Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Louis XV (suite)

Aussitôt après la mort du vieux monarque, Louis XV, le Régent et la cour quittent Versailles pour la capitale. Le Palais-Royal devient alors le centre de la vie politique. L'héritage est lourd : à l'intérieur se réveillent l'opposition du parlement et celle de la noblesse ; la situation financière est préoccupante, et les problèmes religieux restent en suspens. En Europe, il faut beaucoup de prudence pour atténuer les sentiments de haine et de jalousie suscités par la politique belliqueuse des précédentes décennies.

Dès le 15 septembre 1715, le Régent redonne au parlement le droit de remontrance, supprimé depuis 1673. D'autre part, afin de répondre aux aspirations de la noblesse, il instaure le système de la « polysynodie », qui consiste à remplacer les ministres par des conseils composés de sept membres appartenant à l'ancienne noblesse. Le duc d'Orléans abandonne cependant cette pratique en septembre 1718, et il gouverne dès lors secondé par le cardinal Dubois, promu Premier ministre, et assisté par le Conseil de régence.

Dans l'espoir de remédier à une situation financière désastreuse, le Régent adopte le système préconisé par l'Écossais Law. Ce dernier estime pouvoir diminuer la dette de l'État grâce à une politique d'inflation, tout en relançant l'économie par la circulation de billets émis par une banque générale et garantis par l'État. Après un succès foudroyant, la banque de Law s'effondre en 1720. Quelque vilipendé qu'il ait été, et malgré un certain nombre de débâcles financières, le « système » a néanmoins permis à l'État de payer ses dettes et d'augmenter ses recettes.

Pendant que le Régent tente d'éviter la banqueroute, il se heurte à l'opposition janséniste, que soutiennent des docteurs de Sorbonne, des évêques, de très nombreux curés, des jurisconsultes (d'Aguesseau), ainsi que bon nombre de parlementaires. Par leur appel à la conscience individuelle et à l'esprit de libre arbitre, les jansénistes favorisent alors la naissance d'une conscience collective du corps civique. Le 5 mars 1717, quatre évêques, suivis par trois mille ecclésiastiques, relancent la polémique en demandant la réunion d'un concile pour condamner la bulle Unigenitus (1713), qui a proscrit le jansénisme. Ils affirment ainsi la supériorité du concile sur le pape, et critiquent de ce fait le pouvoir royal, qui s'est placé sous la tutelle du souverain pontife. Le 4 août 1720, le duc d'Orléans riposte en exigeant du parlement qu'il interdise désormais d'écrire contre la bulle Unigenitus et de faire appel à un concile.

En Europe, le traité d'Utrecht (1713) a modifié l'équilibre des forces. Il n'y a plus désormais de Habsbourg qu'à Vienne, puisque Philippe V, petit-fils de Louis XIV, règne à Madrid. Avec l'Alsace, la Flandre, la Franche-Comté et le Roussillon acquis au siècle précédent, la France, entourée d'États plus faibles qu'elle, doit dès lors songer à conserver plutôt qu'à conquérir. Après le traité de Madrid (janvier 1720), qui met fin à un bref conflit avec l'Espagne, on décide de marier Louis XV à l'infante, âgée de 3 ans, pour sceller la réconciliation franco-espagnole.

Confié au maréchal de Villeroi, son gouverneur, et à l'abbé Fleury, son précepteur, l'enfant-roi, chéri de la population parisienne, reçoit l'instruction habituellement dévolue aux princes, tandis que le Régent l'initie, dans la mesure du possible, aux affaires de l'État, par des entretiens en tête à tête, à partir de 1719. En 1720, Louis XV préside le Conseil à plusieurs reprises. Officiellement, la Régence s'achève le 15 février 1723, le roi - âgé de 13 ans - ayant atteint la majorité, mais le jeune souverain demande au duc d'Orléans de poursuivre sa tâche avec le titre de principal ministre. À la mort de ce dernier, le 2 décembre, le duc de Bourbon lui succède, jusqu'à sa disgrâce en 1726.

Louis le Bien-Aimé : 1723-1748

Très pressé que le roi assure sa postérité, le duc de Bourbon estime qu'on ne peut attendre que l'infante devienne nubile. Parmi les princesses susceptibles d'être épousées, on choisit Marie Leszczynska, fille du roi de Pologne détrôné Stanislas Leszczynski, et on renvoie l'infante. Même si la jeune femme, âgée de 22 ans, est d'une complexion assez agréable et d'une moralité irréprochable, cette alliance semble bien modeste pour un roi de France. Le mariage, célébré le 5 septembre 1725, se révélera fécond. Dix naissances, dont celle du dauphin en 1729, s'échelonneront de 1727 à 1738. Fort amoureux de son épouse aux premiers temps de leur union, Louis XV se refroidit bientôt, et jette son dévolu sur Mme de Mailly dès 1732, inaugurant ainsi une longue carrière libertine.

Le 15 juin 1726, Louis XV décide de gouverner seul, mais il se contente en fait de régner en assumant son rôle représentatif : il préside les cérémonies, donne des audiences, et procède aux nominations. Le pouvoir est en réalité exercé par son ancien précepteur, devenu cardinal, André Hercule de Fleury, lequel s'appuie sur quelques grands ministres (Orry aux Finances, Chauvelin, garde des Sceaux et secrétaire d'État aux Affaires étrangères, d'Aguesseau également garde des Sceaux, Maurepas à la Maison du roi et à la Marine). Sans en avoir le titre, Fleury exerce les fonctions d'un principal ministre jusqu'à sa mort, le 29 janvier 1743. Après les perturbations de la Régence, le cardinal préconise une politique d'économies tout en manifestant une volonté de paix avec les puissances européennes.

Une exceptionnelle stabilité monétaire et financière caractérise ce long ministère. Les budgets de 1739 et de 1740 sont même excédentaires ! Un édit de janvier 1726 attribue au louis la valeur de 24 livres, qui restera stable jusqu'à la Révolution. Cette même année voit l'établissement de la Ferme générale pour la perception des contributions indirectes, dont le montant diffère selon les régions. La réforme de ce système, aussi impopulaire que la taille, échoue en 1733. En revanche, la capitation et le dixième, créés pour financer la guerre de la Succession de Pologne et celle de la Succession d'Autriche, pèsent sur la totalité de la population. Dans le domaine de la justice, les ordonnances du chancelier d'Aguesseau tendent à unifier le droit civil. Réorganisés pendant la Régence, les Ponts et Chaussées entreprennent la reconstruction du réseau routier, en ayant recours à la corvée.