservateurs, contribue à isoler l'extrême gauche républicaine à laquelle il appartient. Cependant, sa disgrâce politique est liée à un événement précis, la dénonciation du scandale de Panamá en novembre 1892 et sa mise en cause par Paul Déroulède : en relation avec l'escroc Cornélius Herz, le député du Var aurait reçu de ce dernier des fonds nécessaires au financement de son journal, la Justice. L'affaire le compromet gravement. Malgré sa défense devant les citoyens, prononcée le 9 août 1893 dans la localité de Salernes, il est battu lors des élections générales de 1893. Désormais, durant plusieurs années, Clemenceau, en retrait par rapport à la vie politique, se consacre à l'activité littéraire et journalistique.

« Le Tigre ».

• L'affaire Dreyfus va le remettre en scène. Sceptique au départ, Clemenceau sera convaincu, en novembre 1897, par l'écrivain Bernard-Lazare, de l'innocence d'Alfred Dreyfus. Il défend la cause du capitaine dans le journal l'Aurore, récemment créé, et dont il est l'un des rédacteurs, publiant sur ce sujet 665 articles entre 1897 et 1899. Son engagement relève moins de la dénonciation de l'antisémitisme - il réprouve l'intolérance à l'égard des juifs - que du souci de la défense des droits individuels face à une justice insuffisamment indépendante à l'égard des pouvoirs. Sollicité par ses amis varois, celui qui fustigeait naguère la Haute Assemblée est élu sénateur du Var en avril 1902, ce qui le réintègre dans le jeu parlementaire. La formation d'une nouvelle majorité, axée à gauche, l'émergence et la percée du Parti radical - dont il n'a jamais été adhérent -, le concours d'amitiés nées de son engagement dreyfusard, le font apparaître à nouveau comme un personnage clé de la vie politique. Bien que partisan convaincu de la séparation de l'Église et de l'État, Clemenceau s'oppose aux excès du « combisme », qui lui semblent mettre en cause les droits individuels, et condamne avec sévérité les pratiques du général André quand éclate le « scandale des fiches ». Lorsqu'il accède aux sphères gouvernementales, d'abord en tant que ministre de l'Intérieur du cabinet Sarrien, en mars 1906, puis à titre de président du Conseil, d'octobre 1906 à juillet 1909 (soit trente-trois mois, l'un des plus longs ministères de la IIIe République), il doit faire face à une agitation sociale multiforme et souvent violente : monde ouvrier travaillé par le mouvement anarcho-syndicaliste, viticulteurs du Midi, fonctionnaires qui réclament le droit de syndicalisation. « Le Tigre » - ce surnom date de ces années - n'est nullement fermé aux questions sociales, comme l'atteste la création du ministère du Travail en 1906. Il estime justifiées les revendications des travailleurs tendant à défendre leur dignité et leur indépendance face au patronat, mais il n'admet pas que l'autorité de l'État soit remise en cause, et considère les théories socialistes comme de dangereuses chimères, ainsi qu'en témoignent les incessants duels oratoires qui l'opposent à Jaurès durant cette période. Aussi ses efforts sont-ils orientés vers le maintien de l'ordre (ainsi, à Draveil et à Villeneuve-Saint-Georges, en 1908) beaucoup plus que vers l'adoption de mesures sociales : les deux grandes réformes en chantier, celle de l'impôt sur le revenu et le projet de loi sur les retraites, subissent d'ailleurs sous son ministère l'obstruction parlementaire.